Après avoir fait de Serge Gainsbourg le sujet d'un film aux limites du surréalisme, le bédéiste français Joann Sfar (Le chat du rabbin, Donjon) se penche sur le cas d'une autre légende de la chanson française: Georges Brassens. L'exposition Brassens ou la liberté est à l'affiche de la Cité de la musique de Paris jusqu'au 21 août.

Si Gainsbourg, vie héroïque contribuait plutôt à alimenter le mythe autour du chanteur-séducteur, Brassens ou la liberté tente de redonner son vrai visage à Georges Brassens, un homme qui n'aimait pas beaucoup se révéler, autrement qu'en chansons, et dont l'image reste assez floue 30 ans après sa mort.

L'exposition, conçue par Sfar et Clémentine Deroudille, divise la vie de Brassens en cinq temps, de l'apprentissage de la liberté à la consécration.

De magnifiques dessins de Sfar ponctuent l'exposition, dans lesquels il exprime en couleur et parfois même en bédé - avec son talent unique -, sa vision un peu irrévérencieuse, drôle, mais toujours sympathique de l'artiste.

Dans les salles, on déambule aussi devant des photos, des manuscrits et des petits films. Çà et là, de vieux téléphones (avec écouteurs, comme on en trouvait auparavant partout en France) permettent d'entendre des extraits d'entrevues de Brassens données tout au long de sa carrière. Il y parle de son amour de l'anarchie, de son aversion pour la religion, de poésie, d'antimilitarisme, de son goût pour la métaphore, de ses rencontres. Partout, enfin, on entend ses chansons. Au grand plaisir des visiteurs, très nombreux la fin de semaine, dont plusieurs fredonnent des chansons apprises par coeur. À l'évidence, beaucoup d'inconditionnels de Brassens vivent à la Cité de la musique un moment chargé d'enthousiasme et d'émotion.

Un grand timide

Alors, que comprend-on de Brassens dans cette expo? D'abord, comme l'écrit la conservatrice Clémentine Deroudille, qu'il est «un grand timide, mal à l'aise sur scène, un libertaire qui choisira une vie individuelle plutôt que les combats collectifs, sans renier ses convictions, une force tranquille, inébranlable dans le tourbillon du succès, qui n'a jamais suivi que sa petite musique intérieure».

Un être d'exception, donc, qui a vécu une grande partie des années 50, sans égard à sa popularité grandissante, dans une minuscule bicoque de l'impasse Florimont, à Paris, en compagnie d'un couple formé de Jeanne et Marcel, de même qu'un paquet d'animaux, dont un corbeau, une buse, un chien et des chats, encore des chats. Avec la notoriété viendra l'argent, qui permettra à Brassens de faire installer l'eau et l'électricité dans son repaire. Il ne quittera cette arche de Noé, où il a écrit la plupart de ses chansons, que par la contrainte, après le remariage de Jeanne.

Brassens n'aimait pas trop non plus monter sur scène. Il testait toujours ses chansons chez Bobino. Là, par habitude, il se sentait un peu chez lui. Brassens a bien sûr fait quelques tournées, surtout par égard pour ceux qui les organisaient, mais après avoir parcouru les routes de France pour les festivals du disque de l'impresario Jacques Canetti, y avoir parfois conspué un public trop peu attentif, et refusé systématiquement de saluer au moment de sortir de scène, Brassens se sera toujours contenté du minimum.

Comme le montre une photo prise près de Kahnawake, Brassens est quand même venu au Québec en 1961. Un voyage pendant lequel il a rendu hommage à Félix Leclerc, le premier à «déchirer la fleur bleue de la chanson. À chanter vrai. Après (lui), j'ai pu démarrer .»

L'exposition se termine au sous-sol de la Cité de la musique. Là, on peut voir tout le concert, à ce jour inédit, qu'il a donné à Bobino en 1969. On peut aussi écouter sur trois ordinateurs des dizaines de versions des chansons de Brassens reprises dans une vingtaine de langues. Parmi elles, Les amoureux des bancs publics en japonais par Fubuki Koshiji, Les copains d'abord chantée en français par le Golden Gate Quartet, La non-demande en mariage en italien par Nanni Svampa ou Mourir pour des idées en russe par Alexandre Avanessov.

Brassens ou la liberté, à la Cité de la musique de Paris, jusqu'au 21 août.

Entrée: 8 euros.

Infos: www.cite-musique.fr

Le catalogue de l'exposition, publié par Dargaud, est une incroyable mine de renseignements sur Brassens... et on y retrouve aussi les centaines de dessins faits par Joann Sfar pour l'exposition. Il est vendu 39 euros.