De loin - et de jour -, le nouveau Centre Pompidou-Metz n'est pas à son meilleur: la membrane blanche de fibres de verre et de téflon qui recouvre et protège la structure de bois a des allures caoutchouteuses de palais des Schtroumpfs, et le vaste développement urbain prévu entre la gare et le centre-ville - centre des congrès, logements, commerces et bureaux - est pour l'instant un mélange de chantier et de terrain vague.

Mais de nuit, l'architecture conçue par le Japonais Shigeru Ban et Jean de Gastines devient magique: la membrane translucide laisse apparaître la charpente de bois constituée de 18 kilomètres de poutres d'épicéa agencées en forme hexagonale.

 

Quand on oublie l'environnement actuel et qu'on se rapproche de l'objet, on est frappés par une impression de légèreté. Depuis le jardin et le parvis, on accède au rez-de-chaussée, une immense nef baignée de lumière naturelle. De tous les côtés, le toit s'arrête à quatre ou cinq mètres du sol, et on a le sentiment d'être dans un immense marché couvert.

Deux ascenseurs de verre donnent accès aux trois étages supérieurs, des rectangles allongés qui semblent empilés dans le désordre. Chacun d'entre eux se termine par un mur de verre qui ouvre très précisément sur un quartier du vieux Metz transformé en tableau.

Inauguré le 11 mai, «Pompidou-Metz» constitue un objet culturel d'un nouveau genre. «Pour la première fois, un lieu d'exposition de dimension internationale s'installe en dehors de la capitale», explique le patron des lieux, Laurent Le Bon, longtemps conservateur au Centre Pompidou de Paris.

Au départ, un montage inédit. D'un côté, la communauté urbaine de Metz et la région qui investissent 70 millions d'euros (environ 90 millions de dollars) pour la réalisation du bâtiment et vont lui assurer un budget annuel de 10 millions d'euros. De l'autre, le Centre Pompidou de Paris qui s'engage à alimenter gratuitement en oeuvres cette nouvelle filiale.

«Le Centre Pompidou de Paris, dit encore Laurent Le Bon, possède la deuxième collection d'art contemporain au monde, avec environ 6500 oeuvres, dont une partie reste dans les réserves, faute d'espace pour les exposer.»

Pour le lancement du nouveau centre, la maison mère n'a pas franchement envoyé ses oeuvres mineures. Cette exposition de départ - Chefs d'oeuvre? - à l'affiche jusqu'au 29 août 2011, a des dimensions colossales pour un accrochage temporaire: sur quatre niveaux et 5000 m2, 800 oeuvres, dont 700 prêtées par Beaubourg.

On peut y admirer un parcours étincelant du XXe siècle, avec des oeuvres emblématiques de Dali, Chirico, Braque, Fernand Léger ou Picasso. Certaines oeuvres rarement exposées en raison de leurs dimensions: les panneaux géants de Robert Delaunay pour l'exposition universelle de 1937, le triptyque Bleu de Joan Miro. Et des curiosités comme Le magasin de Ben ou un grand tableau noir «qui contient tous les autres tableaux». Le célèbre court métrage de René Clair, Entracte, où une bande d'artistes dadaïstes en habits à queue et hauts de forme courent après un corbillard lancé à toute vitesse.

L'expo, méditation sur la nature des chefs d'oeuvre, est un musée d'art moderne à elle seule dont la visite peut vous demander une journée entière.

Guggenheim

Pompidou-Metz est une opération culturelle qui, forcément, fait penser au célèbre Musée Guggenheim de Bilbao - certes deux fois plus important par le budget de construction et les dimensions - qui attire chaque année un million de visiteurs. Malgré ses 400 000 habitants et un centre historique à la pierre tirant sur le jaune et au beau dessin géométrique, la zone métropolitaine de Metz était jusqu'à maintenant le parent pauvre de l'est de la France en matière touristique. Avec ce nouvel OVNI architectural planté à 200 m de la gare, la ville de la Lorraine ambitionne de devenir une destination en soi pour les amateurs d'art, qui pourraient en même temps visiter deux importants musées de la ville voisine de Luxembourg.

Et tout cela à 1h20 de Paris en TGV.

L'objectif plutôt modeste de 200 000 visiteurs par année a été lâché: «Je refuse toute projection de ce genre, car chaque fois qu'on s'est amusés à en faire, on s'est plantés, dit avec une pointe de provocation Laurent Le Bon. Idem pour les comparaisons avec Bilbao: depuis le succès phénoménal du Guggenheim, il y a eu 50 projets analogues en Europe, qui n'ont pas produit le même effet. D'ailleurs, avec cette symbiose avec le centre de Paris, entièrement public, Pompidou-Metz se situe aux antipodes du Guggenheim.»

Une ruée du public comparable à celle de Bilbao, toutefois, les pouvoirs publics de Metz-Métropole ne seraient pas contre. En attendant, on avait enregistré 50 000 visiteurs une semaine seulement après l'inauguration.