Les Russes ont toujours prisé la Côte d'Azur, la Riviera du sud-est de la France fréquentée jadis par l'aristocratie. Mais aujourd'hui, ils s'y sentent parfois mal aimés en raison de l'arrogance de certains de leurs nouveaux «oligarques».

«Chez nous, tout le monde adore les Français. Mais ici, vous n'avez pas la même attitude bienveillante envers nous», se plaint Helena, professeur de psychologie, rencontrée à la bibliothèque russe de Nice, à cinq minutes de la Promenade des Anglais. Au mur, un portrait du métropolite Wladimir, premier évêque russe orthodoxe de Nice après la révolution.

 

Plus au nord, dans le quartier Tsarevitch de cette ville où s'étaient installés nombre de Russes blancs fuyant le communisme, se dresse la cathédrale russe, avec ses cinq bulbes en tuiles vernissées bleues et vertes.

Alexis Obolensky, responsable de la cathédrale , nuance l'avis d'Helena: «Si votre comportement est empreint d'arrogance, si vous dépensez sans compter et que vous ne vous mêlez pas à la population, alors les gens peuvent vous regarder de travers.»

Des Russes, pas les Russes

Mais, ajoute-t-il, ce ne sont pas «les» Russes, ce sont «des» Russes qui sont éventuellement mal aimés, des Russes à la fortune ostentatoire, que l'on appelle parfois «les nouveaux Russes».

Sur eux pèse le soupçon de l'argent sale. «Invérifiable», dit une source policière, «du coup c'est vrai, il y a un soupçon global» sur l'argent russe.

Les oligarques installés sur la Côte d'Azur se comptent sur les doigts de la main: «on en entend toujours parler, mais on ne les voit jamais. C'est un peu mythique, l'oligarque», dit Joëlle Obolensky, épouse d'Alexis et responsable de la bibliothèque russe.

Roman Abramovitch, 15e fortune mondiale, propriétaire du Chelsea FC, a acheté à prix d'or au bout du cap d'Antibes le château de la Croë, dont la rotonde en demi-lune et à colonnade évoque la Maison-Blanche.

Au début de l'été, Mikhaïl Prokhorov, roi du nickel, était mentionné par la presse comme l'acquéreur de la «villa la plus chère du monde» à 500 millions d'euros, la Villa Leopolda à Villefranche-sur-Mer. Il a démenti. Et aux dernières nouvelles, l'affaire ne serait toujours pas conclue.

Ces milliardaires ne sortent de l'anonymat que contraints et forcés, comme Suleiman Kerimov, 35e fortune mondiale, dont l'accident en Ferrari sur la Promenade des Anglais, en 2006, avait défrayé la chronique.

La population russe sur la Côte d'Azur, estimée entre 10 000 et 12 000 personnes, est disparate: elle compte aussi un bon nombre de sans-abri, familiers des organisations caritatives. La classe moyenne, elle, achète studios et petits appartements pour ses vacances ou une retraite au soleil.

La présence russe sur la Côte d'Azur est très ancienne. Elle avait commencé dans les années 1850 avec l'impératrice Alexandra Féodorovna, qui avait fait deux séjours prolongés à Nice, entraînant dans son sillage l'arrivée de l'aristocratie.