Réputées pour leur douceur en plein hiver, les plages espagnoles des Canaries ou des Baléares ont vu affluer des foules inattendues de touristes aux projets de vacances contrariés par les soulèvements populaires en Égypte et en Tunisie.

Une aubaine pour l'Espagne, passée en 2010 de la troisième à la quatrième place des destinations touristiques dans le monde et devancée par la Chine.

L'Espagne subit en particulier la rude concurrence des stations balnéaires égyptiennes de la Mer rouge et des plages méditerranéennes de Tunisie, moins chères et situées à une distance en avion comparable depuis l'Allemagne ou la Grande-Bretagne.

Mais la révolte qui a éclaté en Tunisie début janvier, puis celle qui a secoué l'Égypte ont bouleversé les projets de nombreux touristes qui ont pris le chemin de l'Espagne, en particulier de l'archipel des Canaries au large du Maroc.

2,66 millions de touristes étrangers ont visité l'Espagne en janvier, soit une augmentation de 4,7% par rapport à janvier 2010 et la première depuis 18 mois, selon le ministère du Tourisme.

Les Canaries ont été la première destination avec 866.476 touristes, 8,8% de plus qu'en janvier 2010. Et la région de Valence, sur la Méditerranée, a connu un bond de 20%.

«Nous avons bénéficié d'une certaine manière de la crise en Égypte et en Tunisie parce qu'elle a détourné les touristes de ces pays», a commenté le ministre du Tourisme Miguel Sebastian.

«Mais cela ne doit pas être notre but. Notre politique est de renforcer notre compétitivité, en particulier sur les marchés touristiques d'avenir que constituent la Russie, la Chine et l'Inde», a-t-il ajouté.

Les agents de voyage attendent 300 000 touristes supplémentaires aux Canaries durant la saison d'hiver qui s'achève fin avril, selon le gouvernement régional.

Les Baléares, en Méditerranée, profitent elles aussi de la situation, avec des stations balnéaires offrant des prestations équivalentes à celles des côtes égyptiennes ou tunisiennes.

«Les pays à avoir le plus bénéficié de la situation en Égypte sont l'Espagne, avec des réservations aux Baléares en hausse de 30% par rapport à l'an dernier, et la Grèce, avec une augmentation de 20%», souligne le directeur de Thomas Cook, le deuxième voyagiste européen, Manny Fontenla-Novoa.

Le moteur de recherches WhichBudget.com signale une «augmentation significative» des recherches de vols vers l'Espagne tandis que les demandes pour la Tunisie ont plongé de 50% et pour l'Égypte de 30%.

La plus forte augmentation, 22%, a concerné en janvier les vols vers Barcelone, devant l'île de Tenerife aux Canaries avec une hausse de 12%.

Le directeur général de Turespana, l'organisme chargé de la promotion du tourisme espagnol à l'étranger, Alvaro Blanco, souligne néanmoins que ces touristes ont été «prêtés» par l'Égypte et la Tunisie à l'Espagne, mais qu'il reste encore à les fidéliser.

«Ce sont des touristes qui n'auraient pas choisi l'Espagne» dans d'autres circonstances. «Nous devons leur montrer que l'Espagne est une destination proche et sûre», remarque-t-il.

Et en dépit de ces bons résultats, certains hôteliers s'inquiètent de l'instabilité et des violences dans plusieurs pays arabes et redoutent une hausse des prix des billets d'avion liée à la flambée des cours du pétrole.

«Dans une économie mondiale interconnectée, l'instabilité dans le bassin méditerranéen risque d'avoir des conséquences économiques négatives avec des répercussions sur le tourisme en Espagne», souligne Juan Antonio Fuster, le porte-parole de la Fédération hôtelière de Majorque aux Baléares.