On ne s’en rend pas toujours compte lorsqu’on occupe le siège d’un passager, mais certains aéroports exigent des manœuvres plus techniques ou présentent des singularités étonnantes. Après avoir testé le nouveau simulateur de vol ouvert au public par AviaSim, nous nous sommes demandé lesquels. Le pilote Alexandre Drone nous parle de ces pistes hors des sentiers battus.

Lisez « Simulateur de vol à Dorval Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Oui, mais il commence ! »

Entre pics, bourrasques et slaloms

  • L’aéroport d’Innsbruck : qui dit montagne dit vents violents…

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    L’aéroport d’Innsbruck : qui dit montagne dit vents violents…

  • Avant d’atterrir à Wellington, on voit les montagnes de très près.

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    Avant d’atterrir à Wellington, on voit les montagnes de très près.

  • Avant d’atterrir sur l’île de Madère, l’alignement se fait tardivement.

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    Avant d’atterrir sur l’île de Madère, l’alignement se fait tardivement.

  • L’aéroport de Tivat, au Monténégro, où soufflent des bourrasques importantes.

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    L’aéroport de Tivat, au Monténégro, où soufflent des bourrasques importantes.

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Nul besoin de faire un dessin pour comprendre que les approches dans des environnements montagneux imposent des défis plus techniques aux pilotes. « On y vole souvent entre les montagnes, où on a toujours naturellement plus de turbulences avec les vents qui les descendent ou les remontent », indique M. Drone, pilote en formation et instructeur pour AviaSim. Parmi ceux capables d’accueillir des avions de ligne, il cite l’aéroport d’Innsbruck, en Autriche, où la proximité des Alpes corse les choses, ou celui de Wellington, en Nouvelle-Zélande. « On slalome entre les montagnes pour passer au-dessus d’une étendue d’eau, puis au-dessus d’une montagne juste avant la piste. Un passager les verra de près », raconte-t-il.

Il y a aussi l’exemple un peu extrême de Paro, au Bhoutan ; seulement une vingtaine de pilotes sont certifiés pour s’y poser. Le défi est relevé : non seulement le relief empêche un alignement précoce sur la piste, mais en plus, le guidage par instrument y est impossible. « C’est une approche entièrement à la main, ce qui est très rare pour un avion de ligne, et il va falloir slalomer jusqu’à pouvoir s’aligner au dernier moment avec la piste », explique Alexandre Drone.

Autres aéroports où virages tardifs et vents puissants pimentent les manœuvres : celui de Madère, au Portugal, baptisé Cristiano-Ronaldo, qui exige de piloter son avion aussi bien que le footballeur conduit son ballon ; ainsi que celui de Tivat, au Monténégro. « Il est au bas des montagnes, juste avant une étendue d’eau. Du coup, les vents descendent de la montagne et viennent frapper l’avion de plein fouet. On le surnomme le Kai Tak européen », dit le pilote. Qu’est-ce que Kai Tak ? Gardez la ligne.

Des villes à part

  • À l’approche de Washington, on slalome entre des obstacles invisibles : les zones interdites de vol, nombreuses.

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    À l’approche de Washington, on slalome entre des obstacles invisibles : les zones interdites de vol, nombreuses.

  • Les pistes de London City Airport réclament une technique particulière, liée à la forte descente et à la courte piste.

    PHOTO MATTHEW LLOYD, BLOOMBERG

    Les pistes de London City Airport réclament une technique particulière, liée à la forte descente et à la courte piste.

  • À Gibraltar, une route traverse la piste, avec des passages à niveau.

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    À Gibraltar, une route traverse la piste, avec des passages à niveau.

  • Une vue aérienne de Kai Tak, à Hong Kong. Les pistes de l’aéroport ont été réurbanisées et n’existent plus.

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    Une vue aérienne de Kai Tak, à Hong Kong. Les pistes de l’aéroport ont été réurbanisées et n’existent plus.

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Kai Tak, donc, est l’ancien aéroport de Hong Kong, fermé en 1998. Au menu, virage hyper serré et immeubles à proximité. « Il avait une des approches les plus uniques au monde, très technique, où il fallait effectuer un virage à 90 degrés juste avant la piste, à 300-400 pi des habitations. Côté droit, 20 secondes avant l’atterrissage, un passager pouvait encore voir la piste », évoque M. Drone.

Parmi les aéroports citadins toujours en service, il évoque celui de Washington-Reagan, où on ne slalome plus entre les pics montagneux… mais entre les nombreuses zones sécurisées (no fly zones), liées à la présence des diverses instances gouvernementales américaines.

Aussi, celui de London City, près du quartier des affaires de la capitale britannique, requiert une formation particulière ; la pente d’approche étant très abrupte et la piste relativement courte (1500 m environ). Seuls certains avions y sont autorisés.

Enfin, même s’il ne pose pas de défi particulier, l’aéroport de Gibraltar mérite d’être mentionné. « C’est le seul au monde traversé par une route, avec un passage à niveau pour traverser les pistes. Sauf qu’au lieu d’attendre pour le passage d’un train, on attend le passage d’un avion… », lance le pilote.

Jouer à la courte piste

  • Courchevel et son altiport en pente

    PHOTO PAUL VINTEN, GETTY IMAGES

    Courchevel et son altiport en pente

  • La piste de Lukla, dans l’Himalaya, à très haute altitude

    PHOTO SAIKO P, GETTY IMAGES

    La piste de Lukla, dans l’Himalaya, à très haute altitude

  • À Saint-Martin, où les avions rasent la plage.

    PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

    À Saint-Martin, où les avions rasent la plage.

  • En haut à gauche, on aperçoit la piste de Saba, très courte et bordée des deux côtés par des falaises.

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    En haut à gauche, on aperçoit la piste de Saba, très courte et bordée des deux côtés par des falaises.

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Les Caraïbes présentent un certain nombre d’aéroports atypiques, note Alexandre Drone, dont Saint-Martin, très connu pour les passages aériens en quasi-rase-mottes près de la plage.

Celui de l’île antillaise de Saba, lui, accueille seulement de petits aéronefs, et pour cause : sa piste est très courte (1300 pi, soit 400 m environ, alors que les pistes pour gros porteurs s’étalent habituellement sur plusieurs kilomètres). « Non seulement c’est très court, mais le début et la fin de la piste aboutissent sur des falaises. L’approche est très intrigante, autant pour le pilote que pour le passager », indique l’instructeur.

En France, à l’altiport de Courchevel, la piste est également courte (1700 pi), mais surtout, elle présente une pente de 18,5 %, un degré très important. « À l’atterrissage, on est en montée, au décollage, on est en descente et on a l’impression de tomber dans le vide. C’est très impressionnant ! » Dans le même style, l’aéroport népalais de Lukla, perché à plus de 9325 pi (plus de 2840 m), promet des sensations fortes à ses hôtes (l’auteur de ces lignes peut en témoigner). « À cette hauteur, on est entre la moitié et le tiers de l’altitude d’un avion de ligne », précise M. Drone.

Dangereux ? Non, grâce aux formations

L’instructeur d’AviaSim rappelle que les pilotes sont formés pour atterrir aux aéroports plus techniques. « Du côté du grand public, on les qualifie parfois de dangereux, mais côté pilotage, cela va certes demander un peu plus de technicité qu’une approche sur une grande piste dans l’axe, mais dans la majeure partie des cas, il suffit d’y aller une fois ou deux, accompagné d’un capitaine plus expérimenté sur cette destination », rassure-t-il. Même chose pour les turbulences, courantes, et pour lesquelles les pilotes sont entraînés à s’ajuster en prenant les devants. « On essaie toujours d’être plus proactifs que réactifs, on est formés pour anticiper une situation plutôt que de la subir », conclut-il.