Pendant un temps, au plus fort de la pandémie, tout le monde a cru que lorsque les voyages reprendraient, on assisterait à une véritable ruée vers les quatre coins du monde. Pour rattraper le temps perdu, disait-on. On avait alors parlé de revenge travel, croyant que le « tourisme de revanche » serait la tendance qui raviverait l’industrie.
« Au cœur de la crise, on s’attendait à ce que la reprise soit incroyable. Mais le phénomène est un peu différent de ce qu’on croyait. Oui, on s’attendait à faire le voyage de notre vie [après la pandémie]. Mais ce qu’on voit se dessiner davantage, c’est l’idée de se faire plaisir », avance Marc-Antoine Vachon, titulaire de la Chaire de tourisme Transat et professeur titulaire au département de marketing de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM).
Tourisme de luxe durable
Le mot-clé « hôtels de luxe » n’a d’ailleurs jamais été aussi recherché depuis 2006, note Marc-Antoine Vachon. Non seulement le luxe reprend du galon, mais en plus il se rajeunit, avec tous ces jeunes professionnels qui ont épargné ou amélioré leur sort pendant la pandémie et qui recherchent en outre des expériences qui correspondent à leurs valeurs.
C’est ce qui expliquerait, d’après lui, l’engouement particulier pour le tourisme de luxe durable. Selon les données de la Chaire de tourisme Transat, l’hébergement durable de luxe de même que l’hébergement insolite de luxe, qui respecte les principes du développement durable, connaissent en ce moment une croissance phénoménale.
Philippe Blain, vice-président, services voyages, chez CAA-Québec, observe également que les gens ont l’intention d’investir un peu plus dans leur prochain voyage, « pour se gâter », à son avis, notamment en raison de la tendance très forte du YOLO (acronyme de you only live once, on ne vit qu’une fois). En choisissant, par exemple, une plus belle chambre avec vue sur la mer ou en cherchant « une plus grande personnalisation de leur voyage », illustre-t-il.
Les séjours de bien-être ont par ailleurs la cote, précise M. Blain, et les voyageurs veulent prendre leur temps — ce qu’on appelle le slow travel.
Les gens veulent vivre quelque chose de différent. Ils se déplacent un peu moins, ils veulent se ressourcer et vont s’installer dans un endroit au bord de la mer ou en montagne, juste pour profiter de l’environnement.
Philippe Blain, vice-président, services voyages, chez CAA-Québec
Voyager pour son bien-être
Selon le rapport d’Expedia sur les priorités des voyageurs pour 2022, 46 % des répondants veulent que leur prochain voyage leur apporte « un sentiment de bonheur et favorise leur bien-être ».
« La crise nous a fait comprendre l’importance de la santé mentale. Et on peut davantage voir le tourisme comme un investissement en santé mentale. Ça fait longtemps que l’on connaît les bienfaits de voyager. […] Alors, on comprend cette importance du voyage pour son effet psychologique et thérapeutique », souligne Marc-Antoine Vachon.
Dans son livre paru l’an dernier, Un monde à voir : 100 aventures à vivre au temps nouveau du voyage, la journaliste spécialisée en voyage Carolyne Parent a voulu faire partager ses plus belles expériences des 25 dernières années — les plus significatives et les plus enrichissantes, surtout.
Selon elle, on cherche désormais à « donner du sens à nos partances ». « On veut voyager, mais on veut voyager dans la qualité — dans une optique de tourisme responsable parce qu’on est rendu là comme société. La pandémie nous a tendu un miroir : on a revu notre façon de vivre, de travailler… Et tous ces changements vont se répercuter dans le tourisme », estime-t-elle.
On a remisé nos projets de voyage pendant longtemps, on a vraiment nourri ce désir de voyage. On a peut-être commencé à échafauder des itinéraires, à se documenter, et peut-être qu’on vivra à 300 % ce prochain voyage.
Carolyne Parent, autrice du livre Un monde à voir : 100 aventures à vivre au temps nouveau du voyage
Son livre, qui devait initialement paraître avant la pandémie, a d’ailleurs été entièrement remanié, car on ne voyagera plus jamais de la même façon, à son avis. On ne cherchera peut-être donc plus à « cocher » des pays ou des villes à voir, mais à vivre des moments inoubliables, comme passer une nuit magique à Tallinn [en Estonie] ou se recueillir sur la tombe d’une reine du vaudou à La Nouvelle-Orléans — deux exemples parmi les 100 expériences uniques relatées dans son livre.
« La bucket list, je trouve que c’est très 2019, finalement », dit-elle.
Un monde à voir
KO Éditions