Partir en voyage n’est plus vraiment une option pour les Canadiens depuis que le gouvernement Trudeau a appelé tous les citoyens à revenir au pays et fermé la frontière aux étrangers pour limiter la propagation de la COVID-19. Mais dans quelles conditions se fera le retour ? Quels seront les recours pour les voyageurs forcés de chambouler leurs plans ?

Être ou ne pas être en quarantaine au retour ?

« À l’heure actuelle, la recommandation est que TOUS les voyageurs, et peu importe le pays d’où ils arrivent, se placent en isolement pour 14 jours », résume Dre Sapha Barkati, microbiologiste infectiologue, directrice scientifique de la clinique de santé voyage du CHUM. Au Québec, cette quarantaine est obligatoire pour les travailleurs du milieu de la santé, les fonctionnaires et le personnel des services de garde. Lundi, des équipes de la Direction de la santé publique de Montréal ont été déployées à l’aéroport Trudeau pour rencontrer systématiquement les voyageurs, un par un, et leur expliquer l’importance de cette mesure préventive.

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Que prévoir avant le retour et la quarantaine ?

Idéalement, les voyageurs devraient planifier leur quarantaine avant de prendre l’avion. Par exemple, demander à un proche d’aller faire des provisions à l’épicerie et les laisser dans la maison avant son retour, ou dans un point de chute extérieur ensuite, sans qu’il y ait contact entre les personnes. « C’est facile maintenant de faire ses courses en ligne et d’être livré à la maison », rappelle Dre Barkati. Il faut aussi penser au transport entre l’aéroport et le domicile. « Il faut à tout prix éviter de prendre les transports en commun et privilégier le véhicule privé », dit la spécialiste. Un ami peut peut-être nous prêter sa voiture si on ne l’a pas laissée à l’aéroport ? « À la limite, on peut aller chercher un proche avec sa voiture, mais seulement s’il est asymptomatique ».

Peut-on encore voyager au Québec ?

À l’heure actuelle, oui. Mais... La quasi-totalité des attractions touristiques a été fermée de même que les lieux de rassemblement. « Il est très important de limiter sa présence dans les lieux publics, ne pas fréquenter les lieux achalandés, garder ses distances, se laver les mains régulièrement », énumère Dre Barkati. Elle déconseille toute sortie aux personnes de plus de 70 ans, qui ont des comorbidités ou qui sont immunosupprimées. « Il faut éviter de se déplacer et bouger partout », résume Dre Barkati. Mais aller se poser dans un chalet avec toute sa famille à la campagne, c’est encore possible.

Voyage annulé : quel remboursement ?

Tout dépend de la raison de l’annulation et de la police d’assurance contactée au moment de l’achat. Une assurance de base ne remboursera généralement pas les dépenses liées à l’annulation ou à l’interruption d’un voyage pour les pays qui étaient visés par des avis de niveau 1 et 2, ou pour lesquels aucun avis n’a été émis. Les voyageurs qui ont annulé de peur de partir ne seront pas remboursés. Idem si l’on a changé ses plans parce que l’évènement auquel on souhaitait assister – les Jeux olympiques de Tokyo, par exemple – est annulé ou reporté. « On recommande toujours de prendre une assurance voyage, mais encore plus dans les conditions actuelles », dit Joan Weir, directrice des politiques maladie et invalidité de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes. Si un avis de niveau 4 est émis, le transporteur aérien ne pourra plus assurer le service vendu et devra rembourser le client, explique Moscou Côté. Idem si c’est le transporteur qui décide de suspendre ses vols – comme plusieurs l’ont fait ces derniers jours.

Et les croisières ?

Le gouvernement a recommandé le 10 mars d’éviter tout voyage en croisière. Les personnes ayant acheté une croisière avant cette date, et qui détiennent une assurance annulation, peuvent donc obtenir un remboursement, y compris pour les frais afférents à la croisière, comme l’hôtel et le billet d’avion pour se rendre au point de départ. Sauf exception, l’achat avec une carte de crédit « or » ou « voyage » ne suffira pas pour obtenir un remboursement. « Par contre, il y aura un remboursement complet si c’est le croisiériste qui annule le service », observe Joan Weir. Le géant de l’industrie, Carnival, a annoncé jeudi qu’il annulera les départs prévus au cours des 60 prochains jours : les passagers peuvent être remboursés ou obtenir un crédit « généreux » pour un voyage futur.

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Plusieurs cas de COVID-19 se sont déclarés sur des navires de croisière, comme le Grand Princess.

Ceux qui sont actuellement en croisière et qui souhaitent rentrer au pays avant la fin peuvent aussi demander à leur compagnie d’assurances de payer leur rapatriement, si leur contrat prévoit une clause à cet effet. Il n’y aura aucun remboursement si le voyage est acheté après l’émission d’un avis par le gouvernement. « Par exemple, si des voyageurs partent en croisière malgré l’avis du gouvernement, ils n’auront droit à aucun remboursement des frais liés au coronavirus », précise Jean-Benoît Turcotti, d’Assurances Desjardins. « À partir du moment où l’avis gouvernemental sera levé, il ne sera plus possible de recourir à l’assurance annulation », explique aussi le porte-parole d’Assurances Desjardins.

Cela dit, de grands acteurs de l’industrie, dont Norwegian, ont décidé d’exiger un certificat médical de tous les passagers âgés de 70 ans et plus, assurant qu’ils sont en bonne santé. « C’est une approche assez paternaliste », remarque Ross Klein, expert de l’industrie des croisières, professeur à l’Université de Terre-Neuve-et-du-Labrador. Il croit plutôt que les croisiéristes devraient cesser leurs activités pour deux mois, le temps que passe la crise. « Chaque nouveau cas [dans un navire de croisière] aura un impact très négatif pour l’industrie, qui aura de plus en plus de mal à se relever, dit-il. À la place, les compagnies devraient profiter de ces deux mois pour réaménager leurs installations, faire des vidéos documentaires expliquant comment ils entretiennent et désinfectent les bateaux, etc. ».

« Il y aura un gros travail à faire pour que le public reprenne confiance », affirme Ross Klein.

« Plus personne ne réserve de croisières en ce moment », note Moscou Côté, directeur de l’Association des agents de voyages du Québec

Faut-il s’assurer même pour les voyages au Canada ?

« C’est une possibilité à considérer » selon son état de santé, prévient Joan Weir, pour ne pas avoir de mauvaises surprises. Elle cite le cas d’une femme de la Colombie-Britannique qui, en voyage dans le nord de l’Ontario, a dû être évacuée d’urgence par hélicoptère médical, un service qu’elle a dû rembourser par la suite.

Sera-t-il plus difficile de s’assurer pour un voyage ?

Devant la forte hausse du nombre de polices d’assurance vendues – les statistiques varient entre 150 % et 200 % d’augmentation – depuis le début de l’année, la société britannique LV a cessé de vendre de nouvelles polices d’assurance voyage, a rapporté la BBC mardi, préoccupée par la hausse marquée du nombre de clients depuis le début de l’année, deux fois plus nombreux qu’en temps « normal ». Trois autres entreprises lui ont emboîté le pas et ont cessé de vendre de nouvelles polices d’assurance depuis que l’OMS a déclaré le stade de pandémie. Au Canada, aucune société n’a pris de mesures du genre, remarque Joan Weir.

Est-ce le moment de faire de bonnes affaires ?

Assurément, bien que ce ne soit pas le cas partout, en tout temps. Dans les heures qui ont suivi la mise en garde du gouvernement Legault, Moscou Côté a reçu quantité d’appels chez Voyages Constellation de clients intéressés à réserver un voyage pour l’été prochain. « Le tiers des appels étaient pour annuler ou modifier un voyage, le tiers pour des questions sur les quarantaines, et le tiers pour réserver un voyage ! », dit-il. « Une famille a réservé ses vacances pour Noël prochain. Ils ont économisé 1500 $ quand même. »

Qui va payer si je suis coincé en quarantaine à l’étranger ?

Une assurance voyage complète couvrira certains frais liés à la quarantaine à l’étranger, comme les nuits d’hôtel, indique Joan Weir. « Il est important de vérifier les modalités prévues à l’achat de la police », dit Mme Weir. La perte de salaire – si les vacances d’une semaine se transforment en absence de 14 jours par exemple – sera toutefois plutôt assumée par l’assurance invalidité du travailleur, si cette disposition est prévue dans le contrat. « Dans tous les cas, il faut bien s’informer avant de partir », insiste Mme Weir.

Serai-je expulsé d’un vol si j’ai des symptômes grippaux ?

Il y a trois semaines, un bébé de 21 mois et sa famille ont été expulsés d’un vol d’Air Transat à destination de Paris, parce que la bambine toussait à bord de l’avion avant le décollage. Sur son site web, le transporteur n’indique rien de précis quant à ses politiques à ce sujet, sauf pour dire que « le protocole concernant les maladies contagieuses soupçonnées au sol ou en vol a été resserré et est scrupuleusement appliqué par notre personnel de cabine et nos partenaires aéroportuaires ».

— Avec Isabelle Ducas, La Presse

Pas simple d’obtenir un remboursement pour un hébergement

Vos plans de voyage sont bousculés en raison de la pandémie et vous souhaitez obtenir un remboursement de votre hébergement ? Malheureusement, ça ne se fera pas en criant COVID. Bien que plusieurs hôtels et sites de réservations aient assoupli leur politique d’annulation, souvent il ne suffit pas d’évoquer la prudence pour obtenir un remboursement sans frais.

— Valérie Simard, La Presse