Les Québécois ont tort d'avoir peur du maïs sucré génétiquement modifié, cultivé chez nous pour la première fois cet été, estime Anwar Naseem, professeur d'agroéconomie à l'Université McGill.

«Dans l'ensemble, les OGM procurent des bienfaits, a-t-il affirmé à La Presse, en marge du Congrès mondial des agronomes. Ils sont bons pour les consommateurs, qui paient leurs aliments moins cher; bons pour les agriculteurs, qui augmentent leurs revenus, et bons pour l'industrie, qui fait des profits. Par-dessus tout, ils sont bons parce qu'ils réduisent la famine.»

Adoptées très vite malgré la controverse qu'elles suscitent, les cultures génétiquement modifiées occupaient 180 millions d'hectares en 2011. Plus de 80% du coton cultivé dans le monde est génétiquement modifié, comme 75% du soya, 32% du maïs et 26% du canola. «Mais seulement quelques cultures sont génétiquement modifiées, elles n'ont que quelques caractéristiques qui les distinguent des autres et ne sont adoptées que dans quelques pays», regrette M. Naseem.

Dix milliards de profits

Après avoir fait le tour des études sur les OGM, l'économiste est convaincu de leurs avantages. Le coton BT, modifié pour résister aux insectes, donne de meilleurs rendements, nécessite moins d'insecticide (baisse de 77% au Mexique) et hausse les revenus des fermiers, fait-il valoir. «Même les petits agriculteurs en profitent, ce qui réduit la pauvreté», souligne-t-il. Les cultures résistantes aux herbicides ont des effets moins clairs, admet-il, sauf pour alléger le travail des agriculteurs.

Au total, les cultures génétiquement modifiées ont rapporté 4,2 milliards dollars US en profits supplémentaires dans les pays industrialisés et 5,8 milliards dans les pays en voie de développement, de 1996 à 2009, soutient M. Naseem. «Bien sûr que les OGM suscitent des inquiétudes, comme la résistance, mais si on les gère correctement, cela se fera lentement», affirme-t-il.

Financer des OGM pour les petites cultures

Le problème à régler, selon lui? L'accès des pays pauvres aux cultures génétiquement modifiées. «Ce sont quelques grosses entreprises privées de pays industrialisés qui développent et commercialisent les OGM, et les petits marchés ne les intéressent pas, regrette-t-il. Il faut les inciter à s'intéresser aux cultures de légumes, aux légumineuses, au manioc, par exemple.»

Chez nous, une demande d'approbation de la pomme Artic, génétiquement modifiée pour ne pas brunir une fois coupée, a été soumise à l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA). Introduire de nouvelles cultures génétiquement modifiées au Canada est positif, mais difficile, selon M. Anwar.

«Les gens ne sont pas intéressés par une technologie qui leur permet d'épargner cinq sous par légume, a-t-il dit. C'est dans les pays pauvres que ça fait une énorme différence.»