Durant ou après leur ménopause, les femmes souffrant d'ostéoporose se font parfois recommander d'éviter les aliments riches en acide phytique. Cette recommandation ne fait pas l'unanimité chez les scientifiques.

Avant d'aller plus loin, prenons le temps de nous familiariser avec cette grosse molécule. L'acide phytique, aussi connu sous le nom d'ester hexaphosphorique de l'inositol, existe généralement sous forme de sel de calcium et de magnésium. Il forme ainsi des phytates.

L'acide phytique est naturellement présent dans les grains de céréales, les légumineuses (pois chiches, lentilles, haricots rouges ou blancs) et les graines oléagineuses (graines de tournesol et de sésame, soja). On le trouve également dans certains légumes-racines (patate douce, plantain, topinambour, manioc, taro, etc.).

Le hic avec l'acide phytique, c'est qu'il forme très facilement un complexe avec le zinc, le cuivre, le magnésium, le calcium, le fer. C'est pourquoi on le soupçonne de nuire à la digestion et à l'absorption de ces minéraux. Il peut également se lier aux protéines que l'on trouve dans la viande, la volaille, le poisson, les oeufs, les légumineuses, et ainsi nuire à leur digestion et à leur absorption. À première vue, il faut donc l'éviter à tout prix.

Raffinage, cuisson ou germination

Plusieurs méthodes ont été mises au point pour se débarrasser de l'acide phytique. C'est dans l'enveloppe extérieure - le son - des céréales entières et des graines oléagineuses que l'on trouve la plus forte concentration d'acide phytique; on peut donc l'enlever par des étapes de raffinage. Mais cela élimine aussi de précieux minéraux et des fibres essentielles au bon fonctionnement des intestins.

Heureusement, il existe d'autres solutions. La germination (trempage dans l'eau pendant 12 heures et rinçage) permet de réduire de moitié la teneur en phytates grâce à l'activation des enzymes digestives naturellement présentes, dont la phytase.

La cuisson peut aussi aider. La précuisson des céréales à déjeuner commerciales, par exemple, élimine jusqu'à 70% des phytates dans les céréales éclatées (riz) et jusqu'à 33% dans les céréales en flocons.

L'acide phytique du soja résiste toutefois à la chaleur, mais est digéré par la fermentation. C'est probablement pourquoi, en Asie, le soja est plus fréquemment consommé fermenté, sous forme de miso, de tamari, de tempeh ou de natto. La fermentation lente des farines de céréales complètes, utilisée par exemple pour la fabrication du pain au levain, favorise la dégradation des phytates.

Vraiment nocif?

Oui, l'acide phytique réduit l'absorption des minéraux contenus dans les aliments et les suppléments. Toutefois, les aliments riches en phytates regorgent eux-mêmes de minéraux. La perte d'assimilation peut ainsi être compensée par l'apport alimentaire accru.

En 2006, des chercheurs américains ont démontré que les phytates du soja pouvaient réduire les risques de maladie cardiovasculaire athérosclérotique. En effet, ils ont observé une réduction des taux d'homocystéine et de ferritine dans le sang, ainsi que du niveau de saturation de la transferrine, tous des marqueurs de risque qui augmentent au moment de la ménopause.

À deux reprises, en 2008 et en 2012, des chercheurs espagnols ont démontré qu'une consommation accrue de phytates accroissait la densité osseuse et, qu'à l'inverse, une faible consommation augmentait les risques d'ostéoporose.

En altérant l'absorption du fer et du cuivre, les phytates sembleraient prévenir la croissance cellulaire anormale et la formation de tumeurs cancéreuses.

À mon avis, les phytates ont plus d'avantages que d'inconvénients. Au lieu de les éliminer d'emblée, il est probablement plus sage de les consommer avec modération.

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Diététiste passionnée, Jacinthe Côté travaille en agroalimentaire depuis près de 15 ans. Elle a étudié les effets de la transformation sur les composés actifs du sirop d'érable et les propriétés santé de la canneberge.