L'âge de la première grossesse reculant, la découverte d'un cancer du sein chez la femme enceinte, toujours source d'interrogations, devient une situation plus fréquente, selon des spécialistes réunis en congrès à Strasbourg.

Le cancer du sein reste exceptionnel avant 35 ans (2% des cas), mais le risque augmente avec l'âge. Or les grossesses tardives sont de plus en plus courantes du fait du recul de l'âge de conception du premier enfant ou encore de recompositions familiales.

«L'âge de la première grossesse augmente d'année en année et il y a de plus en plus de grossesses après 40 ans», souligne Roman Rouzier, gynécologue oncologue à l'hôpital Tenon (Paris).

L'association grossesse et cancer concerne 0,1% des femmes enceintes, soit 700 à 800 cas par an, estime le Dr Rouzier, un des chefs de file du réseau «Cancer et grossesse» initié en 2006 (www.cancer-et-grossesse.fr).

Le cancer du sein est l'un de ceux les plus fréquemment associés à la grossesse, de l'ordre de 60% des cas selon les données du réseau.

Cette situation exceptionnelle est «chargée d'émotion et compliquée à gérer», souligne Olivier Graesslin, chef du service gynécologie-obstétrique au CHU de Reims.

D'où l'intérêt d'un Centre de référence, capable d'orienter les médecins confrontés à ces cas. «L'objectif est d'avoir une prise en charge homogène sur tout le territoire», souligne le Dr Rouzier.

C'est une situation qui est «toujours source d'interrogations» et «le réflexe est de proposer une interruption de grossesse». Mais, affirme-t-il, l'interruption de grossesse «n'est pas légitime en termes de survie», car elle n'améliore pas le pronostic du cancer.

D'autres problèmes éthiques peuvent néanmoins se poser, reconnaît-il.

«Toute masse dans le sein pendant la grossesse doit être explorée» afin de ne pas retarder le diagnostic, martèle-t-il. Echographie et biopsie peuvent être réalisées chez la femme enceinte. La mammographie est elle aussi possible, le taux d'irradiation restant très faible. Les IRM sont également envisageables.

Pour ce qui est des traitements, les recommandations sont fonction du terme de la grossesse. Mais la chirurgie est possible, la chimiothérapie aussi (sauf au premier trimestre), avec une efficacité «similaire» aux situations classiques.

«On sait quels médicaments on peut donner» en prenant en compte la santé de l'enfant à naître, indique le Dr Rouzier. Une évaluation à long terme est en cours, mais à ce stade il n'y a «aucun signal inquiétant» sur le développement de l'enfant, précise-t-il.

En revanche, trop peu de données sont aujourd'hui disponibles sur l'utilisation des thérapies ciblées pendant la grossesse.

La radiothérapie est «théoriquement possible, mais aujourd'hui on préfère la retarder après l'accouchement».

L'utilisation du tamoxifène (hormonothérapie), associé à des cas de malformation foetale, doit être repoussée après l'accouchement.

L'impact psychologique de cette situation très ambivalente est également à l'étude, avec l'Université Paris-Descartes, précise le Dr Rouzier. Elle s'intéresse à la mère, mais aussi au père et à l'enfant.

Les 32e Journées de la Société française de Sénologie et de Pathologie mammaire (SFSPM) avaient pour thème cette année «La femme jeune face au cancer du sein».