L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé mardi d'interdire la vente des cigarettes électroniques aux mineurs et leur usage dans les lieux publics fermés, estimant que celles-ci présentaient un «grave danger» pour l'adolescent et le foetus.

«L'e-cigarette présente un danger pour la santé publique» qui «requiert une attention urgente», a déclaré aux médias le directeur du département Prévention des Maladies Non Transmissibles à l'OMS, Douglas Bettcher.

«La moitié des pays membres de l'OMS, en particulier les pays en développement, n'ont pas adopté de mesures», «ce qui est très préoccupant», a-t-il ajouté, soulignant qu'aucune preuve ne permettait de démontrer que ces produits aidaient à arrêter de fumer.

En outre, les produits présents dans les e-cigarettes, en particulier la nicotine, ne sont pas sans danger, a-t-il relevé.

Pour le directeur de l'Office français de prévention du tabagisme, la position restrictive et prudente de l'OMS sur la cigarette électronique est «normale».

«On ne sait rien sur la cigarette électronique (...) l'OMS ne peut pas prendre le risque de dire quelque chose qui pourrait être contredite dans un an ou deux», a déclaré à l'AFP le Dr Joseph Osman, directeur de l'OFT.

L'Association indépendante des utilisateurs de cigarette électronique (Aiduce), première association d'usagers d'e-cigarettes en France s'insurge, elle, contre les conclusions de l'OMS qui «se basent sur des suppositions scientifiquement infondées».

«L'OMS (...) souhaiterait interdire largement la vente et l'usage de cette alternative dont on sait désormais qu'elle est infiniment moins nocive que le tabac fumé» souligne-t-elle dans un communiqué en dénonçant «fermement» une position «qui ne sert que les intérêts des industries» du tabac et de la pharmacie.

Pour les experts de l'OMS, «l'utilisation de ces dispositifs présente un danger grave pour l'adolescent et le foetus» et «accroît l'exposition des non-fumeurs et des tiers à la nicotine et à un certain nombre de substances toxiques».

En conséquence, l'OMS recommande d'interdire aux détaillants de vendre ces produits aux mineurs et d'éliminer les distributeurs automatiques «presque partout».

Les experts veulent aussi interdire l'utilisation des cigarettes électroniques dans les lieux publics fermés «surtout là où il est interdit de fumer, jusqu'à ce qu'il soit prouvé que la vapeur exhalée n'est pas nocive pour les tiers».

Contre les e-cigarettes aux arômes

L'OMS prône aussi une interdiction des inhalateurs «aux arômes de fruits, de bonbons et de boissons alcoolisées jusqu'à ce que des données empiriques montrent qu'elles n'exercent pas d'attrait sur les mineurs». Selon l'OMS, il existe près de 8000 arômes.

Elle demande aussi d'interdire aux fabricants d'affirmer que ces produits sont «des aides au sevrage tabagique» jusqu'à ce qu'ils fournissent des données scientifiques probantes et obtiennent une approbation réglementaire.

Ces recommandations ont été publiées par l'OMS en vue de la sixième session de la Conférence des parties à la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac qui aura lieu du 13 au 18 octobre à Moscou. Les gouvernements décideront alors s'ils souhaitent réguler ce marché ou pas.

Le développement du cerveau en danger

Mais, d'après l'OMS, «les éléments de preuve sont suffisants pour mettre en garde les enfants et les adolescents, les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer contre l'utilisation d'inhalateurs électroniques de nicotine parce que l'exposition du foetus et de l'adolescent à la nicotine a des conséquences à long terme sur le développement du cerveau».

L'OMS estime que des mises en garde sanitaires devraient accompagner la vente du produit: «risque de dépendance nicotinique; risque d'effets irritants pour les voies respiratoires, les yeux, le nez et la gorge; risque d'effet nocif sur la grossesse (du fait de l'exposition à la nicotine)».

L'organisation onusienne reconnaît en revanche ne pas savoir si l'utilisation des cigarettes électroniques «par des fumeurs adultes réguliers en remplacement complet des cigarettes a des chances d'être moins toxique pour le fumeur que les cigarettes classiques ou que d'autres produits du tabac brûlés».

Elle ignore aussi si le vapotage passif augmente le risque de mortalité chez les tiers comme le fait l'exposition à la fumée du tabac. Mais, explique-t-elle, «l'exposition à court terme et à long terme à des particules de quelque origine que ce soit a des effets nocifs.»

Les inhalateurs électroniques de nicotine sont des dispositifs qui ne brûlent pas et n'utilisent pas de feuilles de tabac, mais qui produisent un aérosol inhalé par l'utilisateur. Le principal composant de l'aérosol, outre la nicotine lorsque celle-ci est présente, est le propylène glycol, auquel peuvent s'ajouter du glycérol et des aromatisants.

Ce marché, dominé par l'industrie du tabac, est en pleine expansion.

Le premier fabricant est apparu en 2005 en Chine. L'OMS estime qu'en 2014, il existe désormais 466 marques et qu'en 2013, 3 milliards de dollars (2,27 milliards d'euros) ont été dépensés dans l'ensemble du monde pour ces produits. Les ventes devraient être multipliées dans le monde par 17 d'ici à 2030.

Selon l'OMS, leur utilisation a au moins doublé chez les adultes comme chez les adolescents entre 2008 et 2012.

Aux États-Unis, l'autorité sanitaire (la FDA) a proposé en avril de réglementer ce marché -- qui représente près de deux milliards de dollars -- en interdisant notamment leur vente aux mineurs et en imposant aux fabricants une autorisation de mise sur le marché.