La publication cette semaine de nouvelles recommandations canadiennes en matière de mammographies a déclenché une guerre entre ses partisans et ceux qui croient qu'elles condamneront davantage de femmes à mourir d'un cancer du sein.

Les femmes sont prises entre deux feux. Que doivent-elles en penser? Et - plus important encore -, que doivent-elles faire?

Les critiques les plus vives des recommandations formulées par le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs visent la directive aux femmes dans la quarantaine qui ne présentent pas un risque particulier. La plupart des femmes de 40 à 49 ans ne devraient pas subir de mammographies de routine, selon le comité d'experts. Les impacts négatifs de ces tests dépassent les avantages éventuels, soit une légère réduction du nombre de décès causés par le cancer du sein.

Ces conséquences incluent des «faux positifs» nécessitant des tests à répétition, des biopsies et, dans les pires scénarios, des ablations, de la radiothérapie et de la chimiothérapie inutiles. Une étude internationale qui s'est penchée sur les mammographies a conclu qu'un tiers des tests positifs étaient en fait erronés, plaide le groupe d'étude canadien.

Le comité d'experts a estimé que 2100 femmes dans la quarantaine devraient subir une mammographie à tous les deux ou trois ans pendant 11 ans pour éviter un décès par cancer du sein.

«Si vous êtes une femme de 40 à 49 ans, si vous et 999 autres femmes alliez subir une mammographie, on ne sauverait aucune vie», a illustré le président du comité, Marcello Tonelli, de l'Université de l'Alberta.

«Il faut arriver à un groupe de 2100 personnes avant d'épargner une vie. Et regardez autour de vous: une femme sur trois serait «faux positif', et une femme sur 30 devrait subir une biopsie inutile. Certaines devraient même subir une mastectomie - l'ablation d'un sein - ou encore des traitements de chimiothérapie.»

Mais Nancy Wadden, une spécialiste des mammographies à l'Association canadienne des radiologistes, conteste la conclusion du comité d'experts. Selon elle, leurs recommandations sont basées sur des études datant de 25 à 40 ans, et sur une technique ancienne de mammographies qui n'est guère plus utilisée aujourd'hui.

«Des progrès importants ont été réalisés dans le secteur de la mammographie depuis ce temps», a plaidé en entrevue téléphonique Mme Wadden, qui est aussi directrice médicale du programme de dépistage du cancer du sein à Terre-Neuve-et-Labrador.

Selon elle, jusqu'à 80 pour cent des centres de mammographies au Canada utilisent l'imagerie numérique, qui permet aux radiologistes d'obtenir des images à haute résolution sur un écran d'ordinateur. Les médecins sont aussi maintenant mieux formés «que lorsque ces études ont été réalisées pour détecter les cancers moins avancés», a affirmé Mme Wadden.

«Les conclusions de ces rapports ne sont donc pas basées sur la façon dont nous effectuons les mammographies en 2011.»

Marcello Tonelli affirme que son comité n'a pas présélectionné les études pour en arriver à un certain résultat.

Mais l'Association canadienne des radiologistes craint que davantage de femmes mourront d'un cancer du sein si les recommandations du comité sont suivies. Ces mesures comprennent aussi une moins grande fréquence des mammographies pour les femmes de 50 à 74 ans - à tous les trois ans environ plutôt que deux.

«J'espère que je me trompe, mais je crains que des femmes ne puissent obtenir une mammographie à temps», a expliqué Mme Wadden, ajoutant que d'autres tumeurs pouvaient apparaître et croître entre deux tests. «Et nous savons que plus tôt un cancer est détecté, meilleur est le pronostic de survie.»

Cette année au Canada, 23 600 femmes auront un diagnostic de cancer du sein et 5100 malades mourront de la maladie. Parmi elles, quelque 390 patientes seront âgées de 40 à 49 ans, dont celles qui sont très à risque pour des raisons génétiques.

La Fondation canadienne du cancer du sein, une organisation caritative de soutien et de défense des droits des malades, conteste aussi les recommandations du comité d'experts. Selon la fondation, des mammographies de routine pourraient éviter 25 à 39 pour cent de décès de patientes dans la quarantaine.

Marcello Tonelli a qualifié ces données de «pure spéculation».

«À mon avis, il s'agit d'estimations exagérées basées sur des estimations exagérées. Je crois que nous devons nous garder d'apeurer les femmes pour les pousser à choisir (de passer le test). L'objectif de nos recommandations est d'aider les femmes à faire un choix éclairé et, selon moi, inculquer la peur dans cette réflexion est contre-productif.»