Qu'on se le dise: si la course à pied connaît un réel essor au Québec, c'est en grande partie grâce aux femmes. Sur les lignes de départ, leur nombre a plus que triplé en 30 ans. Elles courent pour la forme et, sans le crier trop fort, pour maintenir leur poids. À trois jours du Marathon Oasis de Montréal, La Presse fait le point sur la course au féminin.

Dimanche matin, environ 12 000 femmes participeront au Marathon Oasis de Montréal. C'est 51% de l'ensemble des participants. Deux coureurs sur trois seront des femmes sur les parcours du 5 km et du 10 km. «C'est du jamais vu. D'une année à l'autre, les femmes sont de plus en plus nombreuses à s'inscrire, et ce, même sur longue distance. Je suis convaincue que cette tendance à la hausse se poursuivra», explique Dominique Arsenault, responsable des inscriptions.

Au Marathon d'Ottawa, le 29 mai, elles étaient aussi majoritaires sur la ligne de départ, comptant pour 56% des 40 000 participants. «Il y a à peine cinq ans, on n'aurait pas cru cela possible», affirme Jean-Yves Cloutier, entraîneur et fondateur du Club les Vainqueurs.

Le constat est partout le même: les femmes gagnent du terrain. Au Marathon des Deux-Rives de Québec, le 28 août, elles représentaient près de la moitié des coureurs (47%). C'était à peine le tiers il y a cinq ans. «On remarque un nouvel engouement de la part des femmes», note Patrice Gosselin, porte-parole de Courir à Québec.

«Les femmes sont les héroïnes silencieuses de cette (...) vague de popularité de la course à pied au Québec, écrit Jean-Yves Cloutier dans son livre Courir au bon rythme. C'est leur affluence sur les lignes de départ des compétitions qui caractérise l'essor actuel de la course à pied. Il s'agit réellement d'une transformation spectaculaire.»

Les femmes demeurent minoritaires sur 42,2 km: elles compteront pour 24% des marathoniens ce dimanche sur le pont Jacques-Cartier. Manquent-elles de temps? Sont-elles plus récréatives? Un peu des deux. «Elles courent pour les bonnes raisons, pour leur santé plus que pour la performance. Leur présence a d'ailleurs rendu le sport plus inclusif», se réjouit M. Cloutier.

Vers 5h30, quand la maisonnée est endormie, Maryse Héroux, 43 ans, sort courir dans son quartier, souvent sur sentiers. «Je cours essentiellement pour gérer mon stress. J'aime cet horaire qui me permet de gagner de l'énergie en début de journée», dit la directrice adjointe d'une école primaire et mère de deux adolescentes.

«Les femmes recherchent une activité physique qui est facile à faire, qui entre dans leur horaire surchargé et qui donne des résultats rapides. La course à pied devient un sport idéal pour elles», fait remarquer Orysia Krucko, entraîneuse et coureuse d'expérience. Et comme nous l'ont confié plusieurs coureuses accros, «la course donne un réel boost de vitamines bonheur!»

Des courses réservées aux femmes

Devant l'essor fulgurant de la course au féminin, les épreuves réservées aux femmes, déjà légion aux États-Unis et en France, font leur apparition au Québec. La tendance en est à ses balbutiements. On compte les courses exclusivement féminines sur les doigts d'une main: le Défi des dames de coeur à Québec, La Féminine à Magog, À toi Lola à Mont-Tremblant. «On est nettement en retard sur ce qui se fait ailleurs. Mais ça s'en vient, c'est incontournable», indique Nadine Maire, cofondatrice de La Féminine de Magog qui propose une course annuelle, un club de course et l'organisation de voyages sportifs. En mai dernier, 300 femmes ont pris part à la première édition de la course La Féminine. Elles ont couru 6 km. Dès 2013, l'événement migrera à Montréal où l'on compte lui donner une envergure nationale. À Québec, plus de 600 femmes ont participé, en août, au 2e Défi des dames de coeur. «L'idée de départ était de donner le goût de courir à des femmes intimidées par l'omniprésence des hommes dans le sport, explique Patrice Gosselin, porte-parole de Courir à Québec. La réponse est très positive.» La course n'est pas chronométrée et elle est associée à une oeuvre caritative. On est encore loin de ce qui se fait en France. La Parisienne attire 21 000 femmes dans la Ville lumière. Le 11 septembre dernier, la Québécoise Marie-Pierre Boisclair, 43 ans, y était. «C'était irréel de courir dans les rues de Paris, avec la tour Eiffel en toile de fond et toutes ces femmes autour. C'était noir de monde», raconte la résidante de l'Île-des-Soeurs et mère de trois enfants. «Les femmes aiment courir entre elles», confirme Orysia Krucko. Coureuse de longue date, elle a été à la tête d'un club de course féminin à Longueuil pendant quatre ans. «Elles voient la course comme une opportunité de partager et de s'entraider. C'est plus facile pour elles de s'initier au sport et de se motiver en groupe.»