«Je n'en peux tellement plus que j'en viens à ne plus vouloir de mes enfants»: dans son récit Mère épuisée, une jeune femme témoigne du burn-out maternel, encore trop peu reconnu, ni baby blues, ni dépression d'après accouchement.

La trentaine, Stéphanie Allenou, éducatrice spécialisée de formation, est mère de trois enfants, une fille qui aura 8 ans en juin et des jumeaux de 6 ans tout juste.

Elle raconte dans son livre les trois premières années de sa vie de mère, les naissances, l'allaitement, les nuits sans sommeil, les journées qui n'en finissent pas, l'isolement qui s'installe. Les mille et une difficultés quotidiennes qui s'enchaînent sans répit: séances d'habillage collectif avant les sorties, trajets marathon, bêtises à répétition...

On assiste à sa descente aux enfers.

«Une sourde angoisse monte petit à petit. La rage intérieure que je tente de maîtriser est croissante, et j'explose fréquemment. Je crie fort. De plus en plus fort. Je tape maintenant facilement: des fessées le plus souvent, des gifles parfois», écrit-elle. «La relation que j'entretiens avec mes petits est devenue maltraitrante», analyse-t-elle.

«C'est un témoignage d'une honnêteté incroyable», décrypte la psychologue et psychanalyste Sophie Marinopoulos, qui dirige à Nantes un service de Prévention et de promotion de la santé psychique et un lieu d'accueil parents-enfants, «Les pâtes au beurre». Les deux femmes se sont rencontrées à l'occasion d'une conférence organisée par Stéphanie Allenou au cours de ce qu'elle appelle sa «reprise en main».

«L'épuisement maternel peut aller jusqu'au burn out. C'est un état d'épuisement qu'on retrouve chez des personnes qui ont énormément investi leur tâche, d'une façon très émotionnelle et d'une façon très idéalisée, comme dans le burn out professionnel», explique la psychologue.

«On voit ces mères petit à petit entrer dans une espèce de rythme effréné», poursuit-elle.

«On voit Stéphanie toujours faire plus et accélérer pour pouvoir correspondre à cette image de bonne mère. On voit ses symptômes arriver: fatigue, insomnie, irritabilité, hyperactivité, manque d'attention, manque de motivation. Le stress bien entendu est omniprésent». Jusqu'à «la dépersonnalisation, le moment où elle quitte sa propre humanité, où elle devient un automate».

Pour Sophie Marinopoulos, le risque majeur c'est le passage à l'acte suicidaire.

«Il faut prendre conscience de jusqu'où ça peut aller, de la souffrance quotidienne et des risques sur les enfants. Ca peut être la non reconnaissance de l'enfant dans son statut d'enfant, qui est en soi une maltraitance. Il y a la violence des mots, la suite c'est la violence physique», met-elle en garde.

Stéphanie Allenou comme Sophie Marinopoulos insistent sur la nécessité de briser l'isolement, la solitude, et soulignent l'importance des lieux d'accueil parents-enfants.

«Clairement, ce qui m'a permis de récupérer, c'est de sortir du face à face avec les enfants», explique Stéphanie Allenou.

«Ce dont j'aurais eu besoin, c'est d'être accompagnée», poursuit-elle. «Et qu'on ne me dise pas tu devrais aller voir untel. J'aurais eu besoin qu'on me donne le numéro de téléphone dans la main, parce que, quand l'énergie n'est plus là du tout, prendre encore du temps pour trouver un interlocuteur, être renvoyé de l'un à l'autre, sans qu'à aucun moment quelqu'un n'entende ce qu'on a à dire, c'est terrible».