Mary Ackley, qui habite dans la capitale américaine réputée pour être la ville des élites politiques, a dû faire preuve d'ingéniosité pour poursuivre son rêve de devenir agricultrice. Elle est donc descendue au sous-sol.

C'est dans la cave d'un bar de Washington que cette femme de 35 ans fait grandir de minuscules pousses vertes, qui sont ensuite vendues à des restaurants et des habitants.

«Ça, c'est du basilic assez magnifique», affirme fièrement la fondatrice de Little Wild Things City Farm, en retirant un verdoyant plateau d'une étagère qui jouxte des bières.

Mme Ackley, qui cultive aussi des produits en extérieur dans un monastère près de Washington, est à la tête d'une des entreprises en démarrage désireuses de répondre à une demande grandissante de fruits et légumes cultivés localement dans une ville davantage connue pour ses fastueux déjeuners à base de steaks ou d'huîtres.

«C'est sûr, je ne pourrais pas faire ça sans le soutien de restaurants», explique l'ancienne volontaire des Peace Corps, une agence américaine qui oeuvre à la paix dans le monde en intervenant en particulier dans les pays en développement.

Mary Ackley a pris un congé d'un an du ministère des Affaires étrangères pour se consacrer à plein temps à sa ferme urbaine.

Concurrence

D'autres habitants de Washington se sont lancés dans la même aventure.

Et certains, comme elle, se font aider par Union Kitchen, un incubateur de jeunes entreprises alimentaires basé dans deux endroits à Washington. Les candidats peuvent, moyennant un abonnement mensuel, y partager un espace de production et des équipements tout en ayant accès à des services qui les aideront à faire prospérer leur commerce et trouver des clients.

Ce matin-là, le soleil illumine tous les étages d'un ancien entrepôt du quartier Ivy City, dans l'est de la capitale, un des sièges d'Union Kitchen.

Parmi ceux qui sont occupés à éplucher, émincer, mélanger ou mesurer leurs ingrédients figure Adam Kavalier, propriétaire de Undone Chocolate: ce scientifique de 37 ans s'est mis à fabriquer du chocolat pendant ses années d'études à New York, et à Washington, il a trouvé un lieu réceptif pour développer sa passion.

«J'ai beaucoup de famille et d'amis dans les environs de DC et il y avait beaucoup d'opportunités», explique-t-il en passant au tamis des haricots en chocolat et en montrant comment fabriquer des barres de chocolat avec cacao et sucre biologiques.

M. Kavalier vend ces produits entre 8 et 12 dollars, en ligne ou dans certains restaurants, épiceries et brasseries. Et il est optimiste pour l'avenir: sa société va doubler sa production actuelle, qui est de 2000 à 3000 barres par mois. «Nous développons une affaire qui marche», assure-t-il.

Ces productions locales peuvent aussi avoir un effet positif sur l'économie locale.

«Pour 100 dollars dépensés localement, 68 restent dans la communauté. Si les 100 dollars étaient dépensés dans une chaîne, il ne resterait que 32 dollars à la communauté», explique Morgan West, de Think Local First, une association qui promeut et soutient des sociétés tournées vers l'économie locale à Washington.

Un intérêt local et de l'argent

Mais la concurrence est vive depuis quelques années.

«C'est un mouvement alimentaire qui se développe et ça veut dire davantage de gens qui s'engagent, et donc plus de concurrence», note Jonas Singer, cofondateur de Union Kitchen.

«Les gens réalisent que c'est réel, qu'ils peuvent vraiment avoir une entreprise qui marche» dans une ville où il y a à la fois un «intérêt local» et de l'argent, dit-il, «et cette aspiration suscite de l'appétit».

Le succès a toutefois un prix.

«Nous avons eu une belle croissance (...) mais nous travaillons tout le temps», affirme Sarah Gordon de Gordy's Pickle Jar, dont la société fabrique plusieurs types de piments ainsi que de l'eau salée pour des cocktails, installée dans une rue calme du quartier Petworth.

«Si vous n'êtes pas prêts à de grands sacrifices pour votre petite entreprise alors ce n'est pas fait pour vous», ajoute-t-elle.

«Et faire tout ça à la main en petites quantités, ce n'est pas rapide. C'est définitivement de la "slow food"», explique Mme Gordon, en référence à ce mouvement né en Italie dans les années 80 en réaction à la nourriture «fast food» et devenu entretemps un mouvement international en faveur de la biodiversité alimentaire et de l'alterconsommation.