Pour avoir des huîtres sur leur table au réveillon, les Français auront déboursé au moins 20% de plus que l'an dernier.

En cause? L'épizootie qui décime depuis trois ans les plus jeunes mollusques, faisant de ce produit festif une denrée de plus en plus rare et chère.

«Les huîtres juvéniles - moins de 12 mois - connaissent une mortalité constante et récurrente, d'environ 85%, depuis juin 2008», remarque Jacques Maire, ostréiculteur à Yves (Charente-Maritime).

En quelques jours, «tout le monde a été touché, c'était foudroyant», se souvient M. Maire. Ce spécialiste du prégrossissement des huîtres affirme avoir vu son chiffre d'affaires chuter en trois ans de 450 000 à 135 000 euros.

«Cette mortalité massive et fulgurante de 60 à 90% des naissains touche tout le monde, du nord de l'Irlande au sud du Maroc» en passant par la Bretagne et la Méditerranée, confirme Olivier Laban, président de la section régionale conchylicole d'Arcachon.

Sachant qu'il faut trois ans pour qu'une huître atteigne sa taille commercialisable, c'est donc cette année que les conséquences de l'épizootie se font sentir pour la première fois.

«Cette année, on a environ 40% de tonnage en moins par rapport à 2009», constate Gérald Viaud. Le président du Comité conchylicole de Poitou-Charentes estime, comme son collègue arcachonnais, que cette baisse de la production a entraîné une hausse moyenne de 20% des prix.

«Aujourd'hui, les stocks sont à plat en particulier pour les huîtres n°3, de taille moyenne, qui sont les plus demandées et notre coeur du marché; depuis une semaine j'essaie d'orienter les clients vers la n°2», reconnaît M. Laban.

Les Français ne vont «plus pouvoir se payer le luxe de n'acheter qu'un seul numéro», remarque M. Laban alors que son collègue charentais estime qu'ils «vont devoir réapprendre à les consommer».

Mais la pénurie s'annonce encore plus criante pour les prochaines années. «Cette année, la moitié de mes parcs vont rester vides», déplore M. Viaud, ostréiculteur à Chaillevette.

Et les perspectives pour la profession sont sombres. «La reproduction, qui pourrait compenser la forte mortalité, n'est pas au rendez-vous», constate Michel Grasset, naisseur à Port-des-Barques (Charente-Maritime).

La cause de cette surmortalité des huîtres creuses, qui constituent en France le gros du marché, c'est l'herpès virus OsHV-1, associé à des bactéries, explique Jean-Pierre Baud, responsable du programme national aquaculture durable à l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer). Une maladie qui n'a aucune conséquence pour l'homme.

«Cet agent infectieux est connu depuis de nombreuses années mais ce n'est que depuis 2008 qu'il cause une telle mortalité», selon le scientifique, qui n'a identifié aucune cause particulière pour expliquer sa soudaine virulence.

Il rappelle que les huîtres vivent en milieu ouvert, donc qu'elles «subissent aussi le réchauffement climatique» et l'intervention de l'homme qui «les travaille de plus en plus».

«La mer est une grande poubelle qui reçoit les phytosanitaires véhiculés par l'homme», pointe M. Maire alors que M. Viaud évoque plutôt «l'augmentation de la salinité et l'élévation de la température de l'eau».

Si le facteur déclenchant demeure inconnu, l'Ifremer s'efforce de faire face au fléau.



Pour cela, elle incite à «sélectionner des familles plus résistantes à ces mortalités, à introduire notamment des naissains en provenance du Japon et à inciter la profession à limiter les pratiques à risques».