Cousin végane, grand-maman végétarienne... En 2018, les légumes doivent absolument trouver leur place sur les tables de Noël. Et ils peuvent être aussi festifs qu'alléchants pour tout le monde, comme l'a prouvé maintes fois le chef vedette Yotam Ottolenghi. Pour la sortie de son nouveau livre Simple au Québec, l'auteur s'est entretenu en exclusivité avec notre chroniqueuse, Marie-Claude Lortie.

Il y en a, dans la vie, qui rêvent de parler à Mick Jagger, Michelle Obama ou Meryl Streep. Moi, bien haut sur ma liste, il y a toujours eu Yotam Ottolenghi.

Israélien d'origine italienne installé depuis 20 ans à Londres, il a eu probablement plus d'impact sur ma vie que tous les autres réunis. C'est un cuisinier auteur de livres de recettes, qui nous a appris, à moi, mais aussi à mes amis et à des millions de fans dans le monde, comment préparer des légumes pour créer un festival ensoleillé tous les jours. Au Royaume-Uni, on a maintes fois écrit qu'il changeait carrément la façon dont les Britanniques cuisinent tout ce qui pousse.

Dans le monde d'Ottolenghi, il n'y a pas de haricots flasques ou de salade rouillée. La plante est poétique, allumée et les clichés, balayés.

Dans mon univers et celui de ses disciples, Ottolenghi est donc devenu un adjectif, un verbe. «Peut-on faire ça Ottolenghi?», demande-t-on en voyant un légume chez le fruitier. «Faudrait Ottolenghi notre salade un peu plus», ajoutera un autre devant une composition un peu banale. «Mon week-end? Total Ottolenghi», dira-t-on pour résumer deux jours à l'eau de rose, au cumin ou au zaatar.

Récemment, à la sortie de son nouveau livre Simple, paru non seulement en version française, mais dans une adaptation pour le Québec, chez KO Éditions, je l'ai joint au téléphone à Londres, où il travaille et vit avec sa famille.

Au bout du fil, il était aussi souriant que ses épinards aux pistaches ou ses brocolis au tahini. Et ravi d'entendre qu'il avait des tonnes de disciples au Québec. «C'est charmant de savoir qu'il y a tous ces gens qui comprennent ce que je prône», a expliqué celui qui a vendu des millions de livres dans le monde.

Et qu'est-ce qu'il prône au juste? Le végétarisme, la santé? Pas du tout. «Ce sont les effets dramatiques dans la bouche.»

Dramatiques? Oui, comme dans théâtre, action, récit.

«Ce sont des bouchées où il y a toujours plus qu'un niveau d'expérience, où plusieurs choses se passent en parallèle.»

Du sucré, du salé, de l'acide, du fleuri, du croquant, du soyeux...

«Nous-mêmes, quand on prépare nos livres, parfois on goûte à nos plats et on utilise l'expression "ce n'est pas assez Ottolenghi". Et on cherche ensuite à rendre l'expérience plus complexe.»

Dans la cuisine, cela signifie qu'il y a souvent beaucoup d'ingrédients dans ses recettes. Du sirop de grenade, de la menthe, du sumac, du zeste de ceci ou cela, quatre ou cinq épices. Pour certains, ça peut sembler décourageant. D'autant que ce ne sont pas nécessairement des produits qu'on peut se procurer partout, même si les épiciers diversifient de plus en plus leur offre.

À cela, Ottolenghi répond deux choses. D'abord, dit-il, on n'est pas toujours obligé de mettre exactement tous les ingrédients de toutes les recettes, parce que son but, c'est d'abord de nous faire faire des découvertes qu'on saura ensuite conjuguer à notre gré.

Et ensuite, il dira que son nouveau livre, Simple, répond à cette question.

Le thème du livre est en effet celui-ci: comment faire de l'Ottolenghi avec 10 ingrédients maximum, dont plusieurs peuvent être stockés à l'avance - donc pas besoin de faire trois virées au supermarché - sans qu'il soit nécessaire de faire la vaisselle ensuite pendant 48 heures, et dans certains cas, en prenant un peu d'avance. La stratégie est claire: proposer dans toute la mesure du possible des solutions clés en main à la personne qui veut manger, recevoir façon Ottolenghi, sans se prendre la tête.

Est-ce que le défi a été compliqué?

«C'est quand on a des contraintes qu'on devient réellement créatif», explique le chef, qui a plusieurs restaurants et cafés à Londres, de Notting Hill à Shoreditch, en passant par Soho et Belgravia.

Ainsi, il s'est rendu compte que de la sauce harissa pouvait faire d'un coup ce qui prend autrement toutes sortes d'épices et de piment. Ou alors que le cinq-épices chinois pouvait aussi prendre le relais à un ensemble de saveurs. Ou que le citron en conserve pouvait, à lui seul, apporter du sel, de l'acidité et toutes sortes de nuances fermentées.

Yotam Ottolenghi n'est pas végétarien et encore moins végane, mais sa cuisine propose plusieurs plats préparés uniquement avec des ingrédients d'origine végétale. Et il est heureux d'arriver ainsi, dans une mouvance santé et écologique qui s'accorde avec sa démarche, à faire connaître des produits nouveaux, des fraîcheurs et des saveurs nouvelles. Ce sont de grandes tendances utiles, qui sont en train de faire de bonnes choses à la société, explique-t-il, pour la santé et pour l'environnement. «Et je suis content d'adhérer à ça.»

Mais sa cuisine n'essaie pas d'être «santé» ou «végé». Le but est ailleurs. «Moi, ce qui me pousse, c'est les saveurs.» Son premier critère de création sera toujours le goût, le plaisir.

«Et ce qui m'a toujours fait cuisiner avec les légumes, c'est que je me disais que la cuisine occidentale ratait vraiment quelque chose en ne cuisinant pas plus avec des plantes.»

Yotam Ottolenghi, qui a vendu près de 5 millions de livres de recettes dans le monde, a reçu bien des prix et mentions depuis ses débuts avec des ouvrages comme Plenty ou Jerusalem. Son livre Simple ne fait pas exception, il vient de décrocher le premier prix des National Book Awards britanniques dans la catégorie Aliments et boissons, devant Jamie Oliver et Jack Monroe.

Simple. Yotam Ottolenghi. KO Éditions. 308 pages, 34,95 $.

Photo Jonathan Lovekin, fournie par KO Éditions

Yotam Ottolenghi

Recette: Burrata et brochettes de raisins grillés au basilic

Recette de Yotam Ottolenghi, tirée de Simple

Pour 6 bonnes portions en entrée

Ingrédients

- 320 g (environ 2 tasses) de raisins rouges sans pépins

- 30 ml (2 c. à soupe) de vinaigre de xérès

- 45 ml (3 c. à soupe) d'huile d'olive

- 1 gousse d'ail, pressé

- 7,5 ml (1 1/2 c. à thé) de cassonade foncée

- 7,5 ml (1 1/2 c. à thé) de graines de fenouil, grillées légèrement et broyées

- 3 grosses boules de burrata ou de mozzarella de bufflonne

- 6 petites tiges de basilic rouge ou vert frais, pour garnir

- Sel de mer en flocons (de type Maldon) et poivre noir

Préparation

1. Dans un bol de grosseur moyenne, mélanger les raisins avec le vinaigre, l'huile, l'ail, la cassonade, 5 ml (1 c. à thé) des graines de fenouil et 1/4 de c. à thé de sel en flocons. Poivrer généreusement. Enfiler les raisins sur des brochettes en bois - mettre 5 ou 6 raisins par brochette. Réserver la marinade.

2. Chauffer une poêle à griller sur feu vif en faisant bien ventiler la cuisine. Une fois la poêle chaude, griller les brochettes de raisins, quelques-unes à la fois, de 2 à 3 minutes, en les retournant à la mi-cuisson. Retirer du feu.

3. Au moment de servir, «déchirer» les boules de burrata en deux et placer une moitié dans chaque assiette. Appuyer les brochettes de raisins sur le fromage - 2 brochettes par portion - et arroser le fromage de 7,5 ml (1 1/2 c. à thé) de la marinade. Ou encore, disposer les morceaux de fromage et les brochettes dans un grand plat de service. Parsemer le tout du reste des graines de fenouil (1/2 c. à thé) et garnir de tiges de basilic.

PHOTO JONATHAN LOVEKIN, FOURNIE PAR KO ÉDITIONS

Burrata et brochettes de raisins grillés au basilic