Les millions de messages personnels qui transitent par les réseaux sociaux peuvent aider à signaler une épidémie mais ils doivent être analysés pour permettre aux autorités sanitaires de réagir, estiment des chercheurs réunis en congrès à Casablanca.

«Des réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook peuvent aider à la détection et à la prévention de pandémies», a assuré à l'AFP Patty Kostkova, une chercheuse à la City University de Londres.

Son équipe multidisciplinaire a recensé, trié et étudié près de trois millions de messages en anglais contenant le mot «grippe», postés sur Twitter entre mai et décembre 2009. Au terme de ce travail de fourmi, ils ont trouvé une corrélation entre les billets concernant la grippe H1N1 et les cas déclarés de grippe recensés par le système de santé britannique (NHS).

En juillet 2009, «le pic sur Twitter pouvait laisser prévoir un pic à venir dans la contamination jusqu'à une semaine avant les données officielles de veille sanitaire», a souligné Mme Kostkova.

La chercheuse a présenté les résultats de ces travaux lors de la 3e conférence internationale de l'e-santé à Casablanca, du 13 au 15 décembre.

Selon elle, la surveillance des réseaux sociaux permet donc «d'anticiper, prédire ou localiser géographiquement des pandémies».

Un tel système serait à même d'informer plus tôt «les autorités sanitaires sur une future hausse de la demande de services de santé, les inciter à adapter les effectifs, ou à constituer des stocks suffisants de médicaments ou de vaccins pour faire face à une épidémie à venir», explique-t-elle encore.

Mais la masse d'informations transitant sur le web nécessite que les messages soient traités de façon à offrir aux professionnels de la santé des informations vérifiées.

«L'enjeu est le suivant: manipuler efficacement toute la masse de données véhiculées par les réseaux sociaux pour faire sortir des informations fiables», a souligné Gayo Diallo, chercheur au laboratoire d'épidémiologie statistique et informatique de l'université Bordeaux 2 (sud ouest de la France).

Pour Najeeb Al-Shorbaji, directeur de recherche à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), ce développement peut «rationaliser le processus de prise de décision gouvernementale et au niveau des institutions internationales de la santé». «Encore faut-il que les gouvernements prennent conscience de ces enjeux et s'impliquent, notamment sur le plan financier», a-t-il ajouté.

L'OMS étudie d'ailleurs comment contrôler à travers les réseaux sociaux le passage d'une épidémie d'un pays à un autre. «Nous en sommes encore à un stade préliminaire et il est trop tôt pour en dire plus», indique prudemment l'organisation.

Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) étudie lui aussi cette possibilité, pour Twitter et d'autres médias sociaux. «Nous devons rechercher plus d'indications pour comprendre à quel point ces sources d'information peuvent être fiables», a indiqué l'ECDC à l'AFP.