Je les ai rencontrées il y a quatre ans à Turin, je les aime beaucoup, je ne sais pourquoi elles me le rendent un petit peu. Je ne suis pas toujours très gentil avec leur sport, même que je ne suis pas très sûr que le hockey féminin devrait être aux Jeux. Elles se foutent bien de ce que je pense. Elles y sont aux Jeux, même que ce sont leurs troisièmes.

Kim St-Pierre, gardienne de buts de l'équipe canadienne, je dirais la gardienne numéro un, mais avec l'entraîneur qu'elles ont, la si mélodieuse Melody, il ne faut jurer de rien. Caroline Ouellette, elle, joue à l'avant, à la pointe sur les attaques à cinq, en défense des fois, un des piliers de l'équipe, lourd lancer, elle ne détesterait pas que les mises en échec soient permises. Je leur avais donné rendez-vous dans un café-glacier dont la terrasse borde la clôture du village.

Me semble que Kim était blonde à Turin? Non? Bon. Elles viennent de passer la trentaine, toujours pas mariées, mais Kim ça ne devrait plus tarder, les bébés non plus ne devraient pas tarder.

Caroline était presque policière il y a quatre ans. Elle ne l'est toujours pas vraiment. Elle n'a pas envie de lâcher le hockey. Elle se voit bien à Sotchi aux prochains Jeux. En attendant, elle entraîne l'équipe du Minnesota quelques mois par année, et elle joue dans cette ligue semi-professionnelle que la Ligue Nationale va peut-être finir par sponsoriser, et peut-être alors que ces folles de hockey pourront tirer un modeste salaire de leur métier, au lieu, comme aujourd'hui, de payer pour jouer. Oui, elle paient pour jouer! Environ 1000$ par année.

Kim, n'est pas devenue kinésiologue comme prévu il y a quatre ans, même si elle est diplômée et tout. Elle est agent immobilier chez Remax à Laval. Sûrement ses derniers jeux.

Leurs troisièmes donc, Salt Lake leur baptême olympique, Turin avec cette finale en queue de poisson contre la Suède, et Vancouver, l'apothéose. Des foules incroyables aux matchs.

La parenté de Kim est arrivée avant-hier. 12 personnes! Ont loué une maison, 4000$ pour la semaine. Les billets pour les matchs sont à 300$. Une chance que cela n'arrive que tous les quatre ans!

Caroline et Kim venaient d'apprendre pour la mère de Joannie Rochette, elles étaient sous le choc comme tous les Canadiens du village, elles comprennent parfaitement que Joannie veuille performer...

Je n'ai rien vécu d'aussi tragique évidemment, raconte Caroline, mais j'ai une tante, ma tante Claire et mon oncle Jean qui sont pour moi comme mes parents, depuis quatre ans, ils ramassaient deux dollars par jour pour venir me voir jouer à Vancouver. Ils ont amassé ainsi 2000$, mais ils ne viendront pas. Mon oncle a été opéré du coeur. Ma tante a été opérée pour un cancer du sein. Chimio, radiothérapie, elle vient de terminer. Le courage de cette femme-là... Se battre pour sa vie est pas mal plus difficile que de jouer au hockey. Je prie pour sa victoire à elle pas mal plus que pour la mienne... Regardez-moi bien aller sur la glace, c'est pour elle que je vais jouer. Pourquoi 18-0, contre la Slovaquie? Pourquoi 18?

Caroline: que voulez-vous qu'on fasse? Qu'on arrête de lancer au but, qu'on se passe la rondelle, qu'on les niaise? C'est là qu'on leur manquerait de respect. Les Slovaques nous ont remerciées après le match, jamais elles n'avaient joué à un tel niveau, devant pareille foule.

Quand tout ça a commencé à Nagano, en 1998, à ceux comme moi qui disaient qu'un tournoi olympique pour deux équipes n'avait aucun sens, on répondait patience vous allez voir dans une dizaine d'années... On est 12 ans plus tard, vous avez gagné vos trois premiers matchs 18-0, 10-1 et 13-1. Le hockey féminin s'est incroyablement développé au Canada et aux États-Unis, ailleurs ça n'a pas bougé, autrement dit le fossé se creuse plus encore. La Slovaquie, puisque vous en parlez, compte à peu près 200 licenciées...

Caroline: côté masculin, la Suède a mis 64 années avant de vaincre le Canada. Le Canada gagnait 49-0. Encore beaucoup de préjugés, surtout en Europe, où on semble avoir décidé qu'une fille ça ne joue pas au hockey. C'est aux fédérations nationales de faire la job de sensibilisation.

Elles jouent ce soir contre la Finlande en demi-finale. Jeudi en finale, probablement contre les Américaines.

Kim devrait être dans les buts pour les deux matchs. Devrait, parce qu'avec la mélodieuse Melody... À Turin, elle avait fait l'affront à Kim de la remplacer par Charline Labonté en donnant pour toute explication qu'elle préparait la relève pour Vancouver.

Hello relève, on est à Vancouver et Charline est actuellement la troisième gardienne. Elle n'aurait pas joué du tournoi si, après deux périodes contre la Suède, alors que le score était 12-0, Kim, pas rancunière, n'avait elle-même demandé à l'entraîneure de la remplacer par Charline... qui en a pleuré.

TAIS-TOI - On n'est jamais contents, je sais. On gueulait pour avoir du français, on en a, on n'en veut plus. Je vous avais souligné qu'au courte piste, au Pacific Coliseum, la présentation des patineurs et la description de la course se faisaient largement en français, bon, des petites fautes ici là mais que fait largement oublier la pertinence du commentaire. C'est pas le jeune homme au micro, c'est la madame qui apparaît sur l'écran pour distraire la foule pendant les entractes. Vous vous souvenez de la patineuse Josée Chouinard, qu'un journaliste pas gentil avait surnommée Josée Badaboum Chouinard? Elle. Elle massacre le français, ça en est gênant d'être francophone. Badaboum à chaque mot. Elle présentait le Yukon : les industries principaux du Yukon... youkon toi-même. Elle vient pourtant de Rosemont comme Ronald King, hé Ronald, tu m'avais jamais dit que l'industrie principaux de Rosemont était la nouille.

CAFFE LATTE - Demande spéciale. Arrêtez de m'envoyer chez Mario! J'ai reçu à peu près 40 courriels de Québécois qui ont vécu un temps à Vancouver et qui me pressent: si t'es à Vancouver il faut absolument que tu goûtes au meilleur café et caffe-latte en ville, chez Mario, au coin Howe et Dunsmuir. Me permettez-vous une vacherie? J'ai l'impression que vous êtes parti de St-Hyacinthe directement pour Vancouver, sans être jamais passés par Montréal. D'abord, votre Mario, il est Argentin, un Argentin ne chauffe pas une machine à café comme un Italien, tout est dans la manière de chauffer la machine. Ensuite, un caffe-latte ça prend un minimum de décor, Dunsmuir et Howe, c'est un endroit pour boire du pipi de chat dans un verre en styrofoam avec une paille en plastique. Ensuite encore quand tu fais le meilleur espresso en ville, t'as pas besoin de l'écrire sur la porte, au caffe Italia rue St-Laurent, c'est pas écrit sur la porte. Enfin, quand tu t'annonces café et pâtisseries, tu sers pas des tranches de quatre-quarts emballées dans du papier cellophane, à Vancouver et en Argentine peut-être, à Turin jamais.

STANLEY PARK - Samedi je me suis loué un vélo, lalèreu, j'ai dû faire au moins 12 kilomètres, si c'est pas 15. Le tour de Stanley Park évidemment. On s'y sent très loin des Jeux, c'était bien pour ça. On s'y sent aussi comme dans une carte postale. C'est moins bien pour ça, mais c'est inévitable avec ce genre de décor la-mer-et-les-montagnes-au-loin. J'ai rejoint une petite troupe de Belges à vélo aussi arrêtés au Siwash Rock, le guide leur expliquait que selon une légende Squamish, ce rocher de lave était... j'ai monté le son de mon iPod pour ne pas le savoir, je n'arrête pas d'y penser depuis, qu'est-ce ça pourrait bien être? Un brocoli prépaléolithique fossilisé? Un guerrier Squamish statufié par les dieux pour avoir trompé sa femme avec un phoque à cet endroit?