Un frère et une soeur olympiens, c'est rare. Un frère et une soeur olympiens et enfants d'olympiens, c'est exceptionnel. Portrait de la famille Gregg.

Dans l'autobus qui la ramenait au village des athlètes après l'entraînement, lundi soir, la patineuse de vitesse sur courte piste Jessica Gregg avait les yeux rivés sur l'écran de son téléphone cellulaire. Miracle de la technologie moderne: elle a pu vivre en direct le baptême olympique de son grand frère Jamie, qui a fini huitième du 500 m longue piste.

Les Jeux olympiques sont une affaire de famille chez les Gregg. Leur père Randy, en plus d'avoir gagné cinq fois la Coupe Stanley avec les Oilers d'Edmonton, a participé aux Jeux de Lake Placid et de Calgary. Leur mère Kathy, née Vogt, une patineuse de vitesse, a fait ceux d'Innsbruck et de Lake Placid, où elle a rencontré son futur mari.

Les gènes ont sûrement joué un rôle dans l'émergence de Jamie, 24 ans, et Jessica, 21 ans, deux purs sprinters. Les gènes de leur mère, il va sans dire. «Mon père n'était pas trop vite sur la glace», dit en riant Jessica, qui tentera ce soir de gagner une médaille dans le 500 m courte piste, au Pacific Coliseum.

Non, Randy Gregg n'était pas exactement Paul Coffey à l'époque où il patrouillait la ligne bleue des Oilers. Mais il se distinguait autrement. Issu du hockey universitaire, le grand rouquin a fait des études en médecine à l'Université de l'Alberta et a préféré joindre les rangs de l'équipe nationale du Père David Bauer, à la fin des années 70, plutôt que de tenter tout de suite l'aventure de la Ligue nationale.

«Pour mes premiers Jeux, j'ai reçu 4000$ et on a vécu à deux par chambre pendant des mois. Mais c'est la meilleure expérience de ma vie, plus encore que mes conquêtes de la Coupe Stanley», dit Randy, aujourd'hui omnipraticien dans sa ville natale d'Edmonton. «Les JO sont beaucoup plus importants que le simple gain financier. Les gens qui parlent du cliché de porter la feuille d'érable n'ont jamais vécu l'expérience de se retrouver à Moscou ou à Prague et d'être fier d'être dans l'équipe nationale.»

Il a retrouvé cette fierté l'autre soir, dans les gradins de l'Anneau olympique. La foule y a bruyamment encouragé Jamie, qui ne s'est pas laissé démonter par les retards occasionnés par le mauvais fonctionnement des resurfaceuses. Au classement final, il s'est même faufilé devant le grand Jeremy Wotherspoon.

Ironiquement, Jamie avait contribué à la présence de Wotherspoon aux Jeux. En décembre, il a gagné sa première médaille en Coupe du monde, à Calgary. Dans la seconde course, le lendemain, il a cédé sa place au quadruple champion du monde de sprint, qui revenait d'une blessure au bras, afin de lui donner la chance de renouer avec la compétition internationale.

Randy Gregg y a vu un signe que Kathy et lui n'avaient pas raté l'éducation de leurs enfants. «J'ai dit à Jamie que j'étais 100 fois plus fier de ce geste que de son podium. Il a laissé tomber la chance de gagner une autre médaille pour aider un coéquipier à s'améliorer. Ce sont les choses dont il va se souvenir bien après que la médaille en Coupe du monde ait été oubliée.»

Échec et apprentissage

Il s'en est néanmoins fallu de peu pour que Jamie rate le rendez-vous olympique. Aux sélections de la fin décembre, il a échoué sur 1000 m et a été le dernier qualifié sur 500 m. En rétrospective, cette expérience n'était pas nécessairement une mauvaise chose, pense son père.

«On veut tous que nos enfants réussissent dans la vie. Mais en vieillissant, on réalise que l'échec est parfois une bonne manière d'apprendre, même si ce n'est pas agréable.»

Il en veut pour preuve le balayage que les Oilers avaient subi aux mains des Islanders de New York lors de la finale de la Coupe Stanley, en 1983. «Ça nous a brisé le coeur de savoir qu'on avait laissé tomber notre ville et notre pays. Pourtant, nous avions besoin de cette défaite pour être bien préparés à ce qui s'en venait lors de nos cinq conquêtes de la Coupe Stanley.»

Jamie et Jessica baignent dans le sport depuis leur enfance. «Ils nous ont fait essayer toutes sortes de sports d'été et d'hiver quand nous étions jeunes plutôt que de nous enligner dans un seul, dit Jessica. Comme ça, tu peux décider ce qui t'intéresse vraiment.» Leur frère Ryan, 23 ans, joue au baseball pour l'Université de Calgary, tandis que la cadette de la famille, Sarah, 20 ans, est membre de l'équipe nationale de développement en longue piste. Les trois patineurs pourraient se retrouver aux Jeux de Sotchi, en 2014.

Les Jeux olympiques ont bien changé depuis que les Gregg se sont rencontrés, il y a 30 ans. L'argent, la télé, le gigantisme: on est loin du folkore de Lake Placid. «C'est devenu une grosse business, convient Randy Gregg. Mais la beauté de tout ça, c'est que lorsqu'un patineur prend sa place sur la ligne de départ ou lorsque une mise au jeu est effectuée, tu peux oublier tout ça. Tout l'héritage du sport amateur est encore là pour nos enfants.»