Aucun patineur ne sera surveillé d'aussi prêt que Patrick Chan, ce week-end, à Kitchener, en Ontario. Le jeune vice-champion du monde est toujours le centre d'attraction, mais les circonstances rendent sa participation à Skate Canada particulièrement importante.

Chan, qui n'a plus patiné en compétition depuis les derniers championnats du monde, en mars, a été atteint cet automne de la grippe A (H1N1) et a dû bouleverser toute sa préparation en vue des Jeux de Vancouver.

«On n'a pas fait d'analyse poussée, mais les symptômes étaient les mêmes, a raconté hier le Torontois de 18 ans. Cette grippe m'a complètement arrêté et m'a fait perdre une partie de ma masse musculaire. Après trois semaines sur le carreau, j'ai tenté de reprendre l'entraînement, mais je me suis fait une petite déchirure musculaire au mollet en tentant un saut...»

Résultat, Chan a dû déclarer forfait pour le Grand Prix de Moscou, ce qui le privait automatiquement d'une participation à la finale du Grand Prix, le mois prochain à Tokyo. Le plus jeune champion canadien senior de l'histoire, à 17 ans, n'aura donc que la compétition de cette fin de semaine pour préparer les Jeux. «Je n'ai jamais été aussi excité avant une compétition. Je ne suis pas au sommet de ma forme, mais je progresse chaque jour.

«Cette inactivité m'a empêché de tester mes programmes en compétition, de les montrer aux juges qui seront aux Jeux, mais elle m'a aussi permis de rencontrer une équipe de spécialistes extraordinaires, le préparateur physique de Sidney Crosby, Andy O'Brien, par exemple. Grâce à eux, je serai finalement mieux préparé en arrivant à Vancouver.»

Impressionner les juges... et ses rivaux

Tout autant que le public de Kitchener, les juges et les rivaux de Chan guetteront son nouveau programme long, chorégraphié sur la musique de la comédie musicale Le fantôme de l'Opéra. Dans la tête de Chan et de son entraîneur, Don Laws, ce programme très complexe inclut une quadruple boucle piquée et plusieurs combinaisons.

«Je ne ferai pas le «quad» ici et je ne sais pas encore si je le tenterai à Vancouver, a avoué Chan. Je suis convaincu qu'on peut gagner avec un programme solide, de bonnes combinaisons et une chorégraphie intéressante. La musique du Fantôme de l'Opéra est idéale pour les Jeux, très dramatique, et dégage beaucoup d'émotion.

«Le nouveau système de pointage met en valeur l'ensemble des qualités techniques, pas juste les sauts spectaculaires. Les juges apprécient davantage les triples sauts avec des atterrissages bien maîtrisés qu'un «quad» tenu de justesse...»

Les rivaux de Chan, et ils sont nombreux, vont aussi décortiquer son programme. «Au moins six patineurs peuvent gagner la médaille d'or à Vancouver, estime le Canadien. Plushenko, Lambiel, Joubert, Lysacek, Oda et d'autres encore auront leur chance. Plusieurs reviennent après des retraites ou des blessures, comme moi. Ce sera très intéressant.

Le retour réussi du flamboyant patineur russe (vainqueur du Grand Prix de Moscou il y a quelques semaines, quatre ans après sa médaille d'or aux Jeux de Turin), ajoute un nom inattendu à la liste des adversaires de Chan. En concluant son programme long avec un doigt pointé vers le ciel, signe de sa suprématie retrouvée, Plushenko s'est attiré les reproches de plusieurs patineurs.

«C'était mon idole, celui que je surveillais quand j'ai commencé la compétition, a reconnu Chan. J'ai toujours admiré son élégance et la facilité avec laquelle il réussissait ses «quads». Mais il va vite réaliser que le patinage masculin a beaucoup évolué depuis 2006. Nous pouvons réussir des choses que personne ne faisait à l'époque, pas même lui. Il devra modifier son programme - il l'a déjà fait d'ailleurs à l'entraînement - s'il veut avoir des chances à Vancouver.»

Une dernière raison explique pourquoi tout le monde surveillera Chan ce week-end: il est irrésistible, tout simplement. Polyglotte (il parle un excellent français), adulé partout où le patinage artistique est populaire, en Asie surtout (il est d'origine chinoise), le jeune homme dégage une joie de vivre et un optimisme qui feront de lui, quoi qu'il arrive, l'une des grandes vedettes des Jeux de Vancouver.

Et comme il n'a que 19 ans, on peut même rêver de le voir un jour imiter son idole Plushenko...