Que Gilles Simon, longtemps appelé «poussin» en raison de son physique fluet, devienne un jour le N.1 du tennis français, beaucoup n'y auraient pas cru. Lundi c'est pourtant bien lui qui pointe en tête du classement devant des joueurs comme Gasquet, Tsonga ou Monfils.

C'est une belle revanche pour le Niçois de 23 ans qui vient, en se hissant au dixième rang mondial, de clouer définitivement le bec à ceux qui lui avaient conseillé de changer de métier. D'autant qu'il a pris le pouvoir avec panache en battant, samedi à Madrid, le N.1 mondial Rafael Nadal pour atteindre sa première finale d'un Masters Series, perdue, à bout de forces, le lendemain face au Britannique Andy Murray.

Car à l'origine, ils étaient nombreux à ne lui voir aucun avenir dans le tennis à cause de son gabarit de «crevette» plafonnant longtemps à 1,50 m. Si Simon a fini par grandir (1,80 m), il continue à étonner lorsqu'il déboule sur les tournois avec ses 65 kg et ses mollets de ballerine. Un physique qui ne prédispose a priori pas à une carrière de sportif de haut-niveau.

Contrairement à beaucoup de ses collègues, Simon aurait pu choisir une autre voie. Ancien élève du conservatoire, il était doué en piano. Avec un bac scientifique en poche, il aurait pu marcher dans les pas de ses parents, qui ont fait des études de médecine et de mathématiques, ou de son frère ingénieur.

Mais Gilles a choisi le tennis et le pari a payé. Sans bruit, il a progressé de manière régulière: 124e fin 2005, 45e fin 2006, 29e fin 2007, 10e aujourd'hui. «Et ce n'est pas fini», assure son entraîneur Thierry Tulasne, lui-même ancien N.10 mondial, qui assure que son élève le dépassera bientôt.

En attendant, Simon a déjà remporté cinq tournois. Soit autant que Gasquet et quatre de plus que Monfils ou Tsonga. Mais il lui reste un retard à combler sur le plan médiatique, malgré une grande aisance devant les micros.

Simon ne s'en offusque pas. Selon lui c'est simplement parce qu'il était moins attendu au départ. «A cause de mon physique, je n'ai jamais été dans les meilleurs de ma catégorie», rappelle-t-il. Pendant que Gasquet, Tsonga ou Monfils brillaient en juniors, Simon progressait dans l'ombre et à sa manière.

Féru de jeu, moins de gammes à l'entraînement et de footings, il a surtout écumé les petits tournois. Très vite ses qualités d'endurance, malgré un certain flegme, sont apparues. Elles l'ont longtemps cantonné dans un statut d'essui-glace ultra-défensif qui n'a rien fait pour sa réputation.

Mais Simon, c'est bien plus qu'un jeu de contre. Sa capacité d'accélération des deux côtés, étonnante vu le diamètre de ses biceps, lui offre des coups gagnants spectaculaires.

Le public de Madrid, en tous cas, a adoré. Quant à son mental de combattant, il a carrément été plébiscité par la presse locale qui lui a conféré le surnom de «superviviente» (survivant).

Il faut dire que Simon a donné en sauvant six balles de match et en gagnant quatre de ses cinq parties dans le tie-break du dernier set. Signe qu'il résiste bien à la pression, lui qui avait déjà défendu dix-sept balles de break consécutives pour remporter le tournoi d'Indianapolis en juillet.

«A l'avenir, il faudra que je me montre plus agressif, notamment au filet», dit le Niçois, plus que jamais dans la course pour le Masters de Shanghai. Pour continuer à grandir.