(Pékin) Il n’y a pas de quoi fouetter un chat ; passons à autre chose. C’est le message qu’a livré la joueuse de tennis chinoise Peng Shuai lundi, lors d’une « entrevue contrôlée » réalisée dimanche dans un hôtel de Pékin et au cours de laquelle il a été question des allégations d’agression sexuelle qu’elle a faites à l’endroit d’un haut responsable du Parti communiste chinois.

Ses propos — en présence d’un représentant olympique chinois — ont laissé des questions sans réponse sur son bien-être et sur ce qui s’est exactement passé.

L’entrevue, accordée au journal français L’Équipe, et une annonce selon laquelle le président du Comité international olympique (CIO), Thomas Bach, avait pris le repas avec Peng au cours du week-end semblaient avoir pour but de dissiper les inquiétudes internationales qui persistent au sujet de Peng, une ancienne olympienne et ex-numéro un au monde en double.

Les craintes concernant la sécurité de Peng ont menacé d’assombrir les Jeux olympiques d’hiver en cours à Pékin.

Peng a affirmé à L’Équipe que les inquiétudes résultaient d’un « énorme malentendu ». Toutefois, le format de l’entrevue n’a pas semblé donner de latitude pour des questions de suivi. Les questions avaient été soumises à l’avance et un membre du Comité olympique chinois assistait à la discussion et traduisait les propos de Peng, énoncés en chinois.

De longs segments de l’entrevue, qui a duré une heure et qui a été organisée par l’entremise du comité olympique chinois et avec l’aide du CIO, ont porté sur la carrière de joueuse de Peng. Âgée de 36 ans et après avoir subi plusieurs opérations au genou, Peng a déclaré qu’elle ne se voyait pas faire un retour sur la scène du tennis professionnel. Elle n’a pas évolué sur le circuit féminin depuis février 2020.

Le journal a publié les commentaires de Peng mot pour mot — une autre condition préalable, a précisé L’Équipe — sous la forme de questions-réponses. Des photos de Peng pendant l’entrevue la montraient vêtue d’une veste rouge sur laquelle était écrit « Chine » en lettres chinoises sur le devant.

L’Équipe a questionné Peng au sujet des allégations d’agression sexuelle qui ont créé une controverse en novembre. Ces allégations ont rapidement été effacées de son compte homologué sur Weibo, l’un des plus importants réseaux sociaux en Chine.

Pendant un certain temps, par la suite, elle a disparu de la sphère publique, au point où la question « Où se trouve Peng Shuai » a résonné partout, en ligne et de la part d’athlètes et d’amateurs à l’extérieur de la Chine, en partie parce que le pays a la réputation de faire disparaître les personnes qui s’opposent à ses dirigeants.

« Agression sexuelle ? Je n’ai jamais dit que quiconque m’avait fait subir une quelconque agression sexuelle », a-t-elle déclaré, selon la transcription de la citation qu’a faite le journal.

« Ce message a donné lieu à un énorme malentendu de la part du monde extérieur. Je souhaite qu’on ne déforme plus le sens de ce message », peut-on également lire dans le texte de L’Équipe.

Questionnée à savoir pourquoi le message a disparu du compte de Peng, cette dernière a répondu : « Je l’ai effacé ».

Pourquoi ? lui a demandé le journal. « Parce que je le voulais », a-t-elle ajouté.

L’Équipe n’a cependant pas demandé pourquoi ce message avait été affiché, à l’origine.

Lundi, le CIO a tenté de désamorcer la polémique. L’organisme a déclaré que Bach avait pris le repas avec Peng, samedi, au lendemain de l’inauguration des Jeux d’hiver de Pékin par le président chinois Xi Jimping. Le CIO a aussi indiqué que Peng avait assisté au match de curling entre la Chine et la Norvège, avec Kristy Coventry, une membre du CIO.

Lors de sa conférence de presse quotidienne, Mark Adams, porte-parole du CIO n’a pas voulu dire si son organisation a l’impression que Peng s’exprime librement ou sous la contrainte.

Durant l’entrevue avec L’Équipe, Peng n’a pas répondu directement à une question lui demandant si elle avait eu des ennuis avec les autorités chinoises depuis le message.

« Je voudrais dire tout d’abord que les sentiments, le sport et la politique sont trois choses bien distinctes. Mes problèmes sentimentaux, ma vie privée, ne doivent pas être mêlés au sport et à la politique », a-t-elle déclaré, selon le texte de L’Équipe.

Questionnée, aussi, sur sa vie, depuis le message de novembre, elle a servi cette brève réponse : « Elle est comme elle doit être : rien de spécial. »

Peng a remercié ses collègues du tennis professionnel qui se sont inquiétés pour elle. Toutefois, elle a aussi manifesté son étonnement.

« Mais je ne pensais pas qu’il y aurait une telle inquiétude et je voudrais savoir : pourquoi une telle inquiétude ? a-t-elle questionné.

« Je n’ai jamais disparu. Simplement, beaucoup de gens, comme mes amis y compris du CIO, m’ont envoyé des messages, et il était tout à fait impossible de répondre à tant de messages. »