Avant Rafael Nadal, avant Roger Federer, le roi de Wimbledon s'appelait Pete Sampras. Et au All England Lawn Tennis Club, l'Américain est encore considéré comme une légende. Sampras a remporté sept titres à Londres, de 1993 à 1995 et de 1997 à 2000, un record qu'il partage avec le Britannique Williams Renshaw (1881-1886, 1889). À son sommet, Sampras était littéralement imbattable à Wimbledon et ses adversaires entraient sur le court avec l'impression d'avoir déjà une manche de retard...

Retraité depuis 2003, ce champion jaloux de son intimité nous a accordé une rare entrevue au début de la semaine pour discuter du tournoi de Wimbledon, de ses secrets sur le gazon et du jeune Canadien Milos Raonic, un joueur en qui il voit un futur grand du tennis.

Entre 1993 et 2000, l'Américain Pete Sampras n'a perdu qu'un seul des 54 matchs qu'il a disputés sur le gazon de Wimbledon, une performance qui n'est pas sans rappeler la domination de Rafael Nadal sur la terre battue de Roland-Garros. Ses sept titres à Londres constituent évidemment un record de l'ère moderne en Grand Chelem.

Mieux qu'aucun autre joueur avant lui, Sampras a maîtrisé les exigences du tennis sur le gazon. Son jeu de «service volée» était littéralement imparable. «Le plus important est de se déplacer aisément, d'être capable de changer de direction rapidement et de s'ajuster aux coups de l'adversaire», a-t-il expliqué plus tôt cette semaine, lors d'une entrevue exclusive avec La Presse.

«Tous les grands joueurs sur gazon se déplaçaient avec aisance. Bien sûr, un gros service est important, de bons retours aussi, mais la clé de tout est le déplacement et l'anticipation. Des adversaires m'ont dit qu'ils avaient l'impression que je savais toujours où irait la balle... et c'est vrai que j'étais rarement surpris sur le gazon.»

«Mais ça ne vient pas du premier coup! Il faut être patient. Jouer, jouer et jouer encore... J'ai disputé un premier match à Wimbledon quand j'avais 17 ans, je ne crois pas y avoir été vraiment à l'aise avant 21 ou 22 ans.

«Et je crois m'être amélioré chaque année, a estimé Sampras, qui a remporté son dernier titre à Wimbledon à 28 ans. Dans les dernières années de ma carrière, quand j'avais ralenti un peu en raison de l'âge et de problèmes de santé, j'avais encore un avantage à Wimbledon en raison de mon expérience.»

«Roger est l'homme à battre»

Sampras n'hésite pas à faire le parallèle avec son successeur au palmarès de Wimbledon, le Suisse Roger Federer. Six fois vainqueur sur le gazon londonien, le Suisse pourrait rejoindre Sampras au terme de la prochaine quinzaine.

«Roger vit présentement une situation identique à celle que j'ai vécue à l'approche de la trentaine, a expliqué Sampras. Il est toutefois en meilleure forme que je l'étais et peut s'appuyer sur son bagage d'expérience. Même s'il a 29 ans, bientôt 30, je crois qu'il reste l'homme à battre cette année à Wimbledon.»

Federer, comme Sampras, se déplace avec une rare élégance sur le court et il pratique un jeu que certains qualifie d'«ancien», mais qui convient encore parfaitement au gazon. «Roger a très bien fait à Roland-Garros, en finale contre Rafael (Nadal), mais surtout en demi-finale contre Djokovic. Il est visiblement en grande forme et sera le favori, tout juste devant Nadal.

«Ce dernier a réussi à s'imposer à Wimbledon avec un jeu du fond du terrain, des échanges en puissance et une défense incroyable, a reconnu Sampras. C'est un très grand joueur et il peut sûrement encore gagner.

«Et il ne faut pas oublier Djokovic. Ce qu'il a accompli depuis le début de la saison est extraordinaire. Il a non seulement remporté 41 victoires d'affilée, il a battu tous les meilleurs joueurs, dont Nadal quatre fois, deux fois en finale sur la terre battue!

«De la façon qu'il joue présentement, Novak a des chances de gagner à Wimbledon, même s'il n'y a encore jamais franchi les demi-finales.»

Les joies de la retraite

À 39 ans, Sampras profite de sa «retraite» dans la banlieue de Los Angeles avec sa femme Bridgette -une ancienne Miss USA- et leurs deux fils, Christian Charles et Ryan Nikolaos. Ralenti tout au long de sa carrière par des blessures au dos et aux jambes, il souffre à l'aube de la quarantaine d'une forme d'anémie qui l'empêche aujourd'hui d'être trop actif.

«Je joue encore un peu sur les circuits des Champions et des Légendes, une douzaine d'événements par année, mais j'essaie surtout de trouver un bon équilibre entre ma vie de famille et ma vie professionnelle, a-t-il expliqué.

«J'ai deux jeunes garçons et j'apprécie chaque jour que je peux passer avec eux. La compétition ne me manque pas. Je suis fier de ce que j'ai accompli, mais je suis heureux d'être passé à autre chose.»

Alors que d'autres, John McEnroe par exemple, sont restés près du tennis, Sampras a vite retrouvé une vie loin des projecteurs quand il a pris sa retraite en 2003. Il est ainsi resté à l'écart des grands tournois pendant plusieurs années et n'est retourné à Wimbledon qu'en 2009, quand Federer a battu son record de 14 titres majeurs.

«Je suis encore les tournois et j'aime retrouver mes anciens rivaux dans les matchs de démonstration, assure-t-il. Mais j'ai aussi du plaisir à jouer au golf, au basketball ou au poker avec mes copains.»

Avec des gains en carrière de 45 millions -un autre record quand il a pris sa retraite-, des cachets très élevés pour ses apparitions avec les Légendes, Sampras peut effectivement se contenter d'apprécier le tennis en simple spectateur.