Mi-juillet, Carl Fagnant est devenu à la fois le premier Québécois à accéder au podium, et à remporter une médaille d’or de la Jiu-Jitsu International Federation (JJIF). Maintenant de retour à la maison, il compte tout faire pour développer la discipline dans sa province natale.

Fagnant a passé 11 jours à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie, où il a successivement vaincu quatre adversaires pour décrocher son titre de champion du monde de la JJIF lors d’un tournoi encadré par le Comité international olympique. Il combattait dans la catégorie Master 1, plus de 94 kg.

Au bout du fil, maintenant de retour dans son gym à Montréal-Est, Carl Fagnant paraît calme. Il a beau donner l’impression de ne pas être particulièrement expressif, on décèle un sourire discret dans sa voix, lorsqu’il raconte son expérience.

« J’ai eu un très bon camp, mais on ne s’attend pas nécessairement à ce que ça se passe », avoue-t-il au téléphone avec La Presse. « Ça m’a frappé plus en revenant, l’ampleur de tout ça. »

PHOTO FOURNIE PAR CARL FAGNANT

Carl Fagnant est instructeur au Gym Le Local à Montréal-Est, où 150 élèves évoluent sous sa tutelle.

Fagnant a réussi à remporter ses deux premiers combats par soumission, contre des représentants de la Roumanie et de la Thaïlande. Puis la plus grande épreuve du tournoi s’est présentée sous la forme de Yerkebulan Altymbekov, un adversaire nettement plus lourd, originaire du Kazakhstan. Il est le seul à avoir poussé le Québécois jusqu’à la fin du temps limite de cinq minutes, s’inclinant finalement aux points.

Le combattant de 34 ans a par la suite réussi une troisième soumission contre son dernier adversaire, un Mongol qui se battait devant son public. Le tout, dans une catégorie de poids qui n’est habituellement pas la sienne et contre un calibre qu’il qualifie d’« exceptionnel ».

C’était un gros feeling, même si j’ai eu des bonnes performances dans le passé. Entendre l’hymne canadien, recevoir la médaille… c’était un moment irréaliste, quasiment.

Carl Fagnant, champion du monde de jiu-jitsu

Au jiu-jitsu, le combat commence toujours debout. L’objectif ultime : contrôler son adversaire en termes de position, voire le dominer et si possible obtenir une soumission.

C’est en se concentrant sur ses propres techniques, sur la manière dont il peut arriver à une position confortable et non pas sur l’adversaire, qu’il parvient à avoir le dessus.

« Le jiu-jitsu, c’est le dépassement de soi. C’est repousser ses limites constamment. Ça fait longtemps que j’en fais, mais chaque fois, je peux m’améliorer. C’est ça qui me motive », souligne-t-il.

Un autre Canadien, Kevin Wheeler, 36 ans, a également remporté une médaille d’or pour le Canada à Oulan-Bator dans la catégorie Master 1, moins de 69 kg, lors de la compétition.

Au Québec

Sur une délégation canadienne de 18 athlètes, Carl Fagnant était le seul représentant québécois en Mongolie. « J’aimerais ça qu’on soit adéquatement représentés. Le talent est là, mais pas la participation », déplore-t-il.

Selon lui, la cause est assez évidente. Au Québec, les compétitions de jiu-jitsu viennent tout juste de redevenir légales, après avoir été complètement bannies par le gouvernement depuis 2017.

Il y a donc des adeptes et du talent, mais la structure compétitive inexistante en a découragé plusieurs au cours des dernières années.

Par la force des choses, l’interdiction de tenir des compétitions a fait mal à la discipline, empêché son développement adéquat, juge Carl Fagnant.

« C’est frustrant pour moi comme athlète, pointe-t-il. Finalement, le monde de Montréal allait à Ottawa. On se déplaçait à l’extérieur pour se battre contre des gens du coin. Mais il y a aussi des carrières qui se sont terminées ou qui auraient pu grandir davantage. Notre bassin a été réduit. »

Note encourageante : un premier tournoi légal a eu lieu au centre Pierre-Charbonneau, en juillet. Tous les billets ont été vendus, ce qui montre selon lui un « engouement pour que les tournois reviennent et un moyen de permettre le développement de la scène locale ».

Ceinture noire 1er degré, Carl Fagnant est lui-même propriétaire d’une académie d’arts martiaux dans Montréal-Est. Il ne peut que se réjouir de cette nouvelle, après quelques années plus difficiles pour le sport qu’il affectionne.

Selon lui, contrairement à d’autres arts martiaux qui sont imprégnés de la culture traditionnelle orientale, les racines du jiu-jitsu le poussent à s’adapter continuellement. D’abord japonais et similaire au judo, il a été repris par la famille Gracie au Brésil.

« Ce qui fait la différence, c’est l’ouverture d’esprit vers les développements. Il n’y a pas de rigidité de faire ça [d’une seule manière]. Ceux qui font du jiu-jitsu vont regarder le judo, la lutte. Il y a une évolution constante des techniques. »

Pour moi, ça reste intéressant parce que ça va continuer à changer. Il y a des choses que je faisais il y a 10 ans et que je fais complètement différemment aujourd’hui.

Carl Fagnant, champion du monde de jiu-jitsu

Sur un plan plus personnel, le médaillé d’or s’entraîne afin de poursuivre sur sa lancée en compétitions internationales. Le championnat européen sans kimono (fin octobre, Italie), le championnat panaméricain (début novembre, Argentine) et le championnat mondial sans kimono (décembre, Las Vegas) auront tous les trois lieu avant la fin de l’année.

« Les tournois au Québec qui reviennent, ça donne le goût d’aller chercher des victoires. »