« Je n’ai aucune motivation. Je suis unmotivated Oli, man », laisse tomber Olivier Aubin-Mercier en souriant.

Évidemment, cette citation mérite un peu de contexte.

Aubin-Mercier rencontrait les médias mardi matin, au Gym H2O, en vue de son combat du 23 août en demi-finale de la Professional Fighters League (PFL). S’il gagne, ce sera direction finale. Qui dit finale dit un autre chèque de 1 million de dollars à sa portée – il a remporté son premier championnat en novembre 2022.

Ce chèque, et surtout le titre de double champion qui vient avec, est pas mal la carotte qui pendouille au bout du bâton pour le combattant de 34 ans.

Attention : Aubin-Mercier aime encore s’entraîner. Il se rend au gym tous les jours. Il donne encore son 100 %. Il fait ses devoirs.

Ce sont les semaines de combat, assez fréquentes en PFL, qui ne le motivent plus.

« Il y a quand même l’anxiété dans ça, explique-t-il. Je m’en vais me battre devant ma famille, j’ai une fille. Mes parents sont contents, mais ne tripent pas tant que ça à me voir me battre. »

Il y a toujours un certain danger à entrer dans l’octogone.

Olivier Aubin-Mercier

« Et l’attente… C’est ça qui est tough d’être un athlète, tu ne peux rien faire. Je n’ai plus d’amis depuis deux ans, je fais ma coupe de poids chaque mois et demi, je ne bois plus, je ne sors plus. J’aimais beaucoup les bons restos, les bons vins… Ce n’est plus possible. Tout ce qui mène à cette semaine-là, je commence à moins triper. »

Mais pourquoi donc continuer, alors ? « Pour le cash », répond-il à brûle-pourpoint.

On comprend vite, cependant, que ce n’est pas tant l’argent qui l’attire… que ce que l’argent apporte.

« En réalité, le cash, c’est de la marde, lance-t-il. Ça ne change pas grand-chose, à part la paix d’esprit. Moi, je l’ai déjà, la paix d’esprit. C’est un bonus cette année.

« [L’argent], c’est du temps, ajoute-t-il un peu plus tard. Je m’achète du temps présentement. Du temps à passer avec ma famille, à être heureux. C’est pour ça que je fais ce sport-là. Pas juste pour ça, mais un peu pour ça. »

Détaché

Ceux qui suivent Aubin-Mercier savent qu’il n’a pas la langue dans sa poche. Il a lui-même horreur des réponses prémâchées. Il se démarque par sa charmante et déroutante honnêteté. Comme nous le dit son entraîneur des 15 dernières années, Richard Ho, « Olivier est spécial, il est différent de tout le monde ». C’est justement « ce qui le rend excellent », ajoute-t-il.

PHOTO FOURNIE PAR SERGE CLOUTIER

Olivier Aubin-Mercier

Vous n’entendrez jamais Aubin-Mercier vous dire qu’il n’a jamais été aussi prêt de sa vie pour un combat. Ou laisser penser qu’un camp d’entraînement est facile.

« Toutes les espèces de trucs de motivation, j’ai toujours trouvé ça ringard. Je vois toujours une certaine faiblesse dans mes adversaires quand ils disent qu’au prochain combat, ils ne seront plus 13-1, mais 14-1. Ils essaient de se motiver eux-mêmes pour une chose sur laquelle ils n’ont aucun pouvoir, à part s’entraîner. »

Pour ceux qui se le demandent, le sympathique athlète n’a pas toujours été aussi détaché. C’est un travail qu’il a fait au cours des dernières années, surtout depuis la pandémie, nous explique-t-il.

« Je faisais des crises d’anxiété il y a quatre ou cinq ans, quand j’étais dans le UFC. Ça n’allait pas. Je n’étais pas content. Mais j’ai travaillé sur moi, il y a des choses que j’ai comprises. Peut-être qu’il y a des choses qu’on pense super importantes et, quand on regarde le regard des autres, finalement, c’est insignifiant. »

Le Québécois précise d’ailleurs qu’il aime se faire interpeller par des amateurs. Les commentaires positifs le touchent. Ce sont ceux qui sont négatifs qui lui coulent un peu plus sur le dos. « Là, je dis ça, mais je vais regarder les commentaires [sous vos articles] et me dire : tabarnak ! », s’exclame-t-il dans un éclat de rire.

Trois commandements

Aubin-Mercier affrontera Bruno Miranda, le 23 août, au Théâtre du Madison Square Garden de New York. Un « gars dangereux », dixit le Québécois, mais moins « cérébral » que lui. Le combat « devrait bien aller », croit-il.

Ce duel, s’il l’emporte, sera de toute évidence son avant-dernier. Parce qu’Aubin-Mercier est assez catégorique : sa carrière s’arrêtera après le prochain championnat.

Sauf peut-être si on lui fait une offre qu’il ne peut refuser, comme un combat à Montréal.

« Il y a quelque chose aussi de quand même poétique de se battre une dernière fois devant le monde qui t’aime, que tu aimes. Ça, c’est quand même cool. Si je vois que ça ne me tente pas rendu là, je ne vais pas le faire. J’essaie juste de dire que je ne vais pas me mettre de pression. »

Il y a quelques années, Aubin-Mercier avait écrit ses objectifs dans un calepin. Son objectif ultime était de remporter le championnat. Il l’a fait.

Dans ce même calepin apparaissaient ses trois commandements : la passion, la motivation et la santé. Si un des trois n’était plus là un jour, ce serait signe que le temps est venu d’accrocher ses gants.

« Là, ça fait huit mois qu’une des affaires n’est plus là. Je pense que c’est le temps. »