Olivier Aubin-Mercier n’aime pas parler d’argent. Ça tombe mal, parce que depuis qu’il a gagné son combat le 25 novembre dernier pour devenir champion des poids légers de la Professional Fighters League (PFL), tout le monde lui en parle.

C’est que le combattant de 33 ans a reçu un chèque d’un million de dollars, qui lui a été remis en direct dans l’octogone en format géant. Le maître de cérémonie lui a demandé ce qu’il allait faire d’une telle somme. Il a choisi de se défiler.

« Québec is back, tabarnak », a-t-il répondu au micro, devant une foule perplexe à New York et un Georges St-Pierre qui n’en revenait pas de ce qu’il entendait.

Lorsque La Presse le lui redemande, il s’esclaffe. « Ah non, t’es tombé dans le piège de la question sur le million ! », lance le combattant avant de raconter une histoire savoureuse.

« L’autre soir, j’étais chaud et je me suis acheté une carte holographique de Charizard [un Pokémon]. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, peut-être pour faire rire mon frère. Faque là, j’attends une carte de quelques milliers de dollars. Tsé quand t’as des flashs le lendemain et tu dis : “Fuck, j’espère que c’était un rêve”… C’était pas un rêve. »

Olivier Aubin-Mercier est parfois burlesque en entrevue. Mais son parcours de combattant n’a rien de fantasque : cet athlète déterminé a connu son lot de revers, mais a persévéré jusqu’à remporter le 25 novembre dernier sa plus grande victoire en carrière.

« Il a fait preuve de beaucoup de résilience, de persévérance, note en entrevue son ami Georges St-Pierre. C’est vraiment une belle histoire. Quand les choses vont bien, c’est facile de continuer. Mais quand ça va mal, c’est là qu’on voit qui a une force de caractère. »

Dans la déprime pandémique

L’histoire d’Olivier Aubin-Mercier a commencé dans l’adversité. Jeune judoka avec seulement un an d’expérience, il s’inscrit en sport-études en judo. Il passe sa première année à « se faire casser la gueule ». Puis, l’année suivante, il atteint le deuxième rang aux Championnats canadiens.

Quand il abandonne le judo pour faire le grand saut dans les arts martiaux mixtes à 21 ans, sa progression est fulgurante. Il gagne ses quatre premiers combats professionnels de manière expéditive puis se retrouve dans la série télé The Ultimate Fighter et aux portes de l’UFC. Il perd son combat en finale.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Olivier Aubin-Mercier au gym Tristar à Montréal en 2014, juste avant son premier combat dans l’UFC et sa première défaite en carrière

« Avec mes coachs et mes agents, on en parle, des fois : je pense que j’ai été pitché dans l’UFC trop rapidement dans ma carrière, analyse Aubin-Mercier. J’avais quatre combats, cinq minutes d’expérience quand j’ai commencé dans l’UFC. L’UFC, c’est beaucoup trop stressant pour essayer de s’améliorer. Les gars sont trop bons. »

Il gagne ensuite sept de ses huit combats dans l’UFC, avant de subir trois défaites d’affilée. Sa dernière survient en juillet 2019.

Quand la pandémie frappe, l’aventure d’Aubin-Mercier dans l’UFC est terminée. Il se retrouve avec de longs mois sans combat devant lui. Il pense à son avenir.

« Tu te remets en question, tu remets en question les choix que tu as faits dans la vie », raconte l’athlète. « Même mon entourage avait un certain malaise. “Ah, tu vas continuer à suivre ce rêve-là ?” Y a du monde proche de moi qui m’a demandé, il n’y a même pas un an, quand est-ce que j’allais arrêter ça, cette carrière-là. »

Pas de combats, pas de revenus. Il voit ses économies fondre à vue d’œil. Il se met donc à entraîner des clients dans un parc à l’été 2020 pour gagner de l’argent.

Malgré tout, Aubin-Mercier a choisi de continuer. « J’étais encore passionné de mon sport. Et je pensais que j’étais encore meilleur que quand j’étais dans l’UFC. Ça m’a aidé à persévérer. »

Une dernière année

Six victoires. Il lui a fallu six victoires d’affilée pour devenir champion dans la PFL, remporter le juteux chèque d’un million et changer sa vie.

Aubin-Mercier se retrouve maintenant à 33 ans au sommet de sa carrière. Il pense qu’il n’a jamais été un meilleur combattant ni un combattant plus complet.

PHOTO TIRÉE D’INSTAGRAM

Olivier Aubin-Mercier lors d’un entraînement avec Georges St-Pierre en 2019

« Il me reste un an, je pense. Je viens de faire quatre combats en un an, ça magane. Je me suis senti fatigué cette année. Je revois une autre année comme ça, et peut-être un combat d’adieu après ça. »

Il veut passer sa dernière année dans la PFL, rêve de remporter un autre million et de combattre chez lui, au Québec. Les sirènes de l’UFC ne le font plus rêver.

Si j’étais Olivier, honnêtement, je pense que je resterais dans la PFL. C’est son choix à lui. Mais moi, je crois qu’il y a beaucoup plus d’argent à gagner pour lui dans la PFL.

Georges St-Pierre, ancien champion de l’UFC

Aubin-Mercier ne veut pas trop penser à son après-carrière. « Moi, être barista, je serais ben content », dit celui qui ferait un analyste de haute voltige à la télé ou à la radio.

Il commence à réfléchir sérieusement à ce qu’il fera avec sa bourse du 25 novembre. « Je vais acheter des bitcoins, c’est ce que je dis aux gens pour qu’ils arrêtent de me parler d’argent. Tout le monde me parle d’argent. Moi, ça me gosse de parler d’argent. »

Quand des gens de la PFL sont venus dans son cinq et demie de Ville-Émard pour un tournage, ils n’ont pu s’empêcher de remarquer : « J’imagine que tu vas changer d’appart si tu gagnes ? »

« Moi, je l’aime mon appart à 1000 $ par mois. Je pensais le garder », dit-il. Sauf qu’il aimerait bien une cour pour s’installer un baril à glace afin de prendre des bains froids, et, pourquoi pas, un petit spa.

Il commence donc à rêver d’acheter un appartement doté d’une petite cour, avec une chambre pour sa fille de 11 ans.

Peut-être plus qu’un appartement, et certainement plus qu’une carte Pokémon, cette victoire apporte à Aubin-Mercier un sentiment qu’il n’avait pas connu depuis longtemps.

« L’affaire la plus nice, c’est que présentement, je ne suis plus stressé. Les derniers combats, je les terminais et, tout de suite, je pensais au prochain. Là, je suis vraiment en vacances », dit le combattant.

« Cette bourse-là, ça m’achète la paix d’esprit. »