Elle a reçu le prix Pat-Tillman pour son engagement communautaire aux ESPY en juin. Il y a une dizaine de jours, le Time en a fait l’une de ses 10 personnalités « Next Generation Leaders » 2020. Ne soyons pas surpris si elle cofonde bientôt un nouveau parti politique avec Laurent Duvernay-Tardif.

« Ça fonctionnerait. Je pense qu’on aurait beaucoup de votes ! », répond Kim Clavel, en riant.

Trêve de facéties. La boxeuse et infirmière auxiliaire n’a pas de projet politique en tête. Elle en a d’autres, par contre.

À court terme, c’est simple : devenir championne du monde, elle qui détient présentement la ceinture NABF des mi-mouches, en vertu d’une fiche de 12-0, 2 K.-O.

Clavel espère donc que la boxe lui fera vivre d’autres grands moments au cours des trois ou quatre prochaines années, ce qu’il lui reste à y consacrer, estime-t-elle. Mais ce que ce sport lui a apporté depuis ses débuts il y a 15 ans – elle en a 30 – dépasse déjà nettement ses attentes.

« Quand j’ai commencé à boxer, je ne savais même pas que le magazine Time existait ! Je ne pensais peut-être même pas boxer professionnel. Surtout qu’à ce moment-là, on n’avait pas beaucoup d’exemples en boxe féminine. C’est sûr que j’espérais de grandes choses parce que j’aimais performer, j’aimais gagner, j’aimais m’entraîner. Mais je ne savais pas quelles portes ça allait m’ouvrir. Et jamais aussi grandes que celles de 2020. »

Aujourd’hui, elle connaît le Time, mais pas encore toutes les portes qu’il lui aura possiblement ouvertes pour l’avenir. La notoriété qu’elle a acquise quasi spontanément depuis le début de la pandémie la suivra sans doute.

Le plus particulier dans ce reportage, c’est que jamais elle ne s’est doutée de son importance… jusqu’à ce qu’on la lui fasse remarquer après sa publication, le 7 octobre.

Quand ils sont venus filmer et faire l’entrevue, je croyais que c’était seulement pour raconter mon histoire. J’ai appris que j’étais dans les 10 la journée que c’est sorti.

Kim Clavel

Dans les 10 quoi, au fait ? Dans les 10 personnalités répertoriées par le prestigieux magazine, de partout dans le monde et de tous les horizons, pour faire partie de sa liste des « leaders de la prochaine génération ».

Naina Bajekal, qui a supervisé le projet au Time, les décrit comme suit : « En cette année marquée par les crises, ces individus utilisent leurs voix et leurs plateformes pour construire des mouvements, briser des barrières et forcer le changement. »

Le journaliste Sean Gregory aborde sa carrière de boxeuse, tout en soulignant son travail auprès des malades lors de la première vague de la pandémie qui nous paralyse à nouveau.

« Si on recule il y a 15 ans, je n’ai pas de souvenir d’avoir vu une fille avec des gants de boxe sur un magazine. Il y avait des films comme One Million Dollar Baby et je savais que la fille de Muhammad Ali boxait. Mais on n’en entendait pas parler beaucoup, et encore moins à Joliette dans le fond de mon rang, dans la ferme. »

Ces 15 dernières années, la boxe féminine a gagné en popularité. Et les jeunes filles qui seraient tentées par ce sport ont de plus en plus de modèles à suivre.

Coach et pionnière

Quand Kim Clavel a commencé à boxer il y a 15 ans, il y en avait une, boxeuse québécoise, qui allait tracer la voie pour les suivantes. Danielle Bouchard était alors à mi-chemin de sa carrière professionnelle qui s’est échelonnée sur six ans. Elle a été la première Québécoise à boxer pour un titre mondial, combat qu’elle a perdu et qui aura été son dernier en carrière. Elle entraîne maintenant Clavel depuis une dizaine d’années.

Et comment est-ce, entraîner Kim ?

« C’est facile et exigeant en même temps, résume Bouchard, qui est également enseignante en quatrième année. Facile parce que c’est une athlète qui n’a pas besoin d’être poussée, elle est déterminée, elle veut s’entraîner, elle donne toujours son 200 %. Chaque fois qu’elle se présente au gymnase, elle veut devenir une meilleure boxeuse. » 

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Kim Clavel en compagnie de son entraîneuse Danielle Bouchard

« Je dois être à la hauteur comme entraîneuse, c’est-à-dire l’amener à un autre niveau, explique l’ancienne boxeuse. Et ça, c’est un bon défi parce qu’on doit trouver quels sont les points forts, quelles sont les faiblesses, qu’est-ce qu’on doit travailler dans le gym, et aussi trouver les moyens qui vont appuyer ce qu’on veut travailler. On peut dire, par exemple, qu’on veut améliorer la force, la qualité de coup de poing. C’est un objectif, mais comment on va arriver concrètement à le faire ? »

C’est un vrai travail d’équipe, ajoute-t-elle toutefois, parce que Clavel regarde beaucoup de boxe, elle a des idées, elle apporte de l’eau au moulin.

C’est sans doute un processus dans lequel elles sont investies en ce moment, puisqu’elles sauront d’ici une semaine environ si la boxeuse québécoise se battra de nouveau avant la fin de l’année.

Advenant une réponse négative, l’infirmière auxiliaire compte reprendre du service alors que sévit la deuxième vague de COVID-19, bien que sa première expérience l’ait passablement atteinte.

« C’était vraiment éprouvant. C’est trois mois de ma vie que je n’oublierai jamais. C’était difficile mentalement et physiquement. Voir la souffrance tous les jours, ce n’est pas naturel pour un être humain. Surtout que quand tu es infirmière, tu veux soigner les gens, tu veux améliorer leur état, tu veux les rendre en meilleure condition et j’avais l’impression… pas qu’on échouait, mais de jour en jour, on perdait des gens. Et c’est sûr que ça m’a affectée au plus haut point », relate-t-elle.

Le monde de la santé… ou autre chose

On a lu à quelques reprises que Kim Clavel comptait, une fois les gants accrochés, retourner sur les bancs d’école pour approfondir ses connaissances et devenir infirmière. C’est une possibilité. Mais pas une certitude.

« Peut-être que je changerai complètement de métier, peut-être que je partirai un an en voyage, je n’ai aucune idée de ce qui va arriver après ma carrière de boxe. Je vis tellement le moment présent que j’ai de la misère à me voir plus loin », affirme-t-elle.

Cela dit, quelle que soit sa décision quand l’heure sonnera, ce métier qu’elle pratique depuis une dizaine d’années aura occupé une place centrale dans son parcours.

« C’est un métier qui m’avait toujours intéressée parce que ma mère était préposée aux bénéficiaires, elle travaillait avec des personnes âgées atteintes d’alzheimer quand j’étais toute petite. Et déjà, j’aidais les autres, c’était important pour moi. »

Sans doute cette approche rend-elle d’autant plus incompréhensible et inacceptable à ses yeux le traitement réservé à Joyce Echaquan, morte à l’hôpital de Joliette sous les insultes de membres du personnel soignant. Kim Clavel l’avait connue alors qu’elle travaillait au module parents-enfants, à Joliette. Mme Echaquan était mère de sept enfants.

« J’étais attristée de voir que des gens peuvent tenir des propos aussi aberrants, aussi dégoûtants, aussi méchants. C’était dégradant. Je n’en reviens pas que quelqu’un qui est là pour promouvoir la santé, pour aider les autres, pour faire du bien, pour soigner, puisse penser et dire des choses comme ça, directement à la patiente surtout », déplore Clavel.

Une triste histoire qui, espère-t-elle, aura à tout le moins permis « un pas dans la bonne direction ».