Le Canada affronte dimanche la Finlande, équipe minée par les blessures, mais portée par un capitaine légendaire. Pour Teemu Selanne, les Jeux de Sotchi représentent un dernier tour de piste. Il veut savourer chaque seconde. Parce que, comme il aime le répéter, la fin vient toujours trop vite.

À bien des égards, Teemu Selanne n'a pas changé. Il a gardé l'instinct du buteur. Ses cheveux ne connaissent pas le gris. Ses yeux verts sont encore les meilleurs pour déceler la petite faille dans l'armure du gardien. Celle par laquelle il a fait passer 675 rondelles jusque dans le fond du filet.

Mais le Finlandais de 43 ans n'a plus la vitesse d'antan, n'a plus le même coup de patin, les mêmes réflexes. Le joueur le plus âgé de la LNH voit toujours aussi bien la faille. Mais ses rondelles finissent moins souvent au fond du filet.

«Plus je vieillis, plus je me rends compte que le temps passe vite», lance Selanne, qui s'est entraîné vendredi avec les siens avant le match contre la Norvège, remporté 6-1 en soirée et lors duquel il a marqué un but.

À un moment sur la glace, Selanne s'est arrêté pour discuter avec un partenaire de trio. Mikael Granlund est né en février 1992. Ce mois-là, Teemu Selanne participait à son premier tournoi olympique. Les Jeux d'Albertville ont été les premiers de ses six JO. Ceux de Sotchi sont ses derniers.

Après plus de 20 ans dans la Ligue nationale, Selanne a décidé de raccrocher les patins à la fin de la saison.

«Je peux dire que ç'a été toute une aventure! Je n'aurais jamais cru me rendre aussi loin, participer à six Jeux comme ça, lance le Finlandais avec un léger trémolo dans la voix. L'aventure se termine à Sotchi et je n'ai aucun regret.»

Sans Saku

Selanne a connu tout un parcours olympique. Il a remporté deux médailles de bronze et une d'argent. Mais ses chances de répéter l'exploit à Sotchi sont minces. L'équipe finlandaise est minée par les blessures.

Saku Koivu, son inséparable compagnon de trio, n'a pas fait le voyage en Russie, victime d'une commotion. Mikko Koivu non plus, pas plus que Valtteri Filppula, blessés.

Un podium à ces Jeux serait toute une histoire en Finlande. Mais la retraite de Selanne en est déjà une dans ce pays où il a acquis le statut de légende. L'année dernière, un documentaire sur sa vie a fracassé des records au box-office finlandais.

Joonas Partanen, journaliste au tabloïd finlandais Iltalehti, se souvient des débuts de Selanne dans la Ligue nationale de hockey. La LNH connaissait peu Selanne. Mais son mythe est né dès sa première saison, où il a amassé 76 buts et 136 points, un record pour une recrue. La marque tient toujours aujourd'hui.

«Je me rappelle, j'avais 7 ans quand Selanne est arrivé dans la Ligue nationale, raconte le journaliste. Chaque soir aux nouvelles, on le voyait compter des buts parce que, dans ce temps-là, il comptait chaque soir. À l'école, tout d'un coup, tous les petits garçons se sont mis à porter un chandail des Jets de Winnipeg!»

Le départ de Selanne coïncide avec le déclin du hockey finlandais, selon Joonas Partanen. «Je pense qu'on ne connaîtra plus jamais une équipe avec autant de qualité que ce qu'on a connu dans les dernières années», dit-il.

Premier marqueur olympique

Dans son pays natal, la légende de Selanne ne s'est pas bâtie que sur la glace. Là-bas, il a la réputation d'être un athlète aimable, au grand coeur. Le fait qu'il ait travaillé pendant trois ans dans une garderie à l'adolescence n'y est pas étranger. Son sourire non plus, en fait.

«Oh, Teemu...», échappe Helena Tanskanen d'un air rêveur lorsqu'on lui demande de commenter la retraite de Selane.

Helena, rencontrée cette semaine dans le parc olympique vêtue de la tête aux pieds de bleu et blanc, est à Sotchi pour encourager sa fille, membre de l'équipe féminine de hockey finlandaise.

Quand elle commence à parler de Selanne, son mari éclate de rire. «Je suis un peu jaloux, vous savez, dit Juha Tanskanen en rigolant. Je pense que, dans le coeur de ma femme, je suis le numéro deux. Teemu est le numéro un.»

Mais Selanne n'est pas numéro un que dans le coeur d'Helena, il l'est aussi au hockey. La liste de ses records est impressionnante. Aux Jeux olympiques, par exemple, il a amassé 39 points, un sommet.

Bien sûr, Selanne va tenter d'ajouter quelques buts, quelques aides à sa fiche durant ces Jeux. Mais pour lui, ces JO seront surtout l'occasion de tirer un trait sur une longue et belle carrière.

«J'essaie de faire comprendre aux jeunes de l'équipe qu'ils doivent profiter de tous les instants. Il faut apprécier tous ces moments, il faut être reconnaissant, dit-il. Être ici, c'est le rêve de plusieurs. De nombreux gars ne le réalisent pas avant qu'il soit trop tard, avant qu'ils soient trop vieux. La fin vient vite, il faut en profiter.»

C'est ainsi qu'à moins d'un revirement, Teemu Selane va porter le maillot de la Finlande pour une dernière fois à Sotchi. Une dernière fois, il va arpenter la glace vêtu de bleu et de blanc, ses yeux fixés vers le but adverse, à chercher la faille, celle que personne ne sait trouver mieux que lui.