En matinée, le pire scénario semblait se confirmer. Les informateurs parlaient d’un départ sans équivoque d’Olivier Renard du CF Montréal. Mardi à 21 h, La Presse a appris que les deux parties n’étaient pas encore prêtes à confirmer le divorce.

Aussi fragile soit-il, Olivier Renard a encore un lien professionnel avec le CFM. C’est ce qui explique pourquoi aucun membre de l’organisation ni Olivier Renard n’a pris la parole. Nos sources ne nous ont pas précisé la teneur des discussions en cours.

Même Laurent Courtois, le seul membre du club mis à la disposition des journalistes depuis la semaine dernière, à l’exception des joueurs, est resté évasif sur la question lorsqu’interrogé à ce sujet mardi après le match de son équipe contre le Forge, en Championnat canadien.

« Moi, rien ne m’a été communiqué officiellement », a-t-il dit. Nous l’avions aussi interrogé sur les rumeurs touchant Mathieu Choinière, vendredi dernier, faute d’un plus haut placé à qui poser nos questions.

PHOTO PETER MCCABE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

L’entraîneur-chef du CF Montréal, Laurent Courtois

« Comme je l’ai dit dernièrement dans le cas de Mathieu, tant que rien ne m’a été dit d’un côté ou de l’autre… Ça a été un long week-end. Chaque jour, il y a des petits trucs. Je préférerais parler du match pour aujourd’hui. »

En fin de journée, Courtois a envoyé un message cryptique sur X. « Ensemble », écrit-il, avec une photo de son groupe de joueurs dans le vestiaire.

Bryce Duke, auteur d’un but dans ce match nul de 1-1, s’est amené au podium après son coach. La nouvelle a-t-elle eu un impact sur votre préparation pour votre affrontement contre le Forge ?

« Prochaine question. »

Le malaise, on le sent.

Le cas Choinière, la dernière goutte

Le journaliste Tony Marinaro a le premier annoncé le départ du chef de la direction sportive et vice-président du CFM, sur X. RDS l’a confirmée par la suite, tout comme l’informateur de The Athletic, Tom Bogert. Ce dernier indique qu’il y avait des frictions depuis un certain temps avec le propriétaire Joey Saputo.

Selon nos informations, le dossier Mathieu Choinière a, plus récemment, mis le feu aux poudres. Le directeur sportif et vice-président du CFM était tout à fait d’accord avec l’idée de payer le milieu de terrain québécois à sa juste valeur, soit d’honorer ses demandes d’environ 600 000 $. Il y avait de la place sur la masse salariale, et Renard n’y voyait aucun problème.

Mais la directive de ne pas y acquiescer, ou du moins de lui offrir 350 000 $, bien en deçà de ses attentes, est venue d’en haut. Ces chiffres nous proviennent de Christine Roger, de Radio-Canada.

Peut-être la directive est-elle venue de Gabriel Gervais ? Ce n’est pas impossible, mais ce serait surprenant. Le président du CFM a toujours vanté les vertus d’une formation partante locale.

« Ces joueurs restent notre base, disait Gervais en entrevue avec La Presse, en novembre 2023. Des joueurs comme Mathieu Choinière et Jonathan Sirois ont dit qu’ils sont heureux ici. Ils veulent continuer de jouer en MLS. […] Tu peux avoir une belle carrière avec le CF Montréal. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le président du CF Montréal, Gabriel Gervais

Sachant cela, qui y a-t-il en haut de Gabriel Gervais, sinon ?

Le conseil d’administration, présidé par Joey Saputo.

Ainsi, si la direction sportive n’a pas la prérogative d’utiliser à sa guise l’enveloppe budgétaire qui lui est fournie, quel levier lui reste-t-il pour opérer à sa manière ?

Comme Gervais, Renard aussi a toujours dit vouloir faire confiance aux joueurs québécois et canadiens. Et il a agi en ce sens : le 28 août 2023 contre la Nouvelle-Angleterre, l’équipe a mis six joueurs d’ici dans sa formation partante. Sans compter que Choinière et Sirois ont été élus joueur le plus utile et meilleur joueur défensif, respectivement, au terme de la dernière campagne.

« Des parents me disent que même si je ne suis pas une personne du Québec, je fais attention aux joueurs du Québec, racontait Renard au bilan de 2023. Alors que des gens, avant moi, qui étaient québécois, ne faisaient pas attention. Ça fait certainement plaisir de faire et d’entendre ça. »

Son bilan n’est pas parfait, cela dit. Des joueurs de la province, comme Sean Rea qui est arrivé avec une belle promesse, n’ont jamais réussi à se tailler un poste. Keesean Ferdinand n’a pas vraiment obtenu la chance de se faire valoir avant d’être libéré. Il ne s’est pas fait que des amis dans le soccer québécois. Mais force est d’admettre que le contingent québécois a plus que jamais été considéré sous le DS belge.

Advenant le départ de Renard, Mathieu Choinière perdrait ainsi le directeur sportif qui le défendait devant ses patrons. Sa demande d’échange sera-t-elle finalement concrétisée ? On peut tout à fait le penser.

Catastrophique

Le directeur sportif quitterait donc le navire du club après une association de quatre ans et demi. À l’été 2022, on avait annoncé une prolongation de contrat pour une durée indéterminée.

« L’entente avec Olivier traduit une volonté commune de poursuivre la collaboration amorcée en 2019 et le positionne dorénavant au cœur de la structure corporative que nous mettons en place, disait alors Joey Saputo, dans le communiqué. J’ai toujours été convaincu qu’il devait rester avec nous et, plus particulièrement, comme salarié et cadre de l’organisation. Depuis son arrivée, Olivier a largement contribué à faire évoluer l’équipe. »

PHOTO JENNIFER LORENZINI, ARCHIVES REUTERS

Le propriétaire du CF Montréal, Joey Saputo

La nouvelle de son départ, aujourd’hui, a le potentiel d’être catastrophique. Sous Olivier Renard, enfin, le CF Montréal a trouvé un certain équilibre dans son dossier sportif. Un plan était en place. On le suivait avec soin et rigueur.

Pour la première fois de son histoire, le Bleu-blanc-noir a vendu des joueurs à gros profit, comme Djordje Mihailovic, Alistair Johnston et Ismaël Koné. Le CFM s’est affiché comme un club pouvant devenir un tremplin pour de jeunes joueurs, d’ici et d’ailleurs, rêvant à l’Europe.

En exécutant des transactions rusées, Renard et son adjoint Vassili Cremanzidis ont réussi à économiser et à améliorer l’équipe du même coup. L’échange d’Aaron Herrera au cours du dernier entre-saison, qui a permis d’aller chercher Raheem Edwards et Ruan pour la même somme, est le meilleur exemple à ce chapitre. Il n’a pas eu que des bons coups – on n’a qu’à penser au fiasco Bjørn Johnsen – mais il y avait, au moins, un fil conducteur dans son travail.

Peut-être que Vassili Cremanzidis, un as dans la gestion des salaires et des règles compliquées de la MLS, prendra le relais. Peut-être cherchera-t-il lui aussi à trouver un employeur qui le laissera travailler à sa guise.

L’effondrement de la direction sportive du CF Montréal n’augure rien de bon. Et pourtant, tout allait si bien en 2024.

Avec Alexandre Pratt, La Presse