Non, le CF Montréal n’a pas contacté Philippe Eullaffroy pour un poste au sein du personnel d’entraîneurs de l’équipe sénior. Est-ce qu’il aurait le profil, cela dit ? « Oui, je le pense », lance l’ancien directeur de l’académie du club.

« C’est un championnat que je connais très bien, c’est un club, une ville que je connais très bien, explique Eullaffroy en entrevue avec La Presse. Je connais tous les jeunes joueurs issus de l’Académie très, très bien. Est-ce que c’est un poste qui pourrait m’intéresser ? Bien sûr. Mais ils ne m’ont pas contacté, et je ne pense pas qu’ils le feront de toute façon. »

Philippe Eullaffroy travaillait depuis 10 ans chez l’Impact lorsqu’il a été licencié, en avril 2020.

« Ça a été une énorme surprise quand c’est arrivé, se rappelle celui qui œuvre maintenant chez le Dakar Sacré-Cœur, au Sénégal. C’était le tout début de la pandémie. Le club était en difficulté financière. Il n’y a pas grand-chose que je peux faire contre ça. »

Mais Eullaffroy n’a pas d’« amertume » envers le CFM, assure-t-il. Même lorsque la pandémie a mis un frein aux activités sportives, ses équipes de jeunes de l’Impact étaient « premières de leurs championnats » respectifs, avance-t-il. D’où la « surprise ».

« Mais dans le domaine pro, ce sont des choses qui peuvent arriver. Tu fais contre mauvaise fortune bon cœur, et tu sais que tu as choisi ce métier avec ces inconvénients-là. »

De l’importance d’une « pyramide de développement »

Philippe Eullaffroy dit être encore en bons termes avec « Gab Gervais », président du CFM, et le directeur sportif Olivier Renard, « même si ce ne sont pas des gens [qu’il a] au téléphone très souvent ».

Ça ne l’empêche pas d’avoir son opinion quant à la gestion des jeunes espoirs de l’équipe « de [s]a ville » et, surtout, de l’absence d’une équipe en MLS Next Pro.

Ce circuit, c’est essentiellement la troisième division américaine. À partir de l’année prochaine, toutes les équipes de la MLS auront une équipe réserve dans cette ligue. Toutes, sauf le CF Montréal.

Le plan du CFM est actuellement de faire jouer son équipe U23 en Ligue1 Québec – anciennement la Première Ligue de soccer du Québec (PLSQ) –, un circuit semi-professionnel. Il envoie aussi ses plus beaux espoirs en prêt soit en Première Ligue canadienne (PLC), soit en USL, la deuxième division.

« Je trouve que c’est toujours compliqué dans un club de faire du développement sans une équipe réserve, sans une équipe qui fait la transition avec l’équipe première, tout en restant dans un environnement de formation de ces joueurs-là. »

« On peut toujours dire que les heureux élus peuvent aller en PLC pour avoir du temps de jeu, ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose. […] Mais ils sortent de la vue du club, on n’a plus aucun contrôle sur leur temps de jeu, leur façon de faire. Ce n’est pas le rôle des clubs de PLC d’optimiser le temps de jeu des jeunes joueurs du CF Montréal. »

Eullaffroy déplore ainsi la « perte » d’un « outil très important » dans la dernière étape de développement des joueurs. Il parle d’un besoin de « cohérence » dans la « pyramide de développement du club ».

Une équipe réserve, c’est aussi un ruissellement, et ça amène une cohésion dans le reste de la pyramide. Les jeunes, s’ils passaient des U17 à la PLSQ et ensuite en MLS Next Pro, il y aurait une vraie gradation, une vraie progression, et ça maintiendrait une grosse motivation ainsi qu’un effet d’attractivité au club.

Philippe Eullaffroy

Il donne l’exemple probant de Mohamed Farsi, tout récemment champion avec le Crew de Columbus. Le Québécois était en PLC lorsqu’il a décidé de se joindre au Crew II, en MLS Next Pro, en 2022. À partir de là, son ascension a été directe, il a été rappelé par le grand club cette année-là, et a été titulaire en finale de la Coupe MLS en 2023.

« En MLS Next Pro, il y a une grosse proximité avec l’équipe première. Ce qui permet au staff de l’équipe première, au directeur sportif, de garder un œil sur ces joueurs-là qui se développent, et de faire appel à eux n’importe quand. »

Le « vivier » québécois

Pour Philippe Eullaffroy, la forte présence d’artisans du soccer québécois en finale de la MLS, c’est « un phénomène incroyable ».

Du côté du Crew, il y avait Wilfried Nancy, qui a fait ses classes dans le soccer québécois depuis 2005. Il y avait son personnel, Yoann Damet, Maxime Chalier, Jules Gueguen ainsi que Kwame Ampadu, tous des anciens du CF Montréal. Il y avait Farsi sur le terrain, devant le gardien Maxime Crépeau, du LAFC. Et Marc Dos Santos, l’adjoint à l’entraîneur-chef des Angelins.

« Je ne suis même pas sûr qu’au hockey, on aurait une finale de la Coupe Stanley avec autant de personnes du Québec impliquées. C’est assez phénoménal et unique, et ça représente bien le vivier qu’on peut avoir chez nous. »

Lisez « Philippe Eullaffroy et la teranga sénégalaise »