Il y a un mois à peine, Gabrielle Carle disait que si elle avait été sélectionnée pour la Coupe du monde, ç’aurait été un peu comme « la cerise sur le gâteau ». Mais, entre-temps, elle a reçu un appel la conviant au Mondial et sa vision des choses a changé. Maintenant, la compétition sera plutôt comme le gâteau en entier.

« Là, ce n’est plus nécessairement la cerise sur le gâteau, puisque c’est la réalité. Et puisque c’est la réalité, il y a un travail à faire. Ça devient pas mal plus le gâteau que la cerise », a illustré la Québécoise quelques jours avant la Coupe du monde.

La défenseure latérale de 24 ans ne s’attendait pas à prendre part à sa deuxième Coupe du monde. En fait, elle n’a pas été choisie pour le camp de sélection de l’équipe canadienne, tenu en juin, en vue de la compétition dont l’envergure ne peut être égalée. Les 22 autres joueuses qui seront de l’aventure ont participé audit camp.

Ne pas figurer sur la liste de joueuses convoquées au camp est synonyme de coupe. Une non-sélection qui a été « dure » à prendre au départ pour Carle. Cela a cependant fait son bout de chemin et, ultimement, elle était « en paix avec la décision ».

Mais une fois le deuil terminé, la vie l’a surprise.

Un coup de fil qui a tout changé

Lors des derniers jours du camp, la polyvalente défenseure Jade Rose est tombée au combat. Le verdict : indisponible pour le Mondial. À ce moment, l’entraîneuse-chef de l’équipe canadienne, Bev Priestman, a décidé d’appeler en renfort une jeune joueuse avec un grand bagage. La joueuse en question était la native de Lévis.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Bev Priestman

Le processus s’est enclenché « très rapidement », selon les dires de Carle.

« Je ne savais pas que Jade Rose s’était blessée quand j’ai reçu un message texte me disant que Bev voulait m’appeler à 11 h du soir. Puis à ce moment-là, je n’avais aucune idée de ce qui se passait, donc je n’ai pas eu le temps de penser aux scénarios possibles. Je me suis fait appeler et j’ai appris la nouvelle. Ç’a été direct et je n’ai pas eu le temps de réfléchir à la situation », raconte Carle, fort souriante, par visioconférence.

Et cette « grosse onde de choc » a bouleversé la soirée de la Canadienne. Plutôt que de partir vers San Diego pour y affronter le Wave, Carle n’allait pas suivre ses coéquipières du Spirit de Washington et allait prendre la direction de l’Australie.

« Au départ, je me demande comment ça va marcher, tout ça. Parce que là, j’ai trois jours pour tout préparer. Je dois refaire ma valise en entier. Je dois annuler des rendez-vous… Moi, j’avais des vols prévus pour le Québec pour voir ma famille et mes amis. Donc il y avait tout ça qui me jouait dans la tête. Je dirais qu’initialement, j’étais assez stressée », lance-t-elle en riant.

« Mais c’est sûr que j’étais incroyablement reconnaissante », a tenu à ajouter celle qui figure dans le programme de l’équipe nationale depuis l’âge de 17 ans.

Jouer pour le badge ou le numéro

Malgré son jeune âge, ce n’est pas l’expérience qui manque pour la latérale. Elle a pris part à la Coupe du monde en France en 2019, puis aux Jeux olympiques en 2021. Après le triomphe de l’Unifolié aux Jeux, elle sait exactement de quoi l’équipe a besoin pour être sacrée championne à nouveau.

« Je vais prioriser l’équipe, fait-elle remarquer. Dans des tournois de la sorte, l’individu est moins important que le collectif, c’est sûr. Moi, j’arrive ici sans attentes, car je devais être avec ma famille et mes amis ! »

Mon but, c’est d’être présente pour l’équipe et de remplir n’importe quel rôle, que ce soit petit ou grand, au meilleur de mes capacités.

Gabrielle Carle

C’est la bonne mentalité sur la scène internationale. Surtout lors des prochaines semaines, alors que Carle devrait être appelée à venir épauler Allysha Chapman et Jayde Riviere.

Néanmoins, il ne faut pas toujours prôner l’abnégation, surtout en club. Il faut également jouer pour le nom derrière le maillot. Après une première saison professionnelle bien réussie en Suède avec le Kristianstads DFF, la Canadienne a fait le saut dans l’un des championnats les plus réputés mondialement, celui des États-Unis, soit la NWSL.

« Quand j’ai décidé d’aller aux États-Unis, c’était dans le but de chercher un calibre de jeu similaire aux matchs internationaux. D’aller jouer contre des attaquantes qui font partie de leur équipe nationale et offrent un gros challenge. D’être en NWSL et de jouer chaque match, ça m’offre énormément d’expérience et ça me fait progresser assez rapidement. »

Le résultat a été fort concluant et ses bonnes performances ont été récompensées. Quelques jours après sa coupe de l’équipe canadienne, le Spirit lui a accordé une prolongation de contrat de trois saisons, accompagnée d’une année d’option en 2026.

Ce petit coup de pouce pour le moral, combiné avec l’appel en Coupe du monde qui a suivi, fera en sorte que même si les prochaines semaines ne seront pas du gâteau, elle en retirera du plaisir.

Pas venue pour jouer les touristes

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Gabrielle Carle

Même si elle est bien au courant qu’elle fera le plein de souvenirs impérissables dans les prochaines semaines, Gabrielle Carle fait bien savoir qu’elle ne compte pas se laisser ensorceler par la majestuosité de l’Océanie et du Mondial. « C’est sûr qu’il y a toujours une partie de moi qui va penser comme ça, que c’est incroyable et un rêve devenu réalité, mais c’est la partie de moi que je dois garder sous silence pendant ce genre de tournoi, philosophe-t-elle. C’est une partie qui est trop fangirl et ce n’est pas exactement ce que tu veux quand tu te pointes sur le terrain pour jouer un match de Coupe du monde. Cette partie de moi, je l’ai, je vais toujours l’avoir, mais je la ressors plus en rétrospective après les tournois pour me dire que c’est vraiment arrivé et que c’est fou ce que tu vis. Mais pendant : non. »