Plantons le décor : il est 18 h 40 dans la salle de conférence du stade Saputo, samedi dernier, une heure avant le coup d’envoi du match du CF Montréal contre Orlando City.

À ce moment, le buffet réservé aux membres des médias se trouve le long du mur, et le parterre est composé de tables où sont rassemblés les journalistes faisant le plein de carburant avant la soirée qui s’amorce.

L’alignement de départ du CF Montréal vient d’être dévoilé. Le mot se passe rapidement : en l’absence des quatre premiers artilleurs dans la hiérarchie, tous blessés, Mason Toye est titulaire. La discussion, entre deux bouchées de polpettes ou de biscuits aux pépites de chocolat, tourne derechef autour des chances du Bleu-blanc-noir de s’en sortir avec un Toye que l’on a tous vu en manque de confiance flagrant au cours des derniers mois, voire des dernières années.

Avance rapide à trois heures plus tard. Dans la même salle de conférence, le buffet et les tables ont disparu, mais les chaises sont maintenant toutes tournées vers le podium. Qui d’autre que Mason Toye y est assis. Il a marqué le premier but des siens, une belle frappe à la 16minute pour laquelle il a fait un excellent travail de drible et de finition. Le CFM est allé chercher un match nul de 2-2.

Non seulement l’Américain a l’air soulagé, mais surtout, il se dit « reconnaissant » d’avoir eu la confiance de ses entraîneurs malgré ses déboires. Ce n’était quand même que son sixième but en 39 apparitions depuis 2022.

« Ils m’ont juste dit d’aller sur le terrain et de jouer à ma façon, raconte-t-il, candide. Les gars me connaissent très bien. Mon profil est différent de celui de Matías [Cóccaro] ou de Josef [Martínez]. On est un groupe fluide. On est interchangeables sans qu’il y ait de contretemps [with no hiccup]. »

Cette affirmation est discutable, et nous y reviendrons. Cédons encore un peu la parole à ce joueur qui a toujours « travaillé fort » lors des séances d’entraînement. Parce que selon lui, c’est de là que « tout commence ».

« Notre entraîneur cette année met vraiment l’accent sur l’entraînement, dit Toye. Il regarde tout. Même les petits détails de l’échauffement et les exercices de petites passes. Ce sont des choses que plusieurs joueurs, quand ils arrivent au niveau professionnel, laissent aller un petit peu. J’ai essayé d’adopter le sérieux avec lequel ils prennent l’entraînement du début à la fin. Et mes coéquipiers aussi. »

La présence de Martínez au sein de la formation y est aussi pour quelque chose, croit l’attaquant de 25 ans.

« Je me rappelle à ma première saison, en 2018. Nos entraîneurs nous montraient des faits saillants de Josef. Je les regardais en observant ses mouvements. Il est un des meilleurs attaquants de l’histoire de la ligue. On le voit à l’entraînement : il est next level. Je tente de m’en inspirer en ajoutant des éléments de son jeu au mien. »

« Boost de confiance »

Samuel Piette, qui s’est fait passeur décisif sur la réussite de son coéquipier en envoyant un beau lob en sa direction, a été ravi de voir Toye saisir sa chance.

« De l’extérieur, tout le monde le voyait très, très bas dans la hiérarchie des attaquants, a soumis le capitaine du CFM. Mais pour lui de jouer, de marquer, de créer des trucs, de déranger les défenseurs, d’aller chercher des fautes, des cartons, de garder des ballons, de nous faire respirer un peu, c’est un bon boost de confiance. »

PHOTO DAVID KIROUAC, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Samuel Piette (en bleu)

Piette est mieux placé que nous pour quantifier les qualités de son attaquant. De nos yeux sur la galerie de presse, on estime que Cóccaro et Martínez lui sont tout de même supérieurs à tous ces chapitres, chacun à leur façon. Pour l’instant du moins, le style de Toye, moins impliqué dans la création de jeu et pas toujours en réussite balle au pied, ne permet pas le même déploiement offensif.

Mais ce « boost de confiance » lui sera évidemment bénéfique. Et pas que pour le joueur, croit le Québécois.

« Pour le staff, de dire : hé, mon nom n’est pas Martínez ou Cóccaro, mais vous pouvez compter sur moi, [c’est important] », dit-il.

« On a besoin de tout le monde »

Piette salue aussi le travail de Sunusi Ibrahim : le Nigérian a pris le tir qui est devenu le retour permettant à Ariel Lassiter d’enfiler le but du 2-1 que l’on a pensé victorieux pendant quatre minutes, à la 88e.

« Je suis super content pour ces gars-là. Ça démontre à quel point on a besoin de tout le monde. […] Notre équipe, c’est une histoire d’un groupe de 25, 30 joueurs, et pas seulement trois ou quatre. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Sunusi Ibrahim (en bleu)

La profondeur de l’équipe ayant été le sujet de choix pendant la semaine précédant le match. Mason Toye, s’il peut confirmer, en sera le reflet net.

« C’est vraiment fou, lance le natif du New Jersey. Je suis avec l’équipe depuis près de cinq saisons maintenant. J’ai vu [l’effectif] se développer, des gars entrer dans le vestiaire et le quitter. Tous les ans, on dirait que notre groupe est devenu de plus en plus proche. »

« Tout le monde est cool avec tout le monde, et ça se traduit sur le terrain. Individuellement, c’est certain que des gars sont frustrés de ne pas jouer, mais ils ne sont pas fâchés contre le gars qui joue. La camaraderie de l’équipe est bonne. On est tous là pour essayer d’atteindre un but commun, soit de gagner des matchs et d’avoir une très belle saison. »

Martínez et Cóccaro pourraient manquer à l’appel pendant un bon bout de temps. Le CF Montréal aura bien besoin que Mason Toye se présente au podium de la sorte – généralement le synonyme d’une bonne performance – de plus en plus souvent.