Toute bonne trilogie sait comment nous tenir en haleine. D’abord, lors du premier tome, on installe l’intrigue et présente les acteurs. Ensuite, le héros progresse dans sa quête, se rapproche de ses objectifs et la table est mise pour l’ultime chapitre. Voici où en est rendu le récit de Marie Levasseur : au point culminant.

Plus tôt en juin, la native de Stoneham a signé un pacte de trois ans avec Montpellier en première division française. Il s’agira de son troisième club dans le pays qui nous a offert le cinéma et elle sait pertinemment qu’il s’agira du moment charnière de sa carrière.

« Je pense que ça va être un chapitre déterminant. Je viens tout juste d’avoir 26 ans, mais quand je vais terminer ce contrat, j’en aurai 29. Je le vois comme un chapitre déterminant sur mes chances d’intégrer l’équipe nationale », laisse tomber la Québécoise armée de confiance, d’un sourire et d’un chai latte double espresso.

Rencontrée sur la terrasse du café Les Allumées dans le Vieux Sainte-Thérèse, où le soleil matinal rencontrait les étudiants, les travailleurs, les retraités et leurs ordinateurs, la Québécoise profitait aussi d’une pause salutaire. Elle retournera en France pour le 10 juillet, date du début du camp d’entraînement pour la saison 2023-2024.

Je pense que je n’aurai pas le choix de faire de grosses saisons [à Montpellier] pour déterminer le reste de ma carrière. Par contre, après, il ne faut pas que je me mette de la pression comme ça. Je pense que j’ai montré mes marques à Fleury (en D1 française), mais c’est le temps de m’amuser encore plus et d’être encore plus impliquée.

Marie Levasseur

Son arrivée à Montpellier vient cristalliser sa montée en puissance lors des dernières années depuis son passage chez les professionnelles. D’abord attaquante, Levasseur domine le circuit finlandais avec 12 buts et 6 passes décisives en 24 rencontres. Elle prend ensuite la direction de Metz, en France, où elle joue un peu en première division, mais surtout en deuxième.

Or, une relégation et une saison perdue en raison de la COVID-19 la poussent vers un autre club de première division française, le FC Fleury 91. Un « club peu connu » avec une ambiance « familiale » qui permet à Levasseur de poursuivre sa progression pour deux années.

« Je ne savais même pas à quoi m’attendre », lance Levasseur au sujet de son arrivée dans le club situé dans en banlieue de Paris. « Je ne savais pas si j’allais jouer, moi, j’allais me battre pour ma place. Finalement, j’ai fait ma place dès la première saison et j’ai vraiment aimé mon expérience là-bas. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Marie Levasseur, 26 ans, vient de signer un contrat de trois ans avec Montpellier.

Si la fin a été « un peu plus complexe » avec les entraîneurs, c’est tout de même à Fleury que Levasseur apprend les rouages du poste de latérale gauche. Celle qui aura le surnom de « taureau » auprès de ses coéquipières joue ses premières saisons complètes à ce poste qui lui sera bénéfique pour la suite des choses.

Son contrat à peine arrivé à échéance, l’ancienne du club de soccer de la Haute-Saint-Charles a reçu pratiquement sur-le-champ une offre de Montpellier, un club plus prestigieux et reconnu comme professionnel compte tenu du succès de son volet masculin. Ce dernier s’était déjà intéressé à la Québécoise dans le passé.

Toutefois, la saison dernière, Fleury a terminé à la porte d’une qualification en Ligue des championnes en vertu de sa quatrième place, deux points devant Montpellier et à trois points d’une participation au tournoi européen. Néanmoins, Marie Levasseur assure que son nouveau pari représente un pas vers l’avant.

« Si on regarde les 10 dernières années, Montpellier est un club qui est au-dessus. Récemment, il a changé certaines choses, donc il y a une certaine période de transition, mais si on prend en général Montpellier, c’est un gros club. Plusieurs grandes joueuses sont passées ici. […] Pour moi, c’est assurément un step », confirme-t-elle.

Certes, pour la renommée du club, mais aussi pour le professionnalisme avec lequel il vient. Après avoir évolué sur un terrain synthétique à Fleury qui devrait être « illégal » en raison des « trous », selon elle, Levasseur ne pouvait cacher son enthousiasme de s’embarquer dans un club qui voit grand.

À l’instar de sa nouvelle équipe, Levasseur aussi a de grandes ambitions.

Retoucher à la gloire

La progression de la carrière de Levasseur en club est cohérente. Étape par étape, elle monte les marches. Or, en équipe nationale, c’est plutôt l’inverse. Il est difficile de comprendre le cheminement.

À 18 ans, toujours à l’université, elle reçoit non seulement un appel pour représenter l’équipe canadienne séniore, mais elle foule aussi le terrain comme latérale. À ce moment, elle ne le sait pas, mais les montagnes russes d’émotions liées à l’unifolié ne font que commencer.

Après un autre séjour à 19 ans, elle doit ensuite patienter cinq longues années avant de mouiller de nouveau le maillot écarlate. Malgré deux convocations plus récentes, elle ne figure pas parmi les joueuses sélectionnées pour le triomphe des Jeux olympiques de Tokyo ou pour la prochaine Coupe du monde qui se tiendra cet été en Australie et en Nouvelle-Zélande.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Marie Levasseur avec l’équipe canadienne féminine de soccer en 2021

« C’est sûr que je m’accroche encore parce que c’est dans mes buts de participer à la Coupe du monde ou aux Jeux olympiques, admet-elle. C’est dur de voir filer entre mes mains des Jeux olympiques et des Coupes du monde.

« Par contre, je peux uniquement contrôler mon propre sort. Si j’ai trop les yeux fixés sur ça, mon quotidien peut dérailler. Alors je me dis que si je travaille fort et que je performe bien en plus, le reste va venir avec. Ma priorité, c’est de bien faire en club. Si je fais une grosse saison, les chances d’être invitée seront plus grandes. »

La grande saison avec Montpellier sera-t-elle la finale tant attendue au récit de Marie Levasseur ? Pourra-t-elle se servir de cette saison pour décrocher un billet pour les Jeux olympiques de Paris en 2024 ? Malheureusement, la bande-annonce n’a pas tout dévoilé et on devra faire les cent pas d’ici la sortie du film.

Un dernier tour de piste à la maison ? « Pourquoi pas ? »

Depuis qu’elle a quitté le bercail pour rejoindre le centre de formation national, Marie Levasseur est loin de la maison. C’était l’unique option pour atteindre son rêve de devenir joueuse professionnelle. Toutefois, quand le soleil commencera à se coucher sur sa carrière, il devrait y avoir une possibilité pour elle de venir conclure sa tournée à la maison, devant ses partisans. Depuis une annonce en décembre 2022, l’ancienne double médaillée olympique Diana Matheson installe les premiers jalons d’une ligue professionnelle féminine de soccer qui devrait voir le jour en avril 2025. Elle avait aussi affirmé à La Presse en mars qu’il y avait « 99 % de chances » qu’au moins une équipe soit établie au Québec. Il y a fort à parier que Levasseur sera toujours en plein cœur de ses succès dans les meilleurs championnats de la planète quand la ligue fera son coup d’envoi, mais si les choses vont bien et que la ligue prend du galon, elle se voit bien boucler la boucle ici.