(Ottawa) En 2021, l’année de leur triomphe olympique, les joueuses de l’équipe de soccer du Canada ont appris que les joueurs masculins étaient payés cinq fois plus qu’elles. Et lorsque la capitaine, Christine Sinclair, en a parlé à l’ancien président de Canada Soccer, elle en est ressortie offusquée comme jamais.

« L’avenir devrait être plus radieux que jamais. Par contre, alors que la popularité, l’intérêt et la croissance du soccer féminin balaient le monde entier, notre combat le plus ardu est avec notre propre fédération, pour tenter d’obtenir un traitement juste et équitable dans la manière dont nous sommes soutenues et payées », a déclaré l’athlète devant le Comité permanent du patrimoine canadien, jeudi.

La lutte dure depuis plus d’une décennie, alors que les joueuses tentaient d’obtenir de la transparence de la part de l’organisation sur le plan financier, mais elles ont plutôt dû composer, en retour, avec « le secret et l’obstruction », s’est désolée Christine Sinclair.

À force de persister, elles ont fini par avoir des réponses.

Et ce qu’elles ont appris en 2021, l’année où l’équipe féminine a remporté l’or aux Jeux de Tokyo, leur a scié les jambes.

Imaginez notre choc lorsque nous avons découvert que les joueurs de l’équipe masculine étaient payés plus de cinq fois plus qu’une joueuse de l’équipe féminine.

Christine Sinclair

La capitaine a enchaîné, « sur une note personnelle », en racontant la fois où elle ne s’est « jamais sentie plus insultée ».

C’était l’an dernier, lors d’une rencontre avec Nick Bontis, l’ancien président de Canada Soccer.

« Il m’a écoutée, et un peu plus tard lors de la rencontre, il a fait référence à mes propos en disant, et je cite : “À quel sujet Christine chialait [bitching about] ?” Pour moi, cela en disait long sur le manque de respect de Canada Soccer à l’égard de l’équipe féminine », a raconté aux élus celle qui porte le numéro 12 sur son maillot.

Elle a ensuite passé la parole à ses trois coéquipières Janine Beckie, Quinn et Sophie Schmidt. Cette dernière a dit que l’équipe féminine semblait une « arrière-pensée » pour la fédération, se demandant quel message cela envoyait aux jeunes filles.

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

Sophie Schmidt, Janine Beckie, Christine Sinclair et Quinn

Des élus réceptifs

Les athlètes avaient autour d’elles des députés acquis à leur cause.

Ils ont tous exprimé leur indignation et leur tristesse, mais aussi et surtout leur admiration pour les succès remportés par l’équipe féminine.

Car celle-ci brille davantage que l’équipe masculine, et on y a fait allusion à quelques reprises pendant la séance.

« Nous, je pense qu’on est cinquièmes ou sixièmes [au classement de la FIFA]. Eux, ils sont dans la quarantaine ? », a lancé la capitaine Sinclair en réponse à un élu qui lui demandait une précision à cet égard.

Dans la salle de comité, où se trouvaient quelques jeunes filles, on a ri.

Et plus tard, le libéral Anthony Housefather a apporté cette précision : les femmes sont sixièmes au monde, les hommes occupent le 53rang.

Vers une révision des critères de financement

Dans le camp conservateur, Marilyn Gladu leur a demandé si la ministre des Sports, Pascale St-Onge, avait fait quelque chose pour s’assurer que l’équité salariale soit une condition de l’octroi d’un financement fédéral.

« Rien, au moment où on se parle », lui a-t-on répondu.

La ministre en question y travaille.

On va revoir les exigences qu’on met dans les ententes de contribution, notamment en ce qui a trait à la gouvernance […] et la transparence financière.

Pascale St-Onge, ministre des Sports, en entrevue avec La Presse avant la réunion

Un gel du financement comme celui imposé à Hockey Canada ne semble pas la solution préconisée par Mme St-Onge dans le cas de Canada Soccer.

« Pour le moment, on ne prévoit pas ça, parce que dans le fond, chaque fois qu’on suspend du financement, ça peut ultimement finir par pénaliser les athlètes », a-t-elle souligné.

Un nouveau projet de convention collective

Quelques heures à peine avant la comparution des quatre femmes, Canada Soccer dévoilait son projet de convention collective.

Le contrat de travail prévoit que les deux équipes recevront les mêmes indemnités de match et qu’elles se partageront à parts égales les prix des compétitions, selon la fédération.

L’équipe féminine championne olympique deviendrait la deuxième équipe nationale féminine la mieux payée parmi les 211 associations membres de la FIFA, vraisemblablement derrière l’équipe américaine.

Les représentants de Canada Soccer doivent comparaître devant le comité parlementaire le 20 mars.

Avec La Presse Canadienne

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