(Doha) Le trône s’est encore dérobé devant Neymar : présenté comme l’héritier de Pelé, Romario, Ronaldo ou Ronaldinho, la vedette brésilienne a de nouveau chuté en quarts de finale de la Coupe du monde, contre la Croatie vendredi au Qatar, voyant s’éloigner ses rêves de consécration planétaire. « Je ne garantis pas à 100 % que je reviendrai » en sélection du Brésil, a-t-il déclaré peu après.

« J’ai besoin d’analyser, de réfléchir un peu plus à ce qui est bon pour moi et pour l’équipe nationale », a ajouté l’attaquant de 30 ans, visiblement secoué par l’élimination de son équipe, lors de son passage dans la zone mixte du stade Education City de Doha, où se jouait le match.

Neymar a assuré que son éventuel départ de la Seleçao, s’il devait se concrétiser, inclurait toutes les compétitions : matchs amicaux, qualifications sud-américaines, Copa América et Coupe du monde.

Le « 10 » du Brésil avait affirmé en octobre 2021 que le Mondial au Qatar serait sa dernière Coupe du monde, car il ne savait pas s’il aurait « la force mentale de continuer à jouer au football ».

« C’est très dur. Je pense que c’est pire aujourd’hui que ce que nous avons ressenti lors de la dernière Coupe du monde (défaite 2-1 contre la Belgique en quart de finale) », a expliqué Neymar après l’élimination face à la Croatie.

« Il est difficile de trouver les mots pour décrire ce moment », a-t-il ajouté. « On s’est battu, on s’est battu, je suis fier de tous mes coéquipiers, fier de la personnalité qu’ils ont, qu’ils affrontent les tirs au but. Il n’est pas facile d’assumer cet exercice », a-t-il poursuivi.

Parmi les favoris pour le titre au Qatar, le Brésil s’est incliné aux tirs au but face à la Croatie et a vu s’envoler le rêve de remporter un sixième titre mondial.

« Ney » avait ouvert le score pour le Brésil lors de la prolongation (105+1) et rejoint Pelé en tête des meilleurs buteurs de l’histoire de la Seleçao (77 buts). Mais après avoir égalisé par Bruno Petkovic (117e), les Croates ont poussé les Brésiliens aux tirs au but.

« Seuls ceux qui tentent font des erreurs. Malheureusement, la balle n’est pas entrée », a estimé Neymar à propos de la séance de tirs au but. Prévu comme cinquième tireur, il n’a pas pu y prendre part, son équipe étant éliminée avant.

« Pour l’instant, nous devons faire le deuil de tout cela », a dit la vedette du Brésil qui a connu à nouveaux des adieux douloureux lors de sa troisième et peut-être dernière Coupe du monde, après les échecs en 2014 au Brésil (défaite 7-1 contre l’Allemagne en demi-finale) et en 2018 en Russie (défaite contre la Belgique donc).

Neymar, roi sans couronne

Né au soccer à Sao Paulo dans le club de Santos, comme l’icône Pelé, « Ney » a longtemps été désigné comme le successeur du « Roi », le joueur capable d’offrir au Brésil une sixième étoile mondiale, 20 ans après le dernier sacre auriverde en 2002.

Mais l’attaquant du Paris SG (30 ans), dribleur de génie venu du futsal et icône marketing planétaire, a de nouveau trébuché au pire moment, symbole d’une carrière hachée par les blessures et ponctuée de désillusions.

La comparaison avec Pelé, trois fois champion du monde, s’arrêtera au nombre de buts inscrits avec la sélection. En ouvrant le score en prolongation contre la Croatie, vendredi, Neymar a rejoint le « Roi » au sommet des plus prolifiques buteurs sous le maillot brésilien (77 buts). Pour le reste…

Le Mondial 2014 ? Achevé sur une blessure à une vertèbre en quarts, qui aurait pu le laisser paraplégique, avant l’humiliation subie sans lui, en demi-finale à domicile, contre l’Allemagne (7-1).

Le Mondial 2018 ? Une élimination sans gloire en quarts contre la Belgique (2-1) et des moqueries planétaires pour la propension du no 10 brésilien à se rouler par terre au moindre contact.

Et enfin, le Mondial 2022 s’est fini sur un nouvel échec, après avoir débuté du mauvais pied pour « Ney » : entorse d’une cheville dès le premier match, course contre la montre pour se soigner et élimination aux tirs au but contre la Croatie vendredi encore aux portes des demi-finales.

Arrogance

Taxé d’arrogance avant le tournoi pour avoir publié un blason du Brésil surmonté d’une hypothétique sixième étoile, celui qui est père d’un petit Davi Lucca (11 ans) aura une nouvelle fois été rattrapé par la pression.

Son image au Brésil risque d’en être durablement écornée.

Déjà, son soutien affiché au président sortant d’extrême droite Jair Bolsonaro a braqué une partie de l’opinion brésilienne, ravivant les critiques qui ne voient en « Neymar Junior » qu’un enfant gâté, joueur le plus onéreux de l’histoire (222 millions d’euros versés [319 millions CAD] par le PSG en 2017) aux promesses jamais tenues.

Le Neymar triomphant de l’époque barcelonaise (2013-2017), gazelle inarrêtable aux folles arabesques, a progressivement cédé sa place à un joueur plus dilettante au PSG, souvent blessé pour les matchs cruciaux et capable de se brouiller avec Kylian Mbappé pour tirer un penalty.  

En 2019, le soir de l’élimination contre Manchester United en Ligue des champions, il insulte les arbitres de la rencontre sur les réseaux sociaux. Deux mois plus tard, il frappe un spectateur qui le chambre après la finale perdue de Coupe de France contre Rennes.

À cette même période, une femme l’accuse de viol, mais la justice brésilienne n’entame pas de poursuites, faute de preuves suffisantes. Quant à la justice espagnole, elle tente de le poursuivre pour irrégularités présumées autour de son transfert au Barça, avant que le parquet ne retire ses accusations en octobre dernier.

L’usure des défaites

Le PSG a un temps envisagé de le laisser partir cet été, lassé par des performances en dents de scie et une hygiène de vie douteuse, avant que « Ney », obnubilé par le Mondial au Qatar, ne livre un début de saison de haut vol.

As du marketing, actif sur tous les réseaux, même Twitch où il est l’un des rares joueurs de soccer à diffuser en direct ses parties de jeux vidéo, Neymar compte 189 millions d’abonnés sur Instagram… mais son palmarès peine à suivre.

S’il compte une Ligue des champions (2015) et nombre de trophées nationaux en Espagne et en France, l’attaquant né à Mogi das Cruzes, près de Sao Paulo, n’a jamais décroché le Ballon d’Or qui lui semblait promis ni de trophée international majeur, un manque que la médaille d’or olympique (2016) ou la Coupe des confédérations (2013) ne sauraient combler.

Verra-t-on encore Neymar sous le maillot auriverde au Mondial 2026 au Canada, aux États-Unis et au Mexique ? L’intéressé lui-même en doute donc désormais lui-même, tant ce joueur calibré par son père et agent, « Neymar Pai », pour être une vedette dès son plus jeune âge, accuse l’usure des ans, des blessures. Et des défaites.