(Paris) Après le chaos aux abords du Stade de France, la controverse : la polémique a enflé dimanche autour des responsabilités de chacun dans les couacs organisationnels de la finale de Ligue des champions, avec des conséquences redoutées en termes d’image, à deux ans des JO de Paris.

La prestigieuse finale européenne, accueillie à Saint-Denis, en banlieue nord de Paris, et remportée samedi par le Real Madrid contre Liverpool (1-0), a été marquée par des scènes de pagaille autour du stade, mais sans blessé grave à déplorer.  

Le ministère des Sports a convoqué lundi (11 h) une réunion avec « l’ensemble des parties prenantes […] » afin d’en tirer toutes les leçons et « cerner les dysfonctionnements ».

Selon l’explication de l’UEFA, « des milliers de spectateurs » se sont présentés avec de « faux billets qui ne fonctionnaient pas », créant « une accumulation de spectateurs » dans les files d’attente.

Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, a saisi la justice pour une « fraude massive aux faux billets », en estimant que cela aurait « pu avoir des conséquences très graves pour la sécurité des spectateurs », selon son rapport au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, dont l’AFP a eu connaissance.

PHOTO CHRISTOPHE ENA, ASSOCIATED PRESS

Des gens tentent de s’introduire dans le stade en escaladant la clôture.

M. Lallement y invoque un enchaînement des difficultés, de la grève à la RATP jusqu’à l’afflux d’un très grand nombre de spectateurs, « sans doute entre 30 000 et 40 000 personnes au-delà des 80 000 admissibles dans le stade ».

Avant le match, les journalistes de l’AFP avaient constaté la présence de bandes de jeunes et de fans de football locaux non identifiés aux abords du stade, dont des dizaines ont tenté de s’introduire de force dans l’enceinte, escaladant des barrières pour y parvenir.  

La police est intervenue, dispersant la foule et au passage des supporters, au gaz lacrymogène.  

 « On déplore que des familles aient pu être indirectement touchées », a déclaré dimanche sur BFMTV une porte-parole de la préfecture de police de Paris, assurant que les tentatives d’intrusion ou d’utilisation de faux billets étaient « globalement » le fait de « supporters anglais », avec « aussi sans doute quelques Parisiens ou Dyonisiens » (habitants de Saint-Denis, NDLR).

Supporters « exemplaires » 

Dès la fin du match, Gérald Darmanin avait évoqué des « milliers de supporters britanniques sans billet ou avec des faux billets qui ont forcé les entrées ».

PHOTO JEAN-FRANCOIS BADIAS, ASSOCIATED PRESS

Des partisans de Liverpool quittent le stade sous le regard des policiers.

Les supporters de Liverpool, jugés peu problématiques depuis 30 ans, ont été ulcérés par ces accusations.  

Des policiers de Liverpool, déployés sur place comme observateurs et agents de liaison, ont indiqué que « l’immense majorité » des supporters anglais « se sont comportés d’une manière exemplaire, arrivant tôt […] et faisant la queue » comme demandé.

Dans la « fan zone » de l’est parisien où des dizaines de milliers de supporters britanniques ont suivi la retransmission avec ferveur et beaucoup de boisson, la marée rouge s’est dispersée sans incident à l’issue du match, a constaté l’AFP.  

Les pompiers de Paris ont fait état d’une soirée « calme » au stade et dans les « fan zones », avec 238 interventions de services de secours pour des incidents mineurs, dont des intoxications au gaz lacrymogène.  

En marge de cette soirée, 105 personnes ont été interpellées, selon le ministère de l’Intérieur. Selon le parquet de Paris, une vingtaine ont été placées en garde à vue, essentiellement pour des violences et vols.  

 « Image lamentable » 

Pour Ronan Evain, directeur exécutif du réseau Football Supporters Europe, ce raté « pose la question de la capacité de la France à organiser des évènements de cette taille-là ». « Il y a un besoin très fort de moderniser l’approche de la sécurisation de ces rencontres », a-t-il indiqué à l’AFP.

Le dispositif sécuritaire – 6800  policiers, gendarmes et pompiers et de très nombreux agents de sécurité privés – devait servir de test pour la Coupe du monde de rugby, organisée par la France en 2023, et pour les JO de Paris, l’année suivante.  

Les scènes de désordre ont suscité les critiques de l’opposition.

 « L’image est lamentable, elle est inquiétante parce qu’on voit clairement qu’on n’est pas préparés pour des évènements du type JO », a lancé le dirigeant de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon, sur BFMTV.

Pour la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen, au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI, le monde a constaté « que la France n’était plus dans la capacité d’organiser de grandes manifestations sans que celles-ci dégénèrent ».  

Fustigeant des commentaires de « la fachosphère » cherchant à « salir » la ville et ses habitants, le maire de Saint-Denis, Mathieu Hanotin (PS) a préféré pointer sur Twitter « la culture de certains supporters anglais qui avaient annoncé qu’ils tenteraient d’entrer dans le stade avec ou sans billets », « la désorganisation de l’État », « la convergence de voyous de la région », ou la culture « déformée » de l’ordre public de la préfecture de police.

Dimanche soir, lors du match PSG-Lyon en D1 féminine à Paris, des centaines de supporters ultras du PSG ont, eux, appelé par des chants à la démission de Gérald Darmanin et déployé une banderole clamant « 2805 2022, police, préfets, votre incompétence aux yeux du monde ».

Côté majorité présidentielle, la députée LREM-Renaissance Aurore Bergé a rappelé sur RMC que la France avait organisé « en à peine trois mois » cette finale qui « aurait dû se tenir en Russie ».