Tous deux ont à cœur les succès de la sélection canadienne à la Coupe du monde, parce que de nombreux joueurs de leur club en font partie. Mais leur mère patrie, c’est la Belgique.

Les cœurs de Laurent Ciman et d’Olivier Renard balanceront-ils lors du match entre les deux nations, le 23 novembre prochain, au Qatar ?

« Non, lance en riant le directeur sportif du CF Montréal. C’est une belle histoire. À choisir pour voir des matchs de football, je préfère voir des matchs comme ça, avec de l’enjeu, de l’émotion. »

Il espère que les deux équipes se rendront « le plus loin possible », tout en souhaitant que le Canada « fasse bonne figure ».

Mais je ne peux pas commencer à faire tout un cinéma et dire que le cœur balance, parce que ce n’est pas vrai non plus.

Olivier Renard

Laurent Ciman aurait souhaité « ne pas tomber sur le Canada, dans le sens où c’est [son] pays d’adoption ».

« J’ai joué avec l’équipe nationale belge. Je suis belge. […] Mais le Canada est mon pays de cœur, ajoute Ciman en pesant ses mots. Que le meilleur gagne, j’espère que les deux vont passer. »

Une « valeur augmentée » en équipe nationale

Cet espoir ne leur vient pas simplement du fait qu’ils résident maintenant au Canada. C’est que le CF Montréal est très bien représenté au sein de l’équipe de John Herdman. Les défenseurs Alistair Johnston et Kamal Miller y sont des réguliers, tandis que Samuel Piette, Zachary Brault-Guillard et maintenant Ismaël Koné ont tous réussi à aller chercher des minutes sur le terrain pour l’unifolié dans les derniers mois.

La vitrine qu’offrira la Coupe du monde n’aidera pas seulement la carrière de ces joueurs – s’ils font partie de l’effectif final –, mais aussi le profil et les intérêts financiers du club.

On a même envie de dire qu’Olivier Renard avait vu venir la vague, en allant chercher les services d’Alistair Johnston au cours de l’hiver, notamment. Est-ce le cas ?

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Alistair Johnston

« Pour certains oui, pour d’autres non, explique le directeur sportif. Effectivement, en voyant l’évolution d’Alistair Johnston à Nashville durant les deux dernières saisons, c’est sûr et certain que c’est un joueur important pour nous. Étant canadien, ça fait une place internationale qui n’est pas nécessaire.

« Après, niveau valeur, capacité de revente et tout ça, c’est un joueur qui était presque sûr de se qualifier pour la Coupe du monde. Ça suscite encore plus l’intention de le prendre. »

L’acquisition de Kamal Miller date de décembre 2020, quelques mois avant les qualifications pour le Qatar. Le défenseur faisait partie de la sélection canadienne depuis 2019. On ne peut donc y apposer la même notion de prévoyance.

Puis il y a Ismaël Koné. « C’est complètement différent » dans son cas, croit Renard.

« Personne, je dis bien personne, n’aurait pu prévoir qu’Ismaël Koné jouerait son premier match en équipe nationale après 7 matchs, ou 230 minutes. C’est un concours de circonstances qui fait bien les choses. Mais ce serait vraiment exagéré de ma part de dire que tout joueur canadien signant un contrat au CF Montréal, l’objectif est de le mettre en équipe nationale. »

« Chaque choix est différent. La raison principale [des signatures de joueurs], c’est notre club. Ça va se relier chez les trois. Que ce soit un profil comme celui d’Alistair Johnston, de Kamal Miller ou d’un jeune comme Koné. C’est d’abord la prestation de notre club en premier. Après, la valeur de chacun va augmenter s’il a la chance d’aller en équipe nationale. »

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John Herdman, sélectionneur de l'équipe canadienne

Des commentaires « maladroits » de Herdman

John Herdman a semblé lancer quelques flèches à l’endroit de la MLS la semaine dernière. À deux reprises en conférence de presse, le sélectionneur du Canada a dit souhaiter que des joueurs de la trempe d’Alistair Johnston et Kamal Miller, en les nommant précisément, fassent le saut vers l’Europe pour y évoluer dans les meilleures ligues et devant les meilleures oppositions. Parce que « ça prend cinq ou six joueurs qui jouent dans des équipes de premier plan dans l’alignement partant » d’une sélection pour qu’elle se rende loin en Coupe du monde, selon lui.

Interrogé à ce sujet, Olivier Renard dit vouloir rester « sobre » dans sa réponse, parce que c’est « parfois compliqué » de prendre position sur des commentaires pris hors contexte.

J’ai quand même trouvé ça un peu maladroit, parce que c’est un peu manquer de respect à la MLS.

Olivier Renard

« Je crois que la MLS c’est une ligue qui devient de plus en plus respectée, souligne Renard. Il suffit de voir les résultats en Ligue des champions. Des clubs MLS ont bien fait contre des clubs mexicains, donc ça augmente le niveau. On voit tous les transferts maintenant, l’Europe a un œil de plus en plus attentif par rapport à la progression des joueurs MLS. Ça veut dire que si l’Europe pose son regard sur la ligue ici, c’est qu’il y a de la qualité dans les équipes. »

La Belgique, « la plus redoutable »

Pour le directeur sportif du CF Montréal, « il y a différentes façons de regarder un match ».

« Il y a un match à regarder pour avoir du plaisir, et il y a un match à regarder parce qu’on est là pour un joueur bien précis, à regarder tous les mouvements de ce joueur-là, tellement que tu oublies parfois de regarder les autres joueurs. C’est ça, le scouting. »

Le match Belgique-Canada de novembre prochain entre dans la première catégorie.

« Ce sera pour moi de profiter du moment, que le meilleur gagne, et de voir comment chaque individu de l’équipe va se comporter face à la Belgique. »

Laurent Ciman est encore « en contact avec pas mal de gens qui travaillent à l’interne » avec la Belgique, lui qui a disputé 20 matchs à partir de 2010 avec sa sélection. La génération dorée des Diables rouges, avec Kevin de Bruyne, Romelu Lukaku et Eden Hazard notamment, n’a jamais atteint les sommets qu’on lui prédisait sur les plus grandes scènes internationales. Commence-t-elle à s’étioler ?

« Je pense qu’on a encore pas mal de joueurs qui peuvent faire une différence, croit l’ancien général de l’Impact. Si tout le monde est en santé, je pense qu’on peut aller loin. »

« La Belgique est quand même l’adversaire la plus redoutable du groupe, même s’il ne faut sous-estimer personne dans une Coupe du monde. Je pense que le Canada a toutes les qualités. »