Alexis Gaudreault n’a que 17 ans, mais il vivra déjà une « expérience unique », ce dimanche.

Sous le maillot de l’Union Lorraine de Plantières, club amateur de Metz jouant en huitième division française, le jeune québécois foulera la pelouse d’une enceinte de près de 30 000 places. Le contexte : Plantières affronte l’AS Nancy, club de deuxième division, dans un match de septième tour de la Coupe de France. Cet affrontement est le résultat d’un tirage au sort – Nancy fait ses débuts dans la compétition.

Le match, qui devrait attirer environ 3000 spectateurs selon des propos de l’entraîneur de Plantières, Richard Pagnat, rapportés par Franceinfo, sera diffusé à la télé.

« C’est une occasion rêvée de se faire remarquer », nous explique le jeune défenseur québécois, joint après ses cours vendredi.

« Mais avant tout, quand on pense à l’équipe, on veut gagner. »

Prenons un pas de recul. Alexis Gaudreault a quitté le nid familial montréalais en août 2020, à l’âge de 16 ans. Il allait se joindre à l’équipe internationale du FC Metz, dans l’est de la France.

Parce que pour lui, le rêve de jouer au soccer professionnel passait impérativement par l’Europe. Mais une règle de la FIFA empêche les clubs de faire jouer des mineurs d’outre-mer.

Il faut savoir que pour des joueurs non européens, c’est très compliqué d’intégrer une équipe en Europe. On a fait nos recherches, on a regardé des équipes. On a trouvé le FC Metz. Quand j’ai vu que Samuel Piette avait été à cette académie, ça m’a intrigué.

Alexis Gaudreault

Gaudreault s’entraîne et dispute des matchs amicaux avec l’équipe internationale du FC Metz, donc, en compagnie de joueurs venus d’Afrique et d’Amérique, notamment.

« On joue des matchs contre des équipes de haut niveau qui nous permettent de nous tester et de nous faire remarquer, éventuellement. »

Mais ce dimanche, c’est avec l’UL Plantières que Gaudreault posera ses crampons sur la pelouse du stade Saint-Symphorien, utilisé habituellement par le FC Metz.

Son père Mathieu, joint à Montréal avant qu’il ne s’envole pour la France vendredi, explique.

« Je travaille là et je réside à Strasbourg cette année, donc lui peut avoir sa licence. Mais le FC Metz ne peut en offrir [en vertu des règles de la FIFA]. Donc il joue des matchs hors concours contre l’équipe nationale du Luxembourg, contre la Belgique, contre Dijon, contre Strasbourg. Avec sa licence, il évolue avec Plantières pour jouer des matchs. Il fait deux, trois matchs par fin de semaine avec différents niveaux. Ça lui permet de jouer contre des adultes. »

Parce que le mot « attendre » ne fait pas partie du vocabulaire du jeune défenseur. Parlez-en à son père.

Il a commencé très jeune à jouer en Europe. Il a fait un stage d’une semaine à Clairefontaine. Il partait faire des tournois un peu partout avec différentes équipes. C’était vraiment son but.

Mathieu Gaudreault, père d’Alexis

Clairefontaine, tout de même, qui a vu passer les Thierry Henry, Nicolas Anelka et Kylian Mbappé de ce monde.

« C’est un lieu magique, se rappelle-t-il. J’ai des photos de lui avec la Coupe du monde ! Il a vraiment toujours eu l’Europe en tête, tout le temps. »

Avant son aventure de l’autre côté de l’Atlantique, Alexis Gaudreault était associé au Club de soccer de Saint-Laurent. Mathieu Gaudreault vante son « infrastructure extrêmement solide de développement ».

« Il est allé là et il a vraiment commencé à progresser », se remémore-t-il.

« Après un match de championnat canadien, il est venu me voir en sortant du terrain et il m’a dit : “C’est bon, je pars pour l’Europe !” Je lui ai dit : “Où, en Europe ? Je veux bien, mais il faut quand même trouver
des clubs.” »

A fini par apparaître l’option du FC Metz.

« Sa mère était un peu réticente et c’est normal, explique son père. Quand on a pris la décision, il n’avait que 15 ans. Il a eu 16 ans entre-temps, mais c’était un peu jeune. C’est ton petit bonhomme qui part à 6000 km. Ce n’est pas le fun nécessairement. Mais c’est ce qu’il voulait faire. Il était hors de question pour nous de dire non. C’est un garçon extrêmement sérieux. On avait la condition sine qua non qu’il n’allait pas arrêter l’école. Là-bas, il fait sa terminale [l’équivalent de la 2année de cégep]. Peu importe ce qui arrive, il va pouvoir entrer à l’université l’année prochaine. »

Et donc, ça se passe comment pour Alexis en France ?

« Je suis heureux, se réjouit-il au bout du fil. L’année dernière, ç’a été plus compliqué avec la COVID, pour les matchs et tout. Cette année, tout va bien, on joue nos matchs, on fait de bonnes performances. J’ai l’impression de progresser.

Mon objectif, ç’a toujours été d’être en Europe. J’ai toujours trouvé ça un peu trop fermé [au Québec] pour les jeunes.

Alexis Gaudreault

Fermé dans quel sens ?

« En Europe, il y a beaucoup plus d’opportunités et de clubs. Pour moi, c’était une meilleure façon d’être vu. »

« Il travaille comme un fou »

Alexis Gaudreault le dit lui-même. « De base, je ne suis pas un joueur de talent. Je suis un joueur de travail. C’est ce qui m’a permis de m’élever. »

Son père en rajoute.

Ça n’a jamais été le gars le plus talentueux sur le terrain. […] Il a un talent, mais il travaille comme un fou. Il allait aux académies, il faisait des stages, il en redemandait tout le temps.

Mathieu Gaudreault

« Dès 13 ans, quand il avait une soirée de libre, il partait au parc jouer contre les adultes, contre les plus vieux, se faire brasser. »

Le travail, donc. Et la passion.

« Depuis tout petit, j’ai toujours été passionné par le soccer, souligne Alexis. J’ai toujours eu envie d’avoir une carrière. »

Cette occasion contre Nancy devient donc un premier vrai test.

« C’est une première de jouer contre une équipe pro, donc ce sera une occasion unique à vivre. Surtout qu’on va jouer dans le stade de l’équipe senior du FC Metz, le stade qu’on regarde chaque week-end quand l’équipe première joue. Ça sera spécial pour nous. »

Alexis se dit aussi disposé à revenir en Amérique du Nord un jour, si la porte d’un contrat professionnel s’ouvre.

Mais son père ne veut pas lui mettre de pression.

« Je veux juste qu’il fasse ce qui lui tente. Je veux juste qu’il soit bien. Si ça passe par le soccer, tant mieux. Si ça passe par les études, tant mieux. Je ne suis pas un papa avec des pompons de majorette dans les mains. Je l’accompagne où il veut aller. »