La première chose que Katerine Savard a vue en mettant les pieds à la piscine olympique de Rio de Janeiro, c'est le tableau d'affichage indiquant « 100 m papillon », la première épreuve au programme. « Je me suis dit : ils le font exprès, ou quoi ? »

La nageuse avait passé les derniers mois à faire le deuil de son épreuve préférée, qu'elle ne disputerait pas au Brésil. Elle appréhendait un peu le moment. Finalement, ça ne s'est pas mal déroulé du tout, avec la médaille d'argent de Penny Oleksiak, sa tombeuse aux sélections qui s'est propulsée dans une autre dimension avec un chrono de 56,46 secondes.

Savard aurait eu les moyens de se rendre en finale, mais il lui aurait fallu retrancher plus d'une demi-seconde à son meilleur temps pour espérer se battre pour le podium.

« Avec le temps qu'elle a fait, elle a amené le 100 mètres papillon une coche au-dessus de ce que j'avais fait », a dit Savard, qui a détenu la marque nationale pendant cinq ans. « Elle méritait cette place-là. »

À 16 ans, Oleksiak n'a évidemment pas fini de progresser. La nouvelle double médaillée olympique ne quittera pas le trône de sitôt.

« Je ne vais peut-être pas pouvoir la rattraper dans les prochains mois, mais ils en prennent deux dans les sélections, a souligné Savard. Je pense pouvoir avoir encore une place au papillon aussi. Peut-être pas première, mais peut-être deuxième. »

En attendant, elle a autre chose en chantier : le 200 m style libre.

Aux côtés des meilleurs

Qualifiée troisième au Canada, elle ne devait nager que le relais à Rio, mais Oleksiak lui a cédé sa place à l'épreuve individuelle en raison de son programme déjà bien chargé.

Depuis deux mois, la native de Pont-Rouge a mis toutes ses énergies sur le crawl pour la première fois de sa vie. Et ça lui sourit très bien.

Savard a atteint les demi-finales hier à Rio grâce à un temps de 1 min 57,15 s en préliminaires. Elle a retranché une grosse seconde à son record et s'est installée au troisième rang du palmarès canadien de tous les temps.

En soirée, dans la chambre d'appel, elle s'est retrouvée dans la même rangée que l'Italienne Federica Pelligrini, détentrice du record mondial, et de Katie Ledecky, sur le point de devenir l'une des meilleures crawleuses de l'histoire.

« C'est là qu'on se rend compte que ce sont des gens ordinaires comme nous », a noté Savard.

« Ils ont un talent exceptionnel, mais ils ne sont pas différents. Juste être en finale avec elles... Si on m'avait dit ça il y a deux ans, je ne savais même pas que j'étais capable de nager du crawl. »

Évoluant dans un corridor extérieur, la représentante du club CAMO n'a pas réussi à répéter ses exploits (1 min 57,80 s et 15e au total), mais elle a visiblement eu du plaisir, ce qui n'avait pas nécessairement été le cas lors de ses premiers JO, à Londres.

Seulement l'intensité moindre avec laquelle elle se brasse la jambe droite avant de monter sur le plot de départ est révélatrice. « Mentalement, je suis tellement différente qu'au papillon, a-t-elle reconnu. Je pense que ça m'aide. Mon état d'esprit est plus paisible. Je vais apprendre de ça. Si je peux avoir le même état d'esprit au papillon, ça pourrait peut-être faire une différence. »

L'athlète de 23 ans pense maintenant au relais de demain, où tous les espoirs sont soudainement permis. Le Canada a fini 11e aux Mondiaux l'an dernier, mais le tableau n'est plus du tout le même : Brittany MacLean, 10e hier, Oleksiak et la jeune Taylor Ruck n'y étaient pas, et Savard nage deux secondes plus vite qu'à l'époque.

« Juste être en finale au relais, ce serait déjà génial, a souligné Savard. On va voir. On ne se met pas de limites. » Elle est repartie avec un grand sourire.