Len Valjas est la grande énigme du ski de fond canadien. Il y a un mois, le Torontois de 29 ans se faisait battre par des juniors lors des qualifications du sprint aux sélections olympiques disputées au Mont-Sainte-Anne.

«Le pire, c'est qu'il doit en rire», lançait Alex Harvey, mi-sérieux, en prenant connaissance des résultats au petit-déjeuner dans un hôtel italien, où il commençait un camp d'entraînement en altitude.

Valjas était au Canada pour soigner son dos qui lui cause des problèmes respiratoires depuis un an. Préqualifié pour les Jeux, il tentait de reprendre le rythme de course au Mont-Sainte-Anne.

Manifestement, il n'était pas dans une forme olympique. «C'est une chance de moins», avançait Harvey en songeant au sprint par équipes de PyeongChang. Tout laissait croire que Devon Kershaw, avec qui il a gagné les Mondiaux à Oslo en 2011, serait son partenaire pour l'épreuve présentée demain au centre de ski de fond d'Alpensia.

Or, la septième place étonnante de Valjas au sprint individuel de la semaine dernière, combinée à l'écroulement de Kershaw, a complètement changé la donne.



«Surfeur dude»

Harvey s'élancera donc avec Valjas pour ce relais qui représente son avant-dernière chance de monter sur le podium avant le 50 km classique de samedi. Dans une certaine mesure, il fera équipe avec sa parfaite antithèse.

Ce n'est pas un secret, Valjas n'a jamais été le plus assidu à l'entraînement. Si ce «surfeur dude» a connu du succès dans sa carrière - sept podiums en Coupe du monde -, il le doit surtout à son talent hors norme et à sa faculté à sortir le meilleur de lui-même quand il enfile un dossard.

«C'est un bon ami, on parle de tout plein d'affaires, mais je n'ai jamais parlé d'entraînement de ma vie avec Len!», affirme Harvey, à propos de son coéquipier de 6 pi 6 po.

Valjas a vécu ses plus beaux moments quand il est venu s'entraîner au Mont-Sainte-Anne sous la supervision de Louis Bouchard. En 2012 et 2013, il est monté cinq fois sur le podium en Coupe du monde. As sprinteur, surtout en classique, il avait montré l'étendue de son potentiel en terminant troisième d'un 15 km départ groupé aux finales de la Coupe du monde de Falun en 2012.

L'année suivante, il est parti dans l'Ouest canadien pour se rapprocher de sa blonde, la skieuse alpine Erin Mielzynski. Opéré à un genou avant les Jeux de Sotchi, il a eu beaucoup de mal à retrouver son niveau.

Mais il s'y était remis plus sérieusement la saison dernière. En janvier 2017, il a gagné une Coupe du monde en relais sprint avec Harvey à Toblach, en Italie.

Aux Mondiaux de Lahti, le duo a fini sixième, à une vingtaine de secondes du podium. Harvey s'était élancé premier dans l'espoir de garder Valjas, excellent finisseur, dans le groupe de tête. À PyeongChang, les entraîneurs ont choisi de revenir à la recette originale, c'est-à-dire que Harvey terminera avec les gros canons, comme à Oslo et à Toblach.

Même s'il a retrouvé ses capacités respiratoires, apparemment en étirant son dos sur un rouleau de mousse le matin du sprint individuel, Valjas fera face à un double défi. Il devra répéter l'effort de quelque trois minutes à trois reprises - et une deuxième fois dans la soirée en cas de finale. Ce «sprint» est donc davantage une course d'endurance. En ce sens, les Canadiens souhaiteront un déroulement plus tactique que purement physique. Au surplus, les fondeurs s'exécuteront en pas de patin, qui n'est pas le style de prédilection de Valjas.

Face à des puissances comme la Norvège et la Russie et de multiples prétendants comme la France, la Suède, l'Italie ou la Finlande, le Canada ne fait pas figure de favori. Mais la renaissance quasi miraculeuse de Valjas rend ce sprint par équipes plus intrigant que prévu avant le 50 km de samedi, que Harvey a dans la tête depuis une semaine.

Photo Andrea Solero, archives ANSA/Associated Press

Alex Harvey et Len Valjas à la Coupe du monde de Toblach, en Italie