L'histoire derrière cette médaille d'or commence à Sotchi en 2014, où les patineurs canadiens avaient bon espoir de remporter le concours par équipes. Mais ils l'ont abordé avec trop de détachement, mesurant mal l'occasion qui se présentait à eux. Et à la fin de la compétition, c'est l'hymne national de la Russie qui a retenti.

Les Canadiens ont remporté l'argent, mais ce n'était pas leur objectif. « Tout ça nous a laissé un goût amer, explique Scott Moir. On était un peu trop décontractés... »

Quatre ans plus tard, le groupe s'est présenté à PyeongChang le couteau entre les dents. Cette fois, leur approche serait différente. Ils s'investiraient à fond dans ce volet de la compétition. Ils voulaient gagner ensemble. Et lundi (heure locale), au Palais des glaces de Gangneung, ils ont atteint leur objectif après avoir survolé la compétition de bout en bout.

Trois volets restaient au menu lorsque s'est amorcé ce troisième et dernier jour de la compétition : les programmes libres des hommes et des femmes, et la danse libre.

Patrick Chan a été le premier Canadien à sauter sur la patinoire. Trois jours plus tôt, sa performance lors du programme court l'avait déçu. Son coéquipier Eric Radford, un solide gaillard qui a du métier, s'en est aperçu. Lors d'un repas à la cafétéria des athlètes, il lui a suggéré de ne pas se mettre trop de pression sur les épaules. « Patrick ne doit rien à personne, explique-t-il. Je lui ai dit : "Vas-y, patine de ton mieux et on va t'aimer quoi qu'il arrive." »

Ces paroles ont-elles inspiré Chan ? Chose certaine, il a montré beaucoup d'aplomb, obtenant la meilleure note des cinq concurrents en lice. Le Canada a ainsi consolidé sa position de tête. Et quand Gabrielle Daleman a enchaîné avec une solide performance (3e sur 5), le Canada s'est assuré de la première place. Scott Moir et Tessa Virtue pourraient achever le travail le coeur léger.

Après sa performance, Chan ne cachait pas son bonheur, lui qui a vécu des déceptions dans sa quête de l'or olympique (cinquième aux Jeux de Vancouver, il a gagné l'argent à Sotchi). 

« Quand Scott et Tessa sont revenus à la compétition après leur pause, on a réalisé qu'on avait une chance exceptionnelle de remporter l'or et qu'il fallait prendre la compétition très au sérieux. »

- Patrick Chan

Le groupe est tissé serré. Seule Daleman n'était pas de l'équipe de Sotchi. « La plupart d'entre nous, on se connaît depuis si longtemps, a ajouté Chan. On a participé aux mêmes compétitions dans les rangs juniors. Je pense que c'est un phénomène unique dans le patinage international. »

Puis, pensant sans doute à tout ce que ses coéquipiers et lui avaient vécu dans leur carrière sportive, ces innombrables heures d'entraînement, ces joies, ces déceptions et ces doutes, Chan a dit : « Gagner ensemble, ce serait une si belle chose... »

Quelques minutes plus tard, en cette froide journée de l'hiver coréen, c'était mission accomplie. 

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L'affaire était déjà entendue, mais Moir et Virtue tenaient à offrir une solide performance sur la musique de Moulin Rouge.

« Notre danse libre n'a pas beaucoup contribué à notre victoire, mais c'était bien de sentir l'appui de nos coéquipiers, a dit Virtue. On ne voulait pas les laisser tomber et on a abordé notre routine comme si la médaille d'or en dépendait. C'était important de bien patiner pour préparer la suite... »

Cette solidarité au sein de l'équipe n'était manifestement pas aussi forte en 2014. « Notre équipe avait besoin d'un dialogue plus ouvert, a dit Moir. On n'a pas trop bien réussi ça à Sotchi. Cette fois, c'était complètement différent. Pour gagner, il faut s'appuyer les uns sur les autres. »

Dans un sport comme le patinage artistique, où on livre bataille individuellement ou en couple, le concept d'équipe doit être apprivoisé. « On se sent habituellement si seuls », explique Moir.

Virtue et lui, qui lutteront pour le titre olympique de danse au début de la semaine prochaine, se sentent d'attaque. Leur choix de s'établir à Montréal il y a deux ans, où ils s'entraînent sous la gouverne de Marie-France Dubreuil et Patrice Lauzon, a porté ses fruits.

« C'est probablement la meilleure décision de notre carrière, explique Virtue. Notre retour n'aurait pas fonctionné sans eux. On est si heureux de la manière dont ils nous ont accueillis. Nous avons tellement d'admiration pour le brio avec lequel ils maîtrisent l'équilibre entre les côtés artistique et athlétique. »

Ce n'est pas tout : en s'établissant à Montréal, les deux patineurs se sont joints aux gens de B2Dix, qui chapeautent de nombreux athlètes olympiques. « On a appris à s'entraîner différemment comme athlètes, pas seulement comme patineurs artistiques, ajoute Virtue. Et on a une bien meilleure compréhension de ce que signifie être prêts physiquement, mentalement et émotionnellement. Nous n'avons jamais été aussi bien préparés et cela témoigne de la qualité de l'équipe de B2Dix. »

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Cette médaille d'or galvanise l'équipe canadienne. En plus de faire oublier la déception de Sotchi, elle permet d'aborder le reste des compétitions sur une note très positive. La confiance est à un niveau élevé, l'enthousiasme aussi.

Patrick Chan, par exemple, qui rêve d'un dernier exploit sur la scène internationale, aura puisé beaucoup de force dans sa performance de lundi lors du concours individuel. Tout comme le duo Meagan Duhamel-Eric Radford qui, la veille, a engrangé de précieux points pour l'équipe.

Les patineurs canadiens pourraient connaître d'autres beaux moments au Palais des glaces de Gangneung.