Depuis le début, je savais que ça finirait comme ça. Je savais que je les trouverais sympathiques.

Je parle des joueurs de notre équipe de hockey masculin, bien sûr ! La vérité brutale, c'est qu'aucun ne devrait participer aux Jeux olympiques, qui regroupent les meilleurs athlètes du monde dans toutes les disciplines.

Ils n'ont pas le calibre, point à la ligne. On a beau vouloir nous emberlificoter avec quelques chiffres ronflants à propos du nombre de rencontres qu'ils ont collectivement jouées dans la LNH, ces gars-là devraient faire comme tout le monde et regarder les matchs en provenance de PyeongChang à la télé.

Mais, bon, on connaît l'histoire. Gary Bettman et les propriétaires d'équipe, incapables d'un peu de hauteur, ont choisi de demeurer dans leur cour. Et de dépouiller les meilleurs joueurs du monde du plaisir de participer à la plus grande compétition sportive de la planète. Cette décision détestable, qui prive les amateurs d'un spectacle incomparable, en dit long sur leurs vraies priorités. La prochaine fois qu'ils nous parleront de leur amour du sport, bouchons-nous les oreilles... et le nez !

Cela dit, la nature ayant horreur du vide, une solution de rechange a été trouvée. Chaque pays a fait une croix sur les joueurs de la LNH et bâti le meilleur club possible dans les circonstances. Pour le Canada, ça signifie un groupe de gars qui font carrière en Europe. Et qui se pincent encore pour être sûrs de ne pas rêver. Les voici à PyeongChang, un maillot à feuille d'érable sur le dos, prêts à défendre l'honneur du pays. Impossible d'être plus fiers!

Parmi eux, un gars originaire de Montréal-Ouest qui dit des choses magnifiques comme celle-ci: «Mes parents ne m'ont jamais mis trop de pression, ils m'ont juste laissé tomber en amour avec le hockey. C'est pour ça qu'à 30 ans, j'adore encore me lever le matin pour aller à l'aréna.»

Maxim Noreau est un défenseur qui joue à Berne, en Suisse, et passe ses étés à Brossard, au Québec. Son parcours dans le hockey aurait pu lui briser le coeur mille fois. Il a joué six matchs dans la LNH avec le Wild du Minnesota entre 2009 et 2011. «Six de plus que la plupart du monde le pensait», dit-il en souriant. Mais il s'est accroché. Et aujourd'hui, il touche sa récompense: il est un olympien.

***

Maxim Noreau n'a jamais été repêché par une équipe de la LNH. Cela lui a fait mal, mais il connaissait le feeling. À sa première année d'admissibilité junior, aucun club ne l'avait sélectionné. Ces coups du sort lui ont appris une grande leçon: il devrait se battre pour chaque match qu'il jouerait, peu importe le circuit.

Après quatre saisons dans la Ligue américaine, Noreau a mis le cap sur l'Europe. Il s'est retrouvé à Ambri-Piotta, en Suisse, où il a obtenu assez de succès pour rêver de nouveau à la LNH. Et lorsque l'Avalanche du Colorado lui a proposé un contrat à l'été 2014, il a sauté sur l'occasion.

Après une saison avec leur filiale de la Ligue américaine, il s'est présenté avec enthousiasme au camp d'entraînement de 2015. Pas de chance, il a été le dernier joueur retranché. Sa déception a été vive, mais il croyait dur comme fer à ses chances d'être rappelé dès la première occasion. Ce ne fut pas le cas et le coup a porté.

«J'ai super bien joué dans la Ligue américaine, mais je n'ai jamais obtenu une nouvelle chance dans la Ligue nationale, dit-il. Ç'a été le moment le plus dur de ma carrière. J'avais de bonnes stats, j'étais un leader dans le vestiaire, j'étais en santé. J'étais prêt et j'ai attendu l'appel durant les neuf mois de la saison...»

«Ce qui m'a aidé, c'est que ma femme est tombée enceinte. Alors on a eu en même temps un gros positif dans notre vie...»

Sur le plan du hockey, Noreau a cependant eu l'impression d'avoir perdu deux années de sa carrière. Il s'est senti rejeté. «Quand tu es rendu à 25 ou 26 ans, et que tu as déjà joué 300 matchs dans la Ligue américaine, ça joue sur la confiance...»

Noreau est alors retourné en Suisse, où il s'est enfin libéré d'un poids énorme: l'attente d'un coup de téléphone qui ne viendra sans doute jamais pour l'inviter à jouer dans la LNH.

***

Noreau sait très bien que les amateurs sont déçus de ne pas voir les vedettes de la LNH aux Jeux olympiques. «Même mes meilleurs chums, qui se réjouissent pour moi, pensent comme ça!»

Ses coéquipiers et lui ont abordé la question dans le vestiaire. Et ils ont ensuite mis cet enjeu derrière eux. Porter le chandail du Canada est une «grosse fierté» pour tous les membres du groupe, dit-il. Et leur objectif est clair : remporter la médaille d'or.

«On a tous quelque chose à prouver. Pour la grande majorité d'entre nous, le tournoi olympique sera le sommet de notre carrière. On est ici pour gagner.»

À PyeongChang, Noreau sera encouragé par son père, Alain, et sa mère, Trudy. Sa conjointe Karine sera aussi présente avec leur petit garçon, Mason. La vie lui offre une occasion inattendue de briller au plus haut niveau et il entend la saisir. «Même quand le chemin n'est pas le plus facile, la destination est parfois incroyable», dit-il.

Comment ne pas encourager un gars comme lui? Les joueurs d'Équipe Canada ne sont pas les meilleurs au pays, mais ils ont le coeur à la bonne place.

Oui, je savais que ça finirait comme ça. Je savais que je les trouverais sympathiques. Au point où je me surprends moi-même: j'ai hâte à leur premier match, demain, contre la Suisse.