La décision d'utiliser Antti Niemi, hier soir à San Jose, se défendait pourtant.

Le Canadien devait permettre à Carey Price de souffler un peu. Non seulement pour l'aider à maximiser ses performances d'ici la fin de la saison, mais aussi pour éviter que la fatigue ne vienne l'hypothéquer physiquement et peut-être même occasionner une blessure.

Qu'ils touchent un, cinq ou dix millions, les gardiens sont humains. Ils ne peuvent disputer tous les matchs. Encore moins deux rencontres en autant de soirs. Price, en outre, avait souffert d'un virus en début de semaine.

Si les gardiens pouvaient disputer tous les matchs, le poste d'auxiliaire n'existerait pas. On reviendrait à l'époque de Jacques Plante, seul en roi et maître devant le filet du CH. Mais le hockey a changé.

D'ailleurs selon le site capfriendly.com, au moins 12 gardiens auxiliaires touchent un salaire supérieur à deux millions de dollars par année.

En envoyant Antti Niemi dans la mêlée contre les puissants Sharks, Claude Julien a voulu éviter l'erreur du mois dernier. Il avait utilisé Price contre le Lightning, mais l'équipe, malgré la performance de son gardien, n'avait pas été de taille.

Le Canadien a perdu ce match 3-0 et employé Niemi contre les Panthers le lendemain. Autre défaite, 6-3, à la suite d'une performance atroce du Finlandais. On venait de «gaspiller» Price contre un club difficile à vaincre au départ.

Le pire des scénarios s'est produit hier. Le Canadien avait les jambes pour vaincre les Sharks, dont plusieurs joueurs étaient encore affectés par un virus, faut-il croire. Mais Niemi a été atroce. Il a permis aux Sharks de prendre les devants 2-0 en première sur deux buts indignes d'un gardien de la LNH.

Au premier entracte, je me suis demandé si, avec un déficit de seulement 2-1, et la tenue inquiétante de Niemi, l'idée de retirer celui-ci du match n'avait pas effleuré l'esprit des entraîneurs. Mais on aurait alors bafoué ses principes.

Carey Price aura le mandat de vaincre les Ducks d'Anaheim ce soir et permettre au Canadien d'amasser quatre points sur une possibilité de six en Californie.

Marc Bergevin aurait-il pu faire l'acquisition d'un autre gardien auxiliaire à la date limite des échanges, comme l'ont fait les Blue Jackets de Columbus en cédant un choix de cinquième ronde pour Keith Kinkaid?

Peut-être. Par contre, peu importe le gardien, il demeure extrêmement difficile de bien paraître en jouant si peu souvent. Le Canadien est dans un cercle vicieux. Il possède de meilleures chances de gagner ses matchs avec Price, mais plus celui-ci joue souvent, moins son auxiliaire a la chance de trouver son rythme.

Niemi disputait un premier match en 17 jours. Et 15 jours s'étaient écoulés entre les deux précédents. Difficile de retrouver sa confiance, et difficile pour l'équipe de lui faire confiance.

Le rôle d'un auxiliaire est bien ingrat. Parlez-en à l'ancien adjoint de Patrick Roy, André Racicot, surnommé injustement «Red Light» à cause d'une mauvaise séquence.

Pendant ce temps, à Laval, Charlie Lindgren, l'éventuel auxiliaire proclamé de Price tente lui aussi de retrouver son rythme. Ennuyé par plusieurs blessures, Lindgren, 25 ans, connaît une deuxième saison difficile consécutive.

Lindgren a une fiche de 10-14-6, une moyenne de 2,93 et un taux d'arrêts de ,883. Le jeune Michael McNiven, 21 ans, lui est supérieur, mais on préfère utiliser Lindgren à profusion depuis le début de l'année 2019 pour lui permettre de retrouver l'élan des beaux jours et ne pas envoyer McNiven trop vite dans la gueule du loup.

Le gardien numéro un du Rocket de Laval a accordé quatre buts dans quatre de ses sept derniers départs. Il a accordé deux buts ou moins dans seulement trois de ses quinze derniers matchs. McNiven a accordé quatre buts à ses trois derniers départs.

Mais revenons au CH. Il lui reste une seule autre séquence de deux matchs en autant de soirs, le 23 mars à domicile contre les Sabres de Buffalo et le lendemain en Caroline contre les Hurricanes. Il reste 14 matchs à disputer.

Peut-être a-t-on vu Antti Niemi pour la dernière fois dans un uniforme du Canadien. Voyons si Lindgren a retrouvé la forme d'ici là; ou peut-être prendra-t-on la chance de surtaxer Price.

Marc Bergevin aura l'été pour revoir sa stratégie. Lindgren aura 26 ans l'hiver prochain et il ne semble pas progresser. McNiven est encore jeune.

Les Bruins de Boston semblent avoir frappé dans le mille l'été dernier. Ils ont offert 5,5 millions sur deux ans à Jaroslav Halak, un ancien numéro un en fin de carrière, pour épauler Tuukka Rask. Halak a valu son pesant d'or cet automne quand Rask en arrachait.

Par contre, le taux de succès de telles opérations n'est pas très élevé. James Reimer en Floride, Philip Grubauer au Colorado, Jonathan Bernier à Detroit et Cam Ward à Chicago en arrachent. Ils touchent tous plus de trois millions de dollars ou plus annuellement. À Anaheim, Ryan Miller est toujours blessé.

Pas facile, la vie de gardien auxiliaire. Mais ça ne règle pas la situation du Canadien, n'est-ce pas?

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Jean-François Tremblay s'est payé une petite visite à Kanata, ces derniers jours, pour prendre le pouls des Sénateurs, branchés sur un respirateur artificiel depuis la date limite des échanges. C'est la déprime, évidemment, en attendant l'éclosion des jeunes. Ottawa a une fiche de 1-2-1 depuis le congédiement de Guy Boucher. Les Sénateurs ont marqué 10 buts et en ont accordé 16. Pas d'excuses, serait sans doute tenté de déclarer le DG Pierre Dorion.