Simon Whitfield ne payait pas de mine après son dernier triathlon olympique en carrière. Une tuque rouge vissée sur la tête - qu'il tenait basse -, il a répondu aux questions des journalistes d'une voix dépitée.

«Stupide dos d'âne!» a soupiré le porte-drapeau canadien.

Deux heures plus tôt, au moment du départ de l'épreuve combinant 1,5 km de nage, 43 km de vélo et 10 km de course, Whitfield avait paru confiant. Sorti de l'eau 15e, il se voyait en bonne position pour rattraper le groupe de tête. «Je suis sorti de l'eau avec des gars que je ne suis pas capable de suivre à la nage habituellement, analyse Whitfield. J'étais en forme et je me suis dit: on met le paquet.»

Perte de maîtrise

Mais les choses ne se sont pas exactement passées ainsi. Son vélo tout juste enfourché, le double médaillé olympique cherchait à chausser les souliers fixés à ses pédales quand a surgi un dos d'âne. Whitfield a perdu la maîtrise de son vélo. Sa monture a glissé et la loi de la gravité l'a fait voler contre une clôture en bordure de piste. Sa course était terminée.

Un moment d'absence? Une erreur d'inattention de sa part? Whitfield préfère parler d'un coup du destin. Son entraîneur, Jon Brown, admet quant à lui que le triathlonien a commis une bévue. Une erreur de débutant de la part du plus âgé des 55 participants de cette course.

«L'univers... Des fois, rien ne semble arriver comme il faut, a lancé Whitfield, 37 ans. J'ai frappé le dos d'âne au moment de mettre mes souliers et j'ai été propulsé dans les airs. Je me rappelle m'être excusé au gars derrière, parce que je l'ai ralenti...»

Le Britanno-Colombien s'en est tiré avec des points de suture sur quelques orteils, deux genoux amochés et une douleur à la clavicule.

Pour ses quatrièmes et derniers Jeux olympiques, Simon Whitfield rêvait d'un autre scénario. «Je voyais le scénario différemment.» Médaillé d'or à Sydney en 2000, puis d'argent à Pékin il y a quatre ans, le vétéran souhaitait une conclusion à l'avenant: «C'est la loi de la moyenne qui m'a rattrapé. J'ai eu deux courses incroyables aux Jeux, j'en ai eu une pas mal et là, bien, j'ai celle-là.»

Série noire pour les Canadiens

Après l'infirmerie et avant de rencontrer les médias, il a croisé sa femme, Jenny, en bordure du parcours. Sa petite fille de 5 ans l'attendait avec un bouquet cueilli dans le parc Hyde, où avait lieu l'épreuve. À ce moment, l'athlète a flanché pour la deuxième fois de la journée et a laissé échapper un sanglot.

«J'ai cassé quand j'ai vu ma femme. Parce que je sais combien Jenny s'investit dans tout ça. On est une équipe et elle a fait beaucoup de sacrifices aussi.»

La déconfiture de Whitfield s'inscrit dans une semaine difficile pour les triathloniens canadiens à Londres. Samedi, l'Albertaine Paula Findlay a fini dernière de l'épreuve des femmes. La Québécoise Kathy Tremblay a quant à elle été éliminée de la même course parce qu'elle n'arrivait pas à suivre la cadence.

Le hasard

Whitfield voit dans cette succession de contre-performances l'effet du hasard. L'équivalent olympique d'une mauvaise journée au bureau. «C'est ça, la course. On a connu de meilleurs jours. Mais Paula sera de retour, l'assassine rousse va finir sur le podium un jour.»

Ce sont finalement les favoris qui ont remporté l'épreuve d'hier: les frères Alistair et Jonathan Brownlee, de la Grande-Bretagne, ont pris le 1er et le 3e rang, alors que l'Espagnol Javier Gomez s'est faufilé entre les deux.

«Gagner un triathlon est difficile. Si ça ne l'était pas, tout le monde y parviendrait», a dit Whitfield avec philosophie, avant de tourner le dos aux journalistes et à sa carrière olympique.