Sur le comptoir de ma chambre d’hôtel, un assortiment de jolis emballages cartonnés au lettrage doré attire mon œil.

Probablement des sachets de thé, échantillons du savoir-faire ancestral, me dis-je. Quelle délicate attention. J’ai choisi l’étiquette verte. Je respirais déjà le subtil mélange de feuilles d’une montagne du Sud.

« Condom gratuit, king size », disait le carton.

Dans une ville plus masquée que tous les ratons laveurs, où l’on vit sous cloche de plexiglas, et dans un hôtel où j’ai dû obtenir la permission d’aller au 14e voir Alex Pratt dans le corridor, vu que ma chambre est au 12e, soyons sérieux, le latex ne sert qu’aux gants chirurgicaux.

Il faut savoir qu’après des décennies de relâchement des mœurs, le Parti communiste chinois en appelle ces dernières années à une morale sexuelle plus rigoureuse.

Sous Mao, qui n’était pas exactement un moine, le Parti réprouvait officiellement les relations adultères et les relations sexuelles avant le mariage. Des sanctions au travail et même des peines de prison pouvaient être infligées à des époux infidèles.

Les années d’ouverture de la société chinoise, après la mort de Mao (1976), n’ont pas été que d’ordre économique. Xi Jinping et son prédécesseur, Hu Jintao, ont vu dans le libertinage débridé une menace au maintien des principes communistes et ont maintes fois dénoncé l’hédonisme sous toutes ses formes.

Chaque fois qu’un haut dirigeant tombe pour cause de corruption – et les exemples sont innombrables –, il est question d’argent, d’abus de nourriture et d’alcool, et d’adultère.

Dans une déclaration restée fameuse, en 2015, le parti avait officiellement condamné les membres du parti (on parle de 88 millions de personnes) qui se livrent « au golf, à la gloutonnerie et à l’adultère », autant d’indices de corruption et de dérive morale anticommuniste occidentale.

Quand le ministre des Chemins de fer a été dégommé pour corruption, on lui a dénombré 18 maîtresses. Un des responsables des travaux olympiques a été accusé d’avoir détourné des fonds publics pour entretenir une concubine. Etc.

Pourquoi donc cet étalage dans la chambre du visiteur ? Ironie ? Humour chinois ? Provocation ? Piège ? On ne me la fait plus en matière d’espionnage/contre-espionnage, moi qui ai promis à ma mère de ne jamais sortir à Pékin sans mes mitaines de camouflage de chasse achetées au Canadian Tire d’Alma.

Me suis fait un thé vert.