La capitale du divertissement ne fait rien à moitié. Ce n'est pas différent en finale de la Coupe Stanley. Après deux matchs, il est impossible de détourner le regard, de peur de rater un quelconque rebondissement.

Tous les ingrédients y sont : buts, arrêts spectaculaires, robustesse, action, drame, suspense. La série a même atteint un nouveau niveau d'intensité hier, à grands coups de bâton et de mises en échec. Dans un autre match très disputé, les Capitals ont battu les Golden Knights 3-2 pour égaler la série 1-1.

Ce match se résume en deux noms : Lars Eller... et Lars Eller. Pour le meilleur et pour le pire.

Pour le meilleur, car il a inscrit un but et deux aides dans un match où il a dû en faire beaucoup plus que d'habitude, après la blessure d'Evgeny Kuznetsov. Sur son but, il a bafoué son couvreur Colin Miller et n'a pas raté le filet désert, cette fois. Pour ses aides, il a alimenté à merveille Alex Ovechkin en avantage numérique, puis Brooks Orpik en entrée de zone.

Pour l'entraîneur des Capitals Barry Trotz, la raison de ses succès est d'une simplicité désarmante, et elle fera mal à quelques partisans du Canadien : Eller est un bon joueur de hockey.

« Il n'a pas peur de prendre davantage de responsabilités quand il doit chausser de plus gros souliers. Il aime ces occasions. Il les recherche. Il veut en profiter pour montrer ce dont il est capable. C'est l'un des joueurs les plus populaires de notre groupe. »

De là, on imagine, son nouveau surnom de « Tiger », dont l'origine reste nébuleuse.

Lars Eller pour le pire aussi, car sa pénalité inopportune en troisième période a valu un cinq contre trois de 1 min 09 s aux Golden Knights. Miller a obtenu deux tirs de qualité, Jonathan Marchessault un autre, mais personne n'a marqué.

Dans le vestiaire des Knights, on comprend que cette séquence charnière ait laissé des traces.

« Tu dois en profiter. C'est très rare. Tu dois générer des chances de marquer, mais des fois, ça ne se passe pas comme on veut », a dit Nate Schmidt, moins volubile que d'habitude.

« On s'exerce toute l'année pour ça », a lancé James Neal, sombre.

« Tu perds par un but, il faut que tu l'aies », a pour sa part dit Marchessault. Le Québécois n'échappera pas aux critiques pour sa gestion trop lente de l'avantage numérique. Trop de passes, trop de mouvement, pas assez d'urgence. La séquence a fait si mal que les Knights n'ont pas obtenu le moindre tir dans les 10 minutes suivantes.

Contrairement à ses habitudes, même l'entraîneur des Golden Knights a semblé irrité après le match. Il a repris plusieurs questions des journalistes dans un point de presse plus tendu qu'à l'habitude.

« À cinq contre trois, il fallait marquer. On doit leur donner le crédit pour ce qu'ils ont fait, mais il faut qu'on soit meilleurs. Alex Tuch a raté un but ouvert, on a eu 39 tirs, on a provoqué beaucoup de chances, Holtby a bien joué. Il a fait pencher la balance. »

Tuch et Holtby

Parlons-en, d'Alex Tuch.

Vous savez, le genre de séquences que vous allez revoir dans votre tête en boucle pendant longtemps ? Alex Tuch en a vécu une hier.

Il restait deux minutes au match quand Holtby a réalisé l'arrêt de tous les arrêts, avec le bâton, dans un déplacement latéral désespéré. Ovechkin au banc des siens n'en revenait pas. Tuch a levé les yeux au ciel de découragement.

« Les dieux du hockey équilibrent les choses, a expliqué Trotz, en reprenant une image qui lui est chère. Tout le monde a réagi sur le banc. »

« Quand il a fait cet arrêt, je savais qu'on allait gagner. »

Marc-André Fleury a connu un match sans histoire, ni mauvais ni spectaculaire, de 23 arrêts. Gallant a farouchement défendu son travail après le match. Le gardien, lui, n'avait certainement pas envie de parler du miracle de son vis-à-vis.

« Je l'ai vu, c'est un bel arrêt. »

Comme gardien, peut-il apprécier ce genre d'arrêts ?

« Non. Je voulais qu'Alex marque. »

Schmidt y est allé d'une perle de sagesse : « Une série ne se gagne pas en deux matchs. » On a quand même senti s'installer hier une nouvelle tension. Annulez les rendez-vous, samedi prochain : la finale de la Coupe Stanley, c'est devenu le spectacle à ne pas manquer.

Ils ont dit

« SI ON CONTINUE COMME ÇA, ON NE VA PAS GAGNER »« NON. »

- Barry Trotz, après qu'on lui eut demandé s'il avait une mise à jour de l'état de santé d'Evgeny Kuznetsov

« ON CONSIDÈRE QUE C'EST UN COUP DISCUTABLE, MAIS ÇA A PERMIS AUX JOUEURS DE SE REGROUPER. »

- Barry Trotz sur le coup de Brayden McNabb sur Kuznetsov

« LES STATISTIQUES AVANCÉES NE FONT PAS HONNEUR À CE GENRE DE JOUEUR. IL EST DE LA VIEILLE ÉCOLE, MAIS ON VEUT D'UN GARS COMME LUI DANS LES TRANCHÉES. IL FAIT LE TRAVAIL DIFFICILE, IL BLOQUE LES TIRS, SES COÉQUIPIERS L'ADORENT. ORPIK NOUS A DONNÉ L'ÉNERGIE PAR SON TALENT EN DÉSAVANTAGE NUMÉRIQUE LORS DU CINQ CONTRE TROIS. »

- Barry Trotz sur le but de Brooks Orpik

« [LES CAPS] VOULAIENT FORCER LES REVIREMENTS. QUAND ON JOUE PLUS DIRECTEMENT, ON EST UNE BIEN MEILLEURE ÉQUIPE. C'EST UNE ÉQUIPE OPPORTUNISTE. SI TU LUI DONNES LA RONDELLE, TU VAS EN PAYER LE PRIX. »

- Nate Schmidt

« CE N'EST PAS PARCE QUE NOUS SOMMES FAVORIS QU'ILS VONT NOUS DONNER LA VICTOIRE. ILS ONT DES GARS QUI SE LÈVENT AU BON MOMENT. ON DOIT FAIRE LA MÊME CHOSE. »

- Jonathan Marchessault

« ON DONNE TROP DE DEUX CONTRE UN, DE TROIS CONTRE DEUX. C'EST LEUR STYLE, PAS LE NÔTRE. ILS ONT BEAUCOUP D'ÉNERGIE, ET SI ON CONTINUE COMME ÇA, ON NE VA PAS GAGNER. ON DOIT REVENIR À CE QU'ON FAIT DE BIEN : NOTRE ÉCHEC AVANT. METTRE DE LA PRESSION SUR LES DÉFENSEURS POUR CRÉER DES REVIREMENTS. »

- Jonathan Marchessault

Des joueurs cloîtrés

Las Vegas n'est pas une ville ordinaire. On ne la surnomme pas la ville du vice par hasard. Les tentations y sont nombreuses, et elles sont très variées. Ce serait facile de se laisser emporter et de, disons, veiller un peu tard. L'entraîneur-chef des Capitals, Barry Trotz, a eu la discussion avec ses leaders, et il assure que ses joueurs sont enfermés depuis plusieurs jours. « Ils sont à l'hôtel. Personne n'est bronzé, rien de tout ça. Cette ville est différente des autres. Nous avons un bon groupe de leaders. Ces hommes ont un fort lien, ils savent qu'ils ne sont pas ici en vacances. Ils pourront toujours revenir à Vegas. Vegas sera toujours là, cette occasion de gagner la Coupe Stanley ne reviendra peut-être jamais. Ils sont enfermés et ils jouent à Mario Kart et regardent du basketball », m'a-t-on dit.

Le style de Tom Wilson

Tom Wilson a déjà été suspendu trois fois cette saison, la dernière fois pas plus tard que dans la série face aux Penguins de Pittsburgh. Lundi, il s'en est tiré malgré un coup d'épaule très discutable, dans l'angle mort, sur Jonathan Marchessault. Wilson traîne une réputation peu enviable, mais Barry Trotz ne veut pas qu'il change son style de jeu pour autant. « Nous voulons qu'il soit fidèle à son identité, c'est ainsi qu'il est efficace. Il comprend la limite. À mesure que le sport change, la limite change aussi. Il doit ajuster son style de jeu. C'est un homme intelligent qui prend son métier très au sérieux. Tu ne dois pas t'éloigner de ton identité comme joueur de la LNH, que tu sois Alexander Ovechkin, Tom Wilson ou n'importe qui d'autre. Si tu le fais, tu ne seras pas efficace. Il sait qu'il est un joueur robuste. Il sait que Dieu lui a donné une charpente de 6 pi 4 po et de 225 lb qui peut faire la différence sur la glace. »

Question de glace

La glace a beaucoup fait jaser, lundi. Plusieurs fois au cours du match, les juges de ligne ont dû procéder à des réparations de fortune, allant même jusqu'à utiliser un extincteur pour améliorer l'état de la glace. On l'a vu tout au long de la soirée, avec des rondelles bondissantes, des jeux ratés. Mais Barry Trotz n'est pas inquiet. « Dan Craig [directeur des opérations de la LNH] et son équipe sont les meilleurs au monde. Il fait 100 degrés [38 degrés Celsius], il y a 20 000 personnes, il y a de l'action. En plus, c'est une nouvelle glace en raison de tous les logos. On savait à quoi s'attendre. Mardi à l'entraînement, la glace était fantastique. Ils ont travaillé là-dessus toute la nuit. Ils ont fait de la glace à l'extérieur, en Californie. S'il y a un problème de glace, ils vont le régler. » T.J. Oshie juge que la glace n'est pas un enjeu, car elle est la même pour les deux équipes. Il reconnaît toutefois que les joueurs de finesse doivent simplifier leur jeu davantage pour s'ajuster à l'état de la glace.