(Calgary) Certaines citations sont plus parlantes à la télévision que dans un journal. Mais en ce vendredi midi au centre d’entraînement des Flames, il n’y a qu’un journaliste de l’écrit, aucune caméra, donc il faudra trouver les mots pour l’expliquer.

Jakob Pelletier nous raconte l’histoire de sa blessure à l’épaule, blessure qui a fait dérailler sa saison dès le premier match préparatoire. Son adversaire du Kraken de Seattle, Marian Studenic, l’a mis en échec, mais Pelletier était alors en position vulnérable.

« J’ai essayé de tourner, je ne l’ai pas vu, il m’a frappé un peu de dos et je suis tombé sur mon épaule, nous raconte-t-il, après l’entraînement optionnel. Je suis arrivé dans le vestiaire et mon épaule était rendue ici. »

En disant « ici », il ne parle pas du grand corridor où on le rencontre, rassurez-vous. Il pointe plutôt le bas de son pectoral. Comprendre que son épaule n’était pas exactement à l’endroit prévu à cette fin dans l’anatomie humaine. « Je voyais juste la boule en haut », ajoute-t-il, suscitant une réaction un peu trop spontanée – lire : un mot d’église – de l’auteur de ces lignes.

« Moi aussi, je capotais ! poursuit le premier choix des Flames en 2019. Honnêtement, je ne pensais pas me faire opérer. Sur le coup, tu te dis : “Je vais la replacer et ce sera correct.” »

Sauf que ce n’était pas correct. Il a donc eu affaire au DPeter Millett, spécialiste des opérations aux épaules, celui-là même qui a notamment opéré Cole Caufield l’an dernier. En plein camp d’entraînement, Pelletier est passé sous le bistouri.

Résultat : sa saison a commencé le 26 janvier, dans la Ligue américaine, et se poursuit maintenant dans la LNH, mais pas au niveau que le jeune homme espérait.

De Sutter à Huska

C’est un Jakob Pelletier décontracté et souriant qui se présente devant La Presse, même s’il se doute bien que dans les circonstances, l’entrevue ne portera pas que sur des sujets jojos.

La veille, les Flames affrontaient les Golden Knights, match qui s’est soldé 4-1 en faveur de Calgary. Le pauvre Pelletier n’a toutefois pas tant participé aux festivités. Employé avec parcimonie au sein du quatrième trio, il était sur la patinoire quand Vegas a ouvert la marque, en fin de deuxième période. Ce fut essentiellement sa dernière présence du match ; il a passé la totalité de la troisième période au banc, sauf une présence dans la dernière minute, quand les Flames menaient par trois. Son temps de jeu total : 4 min 55 s.

D’où la présence de Pelletier sur la patinoire vendredi, pendant que plusieurs de ses coéquipiers s’exerçaient en gymnase.

« Tu n’as pas le choix, il faut que tu sois un pro. Peu importe ce qui est arrivé hier, tu l’oublies et tu te concentres sur aujourd’hui et demain », résume Pelletier.

PHOTO SERGEI BELSKI, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

En raison d’une blessure à une épaule, Jakob Pelletier a commencé sa saison le 26 janvier, dans la Ligue américaine.

L’attaquant natif de Québec dit ne pas avoir parlé à son entraîneur-chef, Ryan Huska. Mais avant le match de jeudi, Huska laissait déjà transparaître son impatience au sujet du numéro 22. « À son premier match à son retour, à Boston, il a eu un impact parce qu’il utilisait sa vitesse, il jouait sans peur, il était premier sur la rondelle même en sachant qu’il allait se faire frapper, a dit Huska, aux collègues de Calgary. Cet aspect de son jeu n’est plus là dernièrement. »

Au moment de notre entretien, Pelletier ignorait si son purgatoire allait le priver d’un tout premier match contre le Canadien, samedi.

« J’avais une soirée où ça allait moins bien, le coach n’aimait pas ce que je faisais et c’est pour ça que j’ai moins joué. Ça fait partie du hockey. C’est à moi de prouver demain que je peux jouer plus », lance Pelletier.

Il demeure évasif lorsqu’on lui demande de décrire sa relation avec Huska, coach des Flames depuis juin.

Je n’ai pas joué pendant cinq mois, donc je ne peux pas dire grand-chose. Je suis un gars easy-going. Je ne suis pas là pour chialer. Je joue dans la LNH, c’est ce que je veux faire.

Jakob Pelletier

La question au sujet de l’entraîneur est intéressante, car la saison dernière, Pelletier s’était retrouvé bien malgré lui dans une controverse avec l’entraîneur-chef de l’époque, Darryl Sutter. Après le premier match de Pelletier dans la LNH, un journaliste avait demandé à Sutter son évaluation du nouveau venu. « Quel numéro porte-t-il ? », avait demandé Sutter en consultant la feuille de statistiques.

« Ça a pris une ampleur plus grosse que ce que c’était, estime Pelletier. Je pense qu’il essayait de faire une joke et ça a mal viré. Il faut que tu le connaisses. Ce n’est pas un mauvais gars, je ne lui en veux pas et il est venu me voir après pour me dire que j’avais bien joué. Si je n’avais pas bien joué, je n’aurais pas joué le match suivant. Mais là, j’ai continué à jouer, et j’étais même sur le premier trio ! »

Son audition dans la LNH, en 2022-2023, a finalement duré 24 matchs, dont plusieurs aux côtés des vétérans Jonathan Huberdeau et Nazem Kadri. Il a inscrit 7 points (3 buts, 4 passes), après une moitié de saison convaincante dans la Ligue américaine (37 points en 35 matchs). L’avenir semblait radieux pour Pelletier.

Le voici maintenant à trois mois de l’expiration de son contrat, au sein d’une organisation qui a changé de directeur général dans l’intervalle. En contrepartie, l’équipe a lancé un processus de réinitialisation assez clair en échangeant Noah Hanifin, Chris Tanev et Elias Lindholm ces dernières semaines. Autant d’indices d’un renouveau à venir.

Et de toute façon, Pelletier ne semble pas du genre à s’en faire pour les histoires de contrats.

« Le pire qui peut arriver, c’est qu’ils me donnent un contrat d’un an. Ce sera à moi de prouver que je vaux tant ou tant. Mais pour moi, le hockey n’a jamais été une question de contrat. Pour moi, c’est encore un jeu, comme dans le midget ou le junior. Je ne viens pas à l’aréna parce que c’est une job. Je viens parce que j’aime ça. »

En bref

Entraînement annulé

Le Canadien devait tenir un entraînement à son arrivée à Calgary, mais l’équipe l’a finalement annulé vendredi matin, peu avant de s’envoler pour l’Alberta. On ignore donc qui de Cayden Primeau ou de Samuel Montembeault affrontera les Flames ce samedi. Les deux hommes masqués sont en quête d’une première victoire contre Calgary, mais leur échantillon est mince ; Montembeault a affronté les Flames deux fois et Primeau, une seule fois. Le Tricolore a remporté ses trois derniers matchs au Saddledome, chaque fois par un but.

Le « fils » de Huberdeau

Jonathan Huberdeau se plaît à appeler Jakob Pelletier « mon fils » dans ses entrevues. Huberdeau a 30 ans, Pelletier, 23. Rassurez-vous : il n’y a pas de réel lien de paternité entre les deux. « Quand j’ai été rappelé l’an passé, j’étais toujours avec lui, il m’amenait partout. On a un bon écart et les gars riaient de ça, explique Pelletier. Depuis que je suis arrivé, il a été extraordinaire avec moi. Même cet été, je m’entraînais, on s’appelait une fois par semaine, je le voyais chaque semaine. Il m’a pris sous son aile depuis que je suis arrivé. Je vois c’est quoi, être un pro, et je vois quoi faire et ne pas faire. » Pelletier assure toutefois que le Jérômien n’agit pas de cette façon seulement avec lui. « Oui, le fait que je sois francophone, ça aide, mais il est correct avec les anglophones aussi, avec Connor Zary, ces gars-là. À New York, tout de suite après le match des étoiles, il a sorti tous les jeunes à souper. Il fait plein de choses pour que les jeunes se sentent appréciés, qu’ils sentent qu’ils font partie de l’équipe. »

Deux arénas, deux groupes

On aurait bien aimé vous rapporter les propos de Huberdeau au sujet de Pelletier, mais c’était un défi que seul Medardo di Terralba, le vicomte pourfendu d’Italo Calvino, aurait pu relever. C’est que les joueurs des Flames qui souhaitaient chausser les patins vendredi l’ont fait au WinSport Arena, le complexe d’entraînement de l’équipe, dans l’ancien complexe olympique. Pelletier était dans ce groupe. Et ceux qui ont opté pour l’entraînement en gymnase l’ont fait au Saddledome. Jonathan Huberdeau y était, de même que le personnel d’entraîneurs. La patinoire du Saddledome n’était pas disponible puisque les Roughnecks, l’équipe locale de crosse, jouait en soirée vendredi.