(Winnipeg) Pas évident d’interviewer un joueur quand l’unique fenêtre pour lui parler est après un match et que son équipe perd ledit match 6-2, comme l’a fait l’Avalanche du Colorado samedi contre les Jets.

On arrivait toutefois avec un bout d’information qui avait de quoi donner le sourire à Jonathan Drouin : la soirée de deux buts de son bon ami Josh Anderson, deux provinces plus loin.

« Bon ! Je suis content pour lui ! », a spontanément lancé Drouin à La Presse, bien assis à son casier. « On se textait justement la semaine dernière. J’étais passé par là l’an passé. Je lui disais juste de ne pas lâcher, de continuer à travailler. C’est dur d’être cheerleader à notre âge. Mais quand j’ai le temps, je regarde quelques matchs, et il avait des chances de marquer. Quand tu n’as pas de chances, ça peut être décourageant. Ça allait finir par rentrer. »

Drouin a lui aussi connu ses périodes de sécheresse depuis son arrivée à Denver. Il a inscrit son premier but à son 12e match de la saison et a même été laissé de côté deux fois pendant cette séquence.

PHOTO JAMES CAREY LAUDER, USA TODAY SPORTS

Jonathan Drouin marque contre les Jets de Winnipeg.

Samedi, il a inscrit le premier but de l’Avalanche, mettant fin à une série de neuf matchs sans buts. Après 28 matchs, il compte 10 points (4 buts, 6 passes).

« Les points ne sont pas où je veux, les buts non plus, mais les chances sont là, comme Andy [Josh Anderson] », estime-t-il.

Sauf que le statut de Drouin a radicalement changé en l’espace de quelques semaines. À Montréal, il traînait un triple fardeau : être un joueur local ; avoir été obtenu dans une transaction majeure ; détenir un contrat de 5,5 millions de dollars sous la masse salariale.

Ces trois réalités ont changé à Denver. Il n’est qu’un joueur parmi d’autres, son salaire n’est plus que de 825 000 $ et il s’est joint à l’Avalanche à titre de joueur autonome.

Pour toutes ces raisons, l’existence de Drouin est plus paisible. Une recherche rapide sur le Denver Post permet de retrouver cinq articles avec son nom dans le titre, en cinq mois depuis son arrivée là-bas. Sur The Athletic, le nom « Drouin » apparaît dans seulement trois titres depuis cet été, dont un dans un article de conseils de pool de hockey.

Mais Drouin voit un facteur de plus expliquant sa nouvelle quiétude. « Il se passe autre chose à Denver. Il y a le football, le baseball. Les Broncos vont bien. Ce n’est pas juste le hockey qui roule. »

Le hockey, c’est quand même gros, mais tu peux t’en éloigner. Je peux aller à la boucherie maintenant, demander au boucher quelle sorte de steak il a reçu cette semaine. Ma vie est un peu plus ouverte, plus relaxe.

Jonathan Drouin, à propos de sa vie à Denver

Et d’ajouter : « Ça fait du bien. »

Au moment où on s’entretenait avec Drouin, les Broncos affrontaient les Lions de Detroit, tandis que les Nuggets se mesuraient au Thunder d’Oklahoma City. « Je sens que beaucoup d’amateurs à Denver vont regarder les faits saillants du hockey sur notre site demain matin ! », a blagué un confrère du Colorado sur la passerelle, pendant le match.

Les attentes surpassées

Évidemment, tout n’est pas parfait. L’Avalanche traverse actuellement une séquence plus difficile avec une fiche de 3-4-2 à ses neuf dernières sorties. Drouin voit son utilisation fluctuer au gré de ses performances. Jared Bednar l’a envoyé sur la passerelle deux fois, mais le 7 décembre, il l’a employé 25 minutes, un sommet personnel pour Drouin dans la LNH. « Je suis rendu assez vieux, c’est ma 10e année, je sais que tu vis au jour le jour », a-t-il philosophé.

Samedi, il évoluait au sein du deuxième trio, avec Ryan Johansen et Ben Meyers, mais en avantage numérique, il faisait partie de la première unité, notamment avec messieurs MacKinnon et Rantanen.

C’est d’ailleurs en supériorité numérique que Drouin a marqué, récupérant une rondelle près de la peinture bleue, et après s’être mis le nez dans le trafic à quelques reprises pendant cette présence, tentant de faire dévier une rondelle. « Sur ce but, il s’est rué près du filet et a obtenu un bond favorable de la bande, a souligné Bednar. C’est un joueur intelligent qui va aux bons endroits et qui distribue bien la rondelle. »

Malgré sa récente séquence, l’Avalanche montre une fiche de 18-10-2 et participerait aux séries si elles commençaient cette fin de semaine.

« Ça ressemble pas mal à mes attentes. C’est même un peu mieux, croit Drouin. Les gars ont faim, ils veulent gagner, ils l’ont vécu il y a deux ans. Ils connaissent le feeling de gagner. Les nouveaux, on a été bien intégrés. Le coach est bon. »

On comprend que c’est un virage à 180 degrés par rapport au CH des deux dernières années.

C’est sûr. C’est dur quand tu fais une reconstruction. Jeune ou vieux, ce n’est pas le fun de vivre ça. Ici, ça m’a fait un changement d’air. Je suis juste content d’être dans une équipe avec autant de bons joueurs, autant de talent.

Jonathan Drouin

Parlant de talent, il a renoué avec Nathan MacKinnon, son ancien coéquipier des Mooseheads. Ils ont même leur petit rituel à la toute fin de l’échauffement, quand il ne reste plus qu’eux deux sur la patinoire. Drouin prend une demi-douzaine de rondelles et les refile au numéro 29, qui les dévisse l’une après l’autre. « Ça a commencé il y a quelques semaines, il voulait quelques one-timers avant de commencer le match et il m’a demandé de lui faire des passes. »

PHOTO STEVEN BISIG, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Drouin et MacKinnon célèbrent après un but contre le Kraken de Seattle.

Il n’a évidemment jamais joué avec quiconque du niveau de MacKinnon pendant ses six ans à Montréal. Mais on peut en dire autant de tout joueur qui n’a pas eu MacKinnon, Connor McDavid, Sidney Crosby, Jack Hughes ou Auston Matthews comme coéquipiers.

Il reste que Drouin s’ennuie de certains trucs qui faisaient naguère partie de son quotidien. « Ce qui me manque, c’est le Centre Bell. C’est une place tellement spéciale où jouer. Ça, et les relations avec certains coéquipiers. Même si on gagnait moins ces dernières années, tu bâtis de belles relations. Je m’ennuie de ça, du Centre Bell, mais pas des bancs de neige hauts de même ! »