C’est la tradition pendant la période d’échauffement : les partisans, souvent les plus jeunes, s’agglutinent le long des baies vitrées et y placardent leurs affiches dans l’espoir qu’un joueur leur offre une rondelle ou, mieux encore, un bâton.

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Les messages sont souvent humoristiques, comme celui-ci mercredi soir, au Centre Bell : « Qui a besoin de Crosby quand tu as Slafkovsky ? »

On ignore si Sidney Crosby a les yeux de lynx pour lire cette pancarte, qui était derrière le filet de Samuel Montembeault, mais quoi qu’il en soit, il a fait ravaler la boutade à ce partisan en se faisant le catalyseur d’une victoire de 4-3 des Penguins sur le Canadien.

Ce n’est pas un reproche à Juraj Slafkovsky, remarquez, qui a joué un match très correct malgré quelques bévues ici et là.

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Mike Matheson (8) et Sidney Crosby (87)

Sauf que dans la bataille des anciens premiers choix au repêchage, celui de 2005 a dominé sur toute la ligne. Son bilan : deux buts, une passe, un autre but en tirs de barrage, 60 % aux mises en jeu, 22 minutes sur la patinoire. Dans le monde de Crosby, 36 ans est le nouveau 26.

David Savard a bien connu le numéro 87 pour l’avoir affronté lors de nombreuses éditions du Clásico Columbus-Pittsburgh (il est possible que les partisans des deux équipes n’emploient pas cette expression).

Il est encore un des meilleurs joueurs au monde. Il est exceptionnel. On l’a vu toute sa carrière. Il produit quand tu penses qu’il n’y a rien. Il fait de bons jeux, de bonnes lectures.

David Savard, à propos de Sidney Crosby

Savard et Mike Matheson avaient pour mission d’affronter Crosby, une confrontation que Martin St-Louis a respectée scrupuleusement. Voici, selon Natural Stat Trick, le temps passé par Crosby contre chaque défenseur du Canadien à cinq contre cinq.

  • Mike Matheson : 15 min 37 s
  • David Savard : 14 min 37 s
  • Johnathan Kovacevic : 1 min 16 s
  • Kaiden Guhle : 1 min 16 s
  • Justin Barron : 1 min 3 s
  • Jayden Struble : 0 min 28 s

Or, à cinq contre cinq, Matheson et Savard ont accompli leur tâche, même que Savard a rarement été aussi impliqué offensivement que mercredi. Crosby a inscrit deux points en avantage numérique. Et celui à cinq contre cinq ? C’était un des moments pendant les 76 secondes où il s’est retrouvé face à Guhle, un jeu où il s’est rué sur le jeune défenseur du Canadien, qui a mis trop de temps à relancer l’attaque.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Sidney Crosby (87) vole la rondelle au défenseur Kaiden Guhle (21).

« Je n’étais probablement pas prêt, a admis un Guhle défait après le match. Ça ne peut pas arriver. C’est ma faute. Ça ne peut pas arriver. »

Dans un avenir pas si lointain, Guhle deviendra l’homme de confiance du CH pour ce type de duel. Mais ce jour n’est pas encore arrivé. Et hormis un talent exceptionnel, il est très rare que de telles affectations incombent à des jeunes de 21 ans.

La sacro-sainte rondelle

Sur ce jeu précis, Guhle devrait assimiler la leçon rapidement. Mais il y en avait une, plus globale, valide pour tous les joueurs en rouge, que St-Louis souhaite inculquer avec cette prestation du Néo-Écossais.

Dans ses points de presse, St-Louis insiste souvent sur l’importance de bien gérer la rondelle, selon les situations de match. Plus tôt cette semaine, il donnait l’exemple de jeux qui peuvent être tentés ou non, selon le pointage et le moment du match.

C’est ce bout-là du jeu de Crosby que St-Louis a admiré.

« C’est 3-3 en troisième, et il n’y a pas beaucoup de revirements dans sa game. Il envoie [la rondelle] souvent dans le fond. C’est un joueur étoile, c’est un bel exemple pour nous aider à mieux gérer la game. La game ne te donnera pas toujours de l’espace. Je trouve qu’on a fait une bonne job pour ne pas trop donner d’espace. Mais quand Crosby n’a pas ça, il respecte ce que la game lui dit. Ça fait longtemps qu’il est mature. Ce sont de beaux exemples. »

Ses propos rejoignaient ce que Savard disait quelques minutes plus tôt dans le vestiaire. « C’est rare qu’il reste pris avec la rondelle, qu’il fait des revirements. Il rend les joueurs autour de lui meilleurs. C’est pour ça qu’il peut encore jouer à ce niveau, c’est sa façon de voir la game autour de lui. »

Le fait que Crosby ressorte avec trois points d’un match où il a été neutralisé à cinq contre cinq par ses principaux rivaux en dit long sur son niveau de discipline. Ce n’est pas seulement une leçon pour la jeunesse, remarquez : Erik Karlsson a passé sa première période à distribuer les rondelles aux Montréalais.

Mais le jeune noyau du CH a intérêt à assimiler la leçon, qui n’aura au bout du compte coûté qu’un point au classement plutôt que deux.

En hausse

Sean Monahan

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Sean Monahan (91)

Il ressemblait pas mal plus au Monahan d’octobre qu’à celui de novembre. Il a notamment préparé une chance de marquer pour Josh Anderson sur un plateau d’argent, mais on vous laisse deviner la suite.

En baisse

Jonathan Kovacevic

Quelques pertes de rondelle et une punition. Pas une soirée facile même s’il a surtout affronté le troisième trio des Penguins.

Le chiffre du match

32 : 31

C’est le temps d’utilisation de Mike Matheson, un record personnel à son 494e match dans la LNH. Le défenseur a joué 4 min 16 s en prolongation.

Dans le détail

L’attaque à cinq se dégêne (chez les Penguins)

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Les Penguins ont inscrit deux buts en avantage numérique mercredi soir contre le Canadien.

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître pour une équipe qui a, sur sa première vague d’avantage numérique, trois futurs membres du Temple de la renommée, les Penguins étaient, jusqu’au début de la semaine, l’une des pires équipes de la LNH avec un homme en plus. Le portrait a changé subitement, avec quatre buts en deux matchs, dont deux inscrits contre le CH. Après la rencontre, Kristopher Letang s’est gardé de parler d’un « déclic ». « Le problème, c’est qu’on juge l’avantage numérique au but qui est marqué, et non sur le jeu pendant deux minutes, a analysé le défenseur québécois. Tu peux avoir beaucoup de chances, mais frapper le poteau ou être victime d’un bel arrêt. Alors la confiance descend, ça te joue dans la tête ; tu ne joues pas bien, tu forces des jeux, tu gèles. On est revenus à la base et on a simplifié les choses. » L’entraîneur-chef Mike Sullivan a quant à lui estimé que le travail ne faisait que commencer. « Ces gars ont la capacité d’atteindre un autre niveau, et on va les aider à y arriver. »

C’était Anderson ou Stephens

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Alex Nedeljkovic (39) et Josh Anderson (17)

Un total de 24 tireurs a été nécessaire en tirs de barrage pour trouver un gagnant à ce match. Comme on pouvait s’y attendre, c’est Jansen Harkins qui a clos le débat au 12e tour. Si ce chouchou des poolers a pu marquer le but gagnant, c’est parce que Josh Anderson n’avait pu déjouer Alex Nedeljkovic quelques secondes auparavant. En réalité, Martin St-Louis avait désigné 10 autres attaquants ainsi que le défenseur Mike Matheson avant d’arrêter son choix sur Anderson. Autrement dit, à moins d’y aller avec un défenseur, il ne restait plus que Mitchell Stephens de disponible. Pauvre Josh… Nedeljkovic, par ailleurs, a semblé ébranlé à la suite d’un contact avec Christian Dvorak, quelques tours plus tôt. Il a passé un long moment avec des thérapeutes du sport, et il a finalement poursuivi la séance. Il a été déjoué par le tireur suivant (Sean Monahan) et a semblé incommodé. Il était plutôt furieux d’avoir cédé, a-t-il expliqué après coup. « C’était juste une égratignure », a-t-il dit en souriant. C’est plus facile de le prendre avec légèreté quand on gagne, direz-vous…

Encore les défenseurs au pointage

Les attaquants du Canadien ont encore conclu leur soirée sans aucun but à cinq contre cinq, mercredi. Sean Monahan s’est inscrit au pointage en avantage numérique ; autrement, à forces égales, David Savard et Jayden Struble avaient donné l’avance 2-0 à leur club, chaque fois alors que le quatrième trio du CH était sur la glace. « Dans notre philosophie, et surtout avec la manière dont le jeu évolue, on attaque beaucoup à quatre, parfois à cinq joueurs, a noté Martin St-Louis. On demande à nos défenseurs de supporter l’attaque, ils font partie de nos concepts en zone offensive. Je pense que c’est positif. » Ce l’est certainement. En contrepartie, quand on sait que le Tricolore est l’une des équipes les moins productives de la LNH à cinq contre cinq, et que ses défenseurs sont parmi les meilleurs au chapitre des buts marqués, ça en dit long sur la force de frappe parmi le groupe d’attaquants.

Simon-Olivier Lorange, La Presse